Soudan: les paramilitaires saluent les efforts de paix de Trump, alors que les Européens sanctionnent leur numéro deux

Les paramilitaires soudanais et leurs soutiens présumés des Émirats arabes unis ont salué vendredi 21 novembre la volonté de Donald Trump d’arrêter à la guerre fratricide qui ravage le Soudan. Des efforts diplomatiques qui interviennent alors que le pays est devenu le théâtre de la « pire crise humanitaire » au monde, selon l’ONU.
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Le président américain avait dit ce 19 novembre vouloir mettre fin aux « atrocités » au Soudan après que le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane lui a demandé de s’impliquer pour arrêter cette guerre qui a fait des milliers de morts et forcé le déplacement de millions de personnes depuis avril 2023.
Dans la foulée, le Conseil de souveraineté du Soudan, dirigé par le chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, a, lui aussi, indiqué être prêt à coopérer avec Washington et Ryad pour tenter de mettre un terme au conflit.
Ce 21 novembre, les Forces de soutien rapide (FSR), en guerre contre l’armée, ont dit, quant à elles, apporter leur « réponse complète et sérieuse à ces initiatives » tout en tançant la direction de l’armée soudanaise. « Nous affirmons (…) que le véritable obstacle à la réalisation de la paix est la clique qui contrôle les décisions des forces armées, composée des restes de l’ancien régime et des dirigeants de l’organisation terroriste des Frères musulmans », ont déclaré les FSR dans un communiqué diffusé sur Telegram.
Le chef des paramilitaires, le général Mohamed Daglo, présente régulièrement le conflit comme une lutte contre les « islamistes radicaux » du camp adverse, alors qu’il avait lui-même collaboré en 2021 avec le général al-Burhane pour évincer les civils du pouvoir.
Les Émirats saluent les efforts de Trump
Les Émirats arabes unis, pays régulièrement accusé de soutenir les paramilitaires en lutte contre l’armée soudanaise, ont, eux aussi, salué vendredi la volonté du président américain Donald Trump de mettre un terme à la guerre au Soudan. Lors d’un échange téléphonique avec le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio, le ministre émirati des Affaires étrangères Abdallah ben Zayed Al Nahyane a « salué les déclarations du président américain Donald Trump appelant à la fin des attaques horribles perpétrées contre les civils » et s’est félicité de son rôle « de chef de file pour instaurer la stabilité au Soudan », ont indiqué les Émirats, pays membre de la médiation.
En septembre, le groupe médiateur dit du « Quad », qui réunit aussi les États-Unis, l’Égypte, l’Arabie saoudite, a proposé un plan prévoyant une trêve de trois mois ainsi que l’exclusion du gouvernement actuel et des FSR du paysage politique post-conflit, une clause jusqu’à présent rejetée par l’armée sur fond de stagnation des pourparlers.
Début novembre, les paramilitaires ont annoncé accepter une trêve humanitaire après avoir pris El-Fasher, dernier bastion de l’armée dans la région du Darfour (ouest) où l’ONU a fait depuis état de massacres, viols, pillages et déplacements massifs de population.
Désormais maîtres du Darfour, région vaste comme la France métropolitaine et qui fait le tiers de la superficie du Soudan, les paramilitaires ont intensifié ces dernières semaines leurs attaques dans le Kordofan voisin, région pétrolifère. Depuis plusieurs jours, ils annoncent la « libération imminente » de la ville de Babanousa, qu’ils assiègent depuis janvier 2024, l’une des dernières du Kordofan-ouest tenues par l’armée et nœud ferroviaire stratégique reliant l’ouest du pays à Khartoum.
Un avion-cargo transportant 40 tonnes de matériel médical – la livraison la plus importante depuis mars, selon Save the Children – a atterri cette semaine à Port-Soudan, la capitale de facto du pays sous contrôle de l’armée, a indiqué ce 21 novembre l’ONG dans un communiqué.
L’UE sanctionne le numéro deux des paramilitaires
À Bruxelles, à l’issue d’une réunion des 27 Ministres des Affaires Étrangères des pays membres de l’Union européenne, des sanctions ont été prises contre le numéro deux des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) au Soudan. Il s’agit d’Abdelrahim Daglo, le frère du chef des paramilitaires Mohaad Hamdane Daglo dit Hemedti, accusé d’exactions contre les civils. Les sanctions prévoient une interdiction d’entrée dans l’UE et un gel des avoirs : « Cela envoie un signal que la Communauté Internationale poursuivra ceux qui sont responsables » a indiqué Bruxelles. Cette décision laisse la population soudanaise indifférente, surtout les victimes des exactions des FSR.
Pour la population soudanaise victime de la violence extrême de cette guerre la décision de sanctionner uniquement le numéro deux des paramilitaires ne semble pas logique si l’on ne sanctionne pas également les autres responsables de ces crimes et à leur tête Mohamad Hamdane Daglo chef des paramilitaires. Un responsable européen a justifié en expliquant ces sanctions « ont volontairement été limitées afin de garder les canaux de communication ouverts ».
Ces sanctions sont par ailleurs inutiles et ne changerons rien sur le terrain, d’autant plus que les chefs des Forces de soutien rapide ne possèdent pas de compte en Europe et ne se sont jamais déplacés en Occident. Au contraire, leurs avoirs en sociétés et en comptes bancaires se situent aux Émirats arabes unis, accusés d’armer et de financer les paramilitaires. Et c’est el Koni, le troisième des frères Daglo, qui vit à Abu Dhabi, qui est chargé du financement et de la logistique des FSR.
« Depuis avril 2023, les FSR ont commis de nombreux massacres, des crimes de guerre et crimes contre l’humanité » selon l’ONU, à commencer par celui d’al Geneina au Darfour de l’ouest. Des massacres qui se sont perpétrés dans plusieurs localités dans l’État d’al Jazeera et ailleurs, là où les FSR sont passés, et cela en toute impunité et alors que la Communauté internationale n’a fait que condamner. Avant la prise d’El-Fasher, Mohamad Hamdane Daglo, avait ordonné à ses hommes de ne laisser aucun prisonnier de guerre vivant, « il faut les tuer tous », avait-il déclaré.
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