Ile Maurice: Jeux à Maurice – Entre renaissance du privé et naufrage du public

Le classement 2025 de Top 100 Companies, publié cette semaine, remet en lumière un paradoxe désormais trop visible pour être ignoré : alors que le secteur privé du gaming consolide sa progression et confirme sa capacité d’innovation, les Casinos de Maurice, sous la holding de la State Investment Corporation, affichent une débâcle financière qui interroge profondément le rôle de l’État dans ce segment économique. Deux dynamiques s’opposent, symbolisant une transition sectorielle où performance, gouvernance et modernisation deviennent les critères décisifs de survie.
Les chiffres publiés par Top 100 Companies et les données financières officielles dressent un tableau sans appel : près de Rs 1,5 milliard de pertes entre 2015 et 2024, dont Rs 327 millions enregistrées pour les 18 mois se terminant en juin 2024. Une situation a été qualifiée de «désastreuse» par le Premier ministre, Navin Ramgoolam, à l’Assemblée nationale, qui a accusé une décennie d’absence de vision, de carences en gouvernance et de décisions managériales hasardeuses sous l’ancien gouvernement.
Dans un marché pourtant en plein redéploiement, l’effondrement du principal opérateur public apparaît d’autant plus frappant que les casinos du monde entier, post-Covid, ont retrouvé une dynamique financière portée par la diversification, la digitalisation et l’optimisation opérationnelle. À Maurice, rien de tel : infrastructures vieillissantes, absence d’innovation, manque d’investissements technologiques, stratégie inexistante et pilotage erratique. Les pertes devenues structurelles posent désormais la question d’une refonte complète du modèle, voire d’un désengagement partiel de l’État.
À l’autre extrémité du spectre, Lottotech, filiale du groupe Gamma, réaffirme en 2025 sa position de leader du secteur, s’installant durablement dans le top tier. L’entreprise enregistre un chiffre d’affaires de Rs 2,8 milliards et des bénéfices avant impôt de Rs 125 millions au 30 juin 2024. Pour les neuf mois se terminant au 30 septembre 2025, ses revenus atteignaient déjà Rs 2,4 milliards, confirmant une trajectoire de croissance continue.
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Lottotech ne doit pas cette performance uniquement à la popularité du Loto. Depuis 15 ans, la société a multiplié les innovations : diversification de l’offre – Loto, Loto+, Loto vert et paris sur les matchs de foot anglais -, renforcement de ses réseaux de distribution, engagement sur les plateformes numériques et adaptation aux nouveaux usages.
L’entreprise revendique 1 000 emplois créés, 536 millionnaires et Rs 19,7 milliards de prix distribués. Des résultats qui démontrent une gestion rigoureuse, une stratégie orientée vers la modernisation et une capacité à anticiper les évolutions du marché. L’étape suivante est désormais claire : la digitalisation complète des opérations. Lottotech attend un amendement légal permettant le règlement des paiements en ligne afin de lancer ses services numériques, ciblant notamment les jeunes utilisateurs. Son objectif : faire de 2026 l’année du basculement vers un écosystème de jeux plus fluide, plus interactif et plus aligné avec les standards internationaux.
Résilience
Le Top 100 Companies confirme que la résilience du gaming ne se limite pas au Loto. Stevenhills, avec un chiffre d’affaires de Rs 1,8 milliard, progresse et renforce sa présence après sa récente entrée sur le marché officiel. Play on Line, troisième opérateur du classement sectoriel, réalise Rs 601 millions de revenus, et retourne à la profitabilité grâce à une meilleure gestion des coûts et une stratégie digitale plus agressive.
Derrière eux, une douzaine d’autres opérateurs – SMS Pariaz, Centre Gaming House, ASL, Pallagames et Flacq Jeux, entre autres – affichent des performances variant entre Rs 100 millions et Rs 400 millions de revenus. Au total, les principaux acteurs du secteur génèrent Rs 7,6 milliards de chiffre d’affaires et Rs 442 millions de profits avant impôt, confirmant l’importance économique de la filière.
L’écosystème du gaming à Maurice se transforme clairement : digitalisation progressive, retour structuré des courses hippiques avec le Mauritius Turf Club Jockey Club, montée en puissance des plateformes de paris à distance et repositionnement d’acteurs historiques. Mais cette transformation ne pourra se poursuivre que si trois conditions sont réunies : vigilance réglementaire pour éviter les dérives ; innovation continue, notamment digitale ; et repositionnement de l’État, dont l’échec à gérer les Casinos de Maurice constitue un avertissement cinglant.
La renaissance du privé et le naufrage du public rappellent une vérité simple : dans le secteur des jeux, la performance ne dépend ni du hasard ni de la chance, mais de la stratégie, de la gouvernance et de la capacité d’adaptation.

