CAN: dix moments extraordinaires qui ont marqué à jamais l’histoire du tournoi

Du triplé historique de l’Égypte aux drames d’Olembé, de la magie Madiba en 1996 au conte de fée ivoirien en 2024, la CAN a offert au continent des scènes que les fans de foot n’oublieront jamais. À l’approche de l’édition 2025 au Maroc, plongée dans dix épisodes où la Coupe d’Afrique des nations a mêlé joie, douleur, chaos et renaissance.
La CAN sous le feu en Angola
Le 8 janvier 2010, la CAN s’ouvre dans la terreur en Angola. Le bus des Éperviers togolais, en route vers Cabinda, est mitraillé à l’arme lourde par des séparatistes du FLEC (Front de libération de l’enclave de Cabinda). Trois membres de la délégation perdent la vie, plusieurs joueurs sont blessés, parmi lesquels le gardien Kodjovi Obilalé, grièvement touché et dont la carrière s’arrête net. La Confédération africaine de football, d’abord sceptique, reproche au Togo de ne pas avoir respecté le règlement qui imposait un trajet en avion, provoquant une immense colère à Lomé. Sous le choc, le gouvernement togolais décide de rapatrier son équipe, qui quitte la compétition avant même de jouer. La CAN 2010 se disputera sans les Éperviers, privés également des deux éditions suivantes après une suspension initiale de la CAF, avant que la FIFA ne s’en mêle et obtienne la levée de la sanction.
Le triomphe de Mandela
Dans un Soccer City en ébullition ce 3 février 1996, Nelson Mandela, vêtu du maillot des Bafana Bafana, galvanise une nation tout juste réconciliée avec elle-même. Les joueurs, portés par la « magie Madiba », écrivent l’histoire en dominant la Tunisie (2-0) en finale pour leur première participation à la CAN et la première organisation de l’Afrique du Sud. « Le sport a le pouvoir de changer le monde. Il a le pouvoir d’inspirer. Il a le pouvoir d’unir les gens comme peu d’autres choses le font », disait Nelson Mandela. Cette victoire, plus qu’un titre, symbolise la renaissance d’un peuple et restera dans les mémoires comme un moment fondateur, à l’instar de la Coupe du monde de rugby un an auparavant. Et dire que cette CAN devait initialement être organisée par le Kenya…
Drame à Olembé
À Yaoundé, la ferveur populaire qui accompagne la CAN 2022 tourne au drame devant le stade flambant neuf d’Olembé. À l’approche du huitième de finale Cameroun-Comores, des milliers de supporters affluent, certains sans billet, espérant entrer comme lors des précédentes rencontres. Mais les contrôles sanitaires, les restrictions liées au Covid-19 et un dispositif sécuritaire dépassé transforment l’entrée du stade en étau. La police, débordée, finit par ouvrir une grille, et c’est la ruée : des corps entassés, des cris, des pleurs. Le bilan est terrible : huit morts, dont un enfant de six ans, et des dizaines de blessés, parfois graves. La CAN est en deuil.
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L’interminable série de tirs au but
Avec Didier Drogba d’une côté et Samuel Eto’o de l’autre, c’est un duel de titans que se livrent la Côte d’Ivoire et le Cameroun ce 4 février 2006, au Military Stadium du Caire. Les deux géants se retrouvent en quart de finale, et après le temps réglementaire et une suffocante prolongation (1-1), la séance de tirs au but va entrer dans la légende. Aucun des cinq premiers tireurs des deux équipes ne manque son penalty, ni les cinq autres suivants, et idem pour les gardiens de but. Il faut reprendre les mêmes donc et recommencer. Samuel Eto’o s’avance et envoie le ballon au-dessus de la barre, Didier Drogba ne tremble pas et offre la qualification aux Éléphants avec un score de 12-11 aux pénaltys. Historique !
Un hélicoptère dans un stade…
Le 5 février 2015 à Malabo à la CAN organisée par la Guinée équatoriale, la demi-finale entre le Ghana et le pays hôte dégénère après un penalty accordé aux Black Stars. Les tribunes s’enflamment : jets de bouteilles, invasion de la piste, joueurs escortés hors du terrain. Et l’inimaginable : un hélicoptère de la gendarmerie qui vole bas et survole les tribunes pour disperser la foule. La rencontre est interrompue plus de trente minutes, les supporters ghanéens se réfugient sur la pelouse, cherchant protection sous les yeux des caméras du monde entier. La police finit par utiliser des gaz lacrymogènes pour rétablir l’ordre. Le match finit par reprendre dans un stade vidé.
Quand l’Égypte voit triple
L’Égypte, c’est la dynastie éternelle des Pharaons dans le royaume de la CAN. Entre 2006 et 2010, les Égyptiens réalisent un exploit inédit : trois titres consécutifs, une domination sans partage sur le continent. En 2006, au Caire, la Côte d’Ivoire de Drogba est domptée aux tirs au but. Deux ans plus tard, au Ghana, l’Égypte terrasse encore la Côte d’Ivoire en demi-finale avant de battre le Cameroun grâce à un but d’Aboutrika. En 2010, en Angola, les Pharaons, seuls invaincus du tournoi, triomphent du Ghana. Hassan Shehata, le sélectionneur, entre dans la légende. Après la CAN 2010, l’Égypte est autorisée à conserver le trophée. Celui sera mystérieusement perdu sans que l’on sache encore aujourd’hui, ni quand, ni comment…
Baston dans le brouillard de Radès
En 2004, le quart de finale Tunisie-Sénégal (1-0) se dispute dans un épais brouillard et dans une tension extrême entre le pays organisateur et le grand favori de la CAN. 65e minute, El-Hadji Diouf est victime d’une faute non sifflée, l’action se poursuit et Mnari marque pour la Tunisie. Les Sénégalais perdent leur sang-froid, joueurs, remplaçants, entraîneurs, médecins, kiné, envahissent la pelouse qui est à deux doigts de se transformer en champs de bataille. Le match finit par reprendre et se termine sur la victoire tunisienne. Mais le calme n’est pas revenu dans les rangs sénégalais avec Diouf qui s’en prend aux panneaux publicitaires, Habib Bèye qui cherche à en découdre, et l’équipe qui se défoule plus tard dans les vestiaires.
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Nigeria, un champion victime de la politique
En 1996, le Nigeria, champion en titre, mondialiste et futur champion olympique, boycotte la CAN organisée en Afrique du Sud, invoquant des raisons de sécurité. Mais la réalité est que le dictateur Sani Abacha, vexé par la condamnation de Nelson Mandela après l’exécution de l’écrivain et opposant Ken Saro-Wiwa, a décidé de montrer sa puissance. Les Super Eagles, à leur apogée, sont donc absents pour la défense de leur titre. Pire, l’une des plus belles générations de footballeur va subir une double peine avec la CAF qui décide de suspendre le Nigeria pour la CAN 1998 en représailles de son absence en 1996. Une belle défaite pour le football africain.
Le conte de Fae de la Côte d’Ivoire
Emerse Fae restera certainement à jamais comme le sélectionneur qui a gagné la Coupe d’Afrique en quatre matches. En janvier 2024, la Côte d’Ivoire traverse une tempête dans une CAN qu’elle a organisée. Humiliés à domicile par la Guinée équatoriale lors du dernier match de poule (0-4), les Éléphants sont quasi éliminés. Le sélectionneur Jean-Louis Gasset quitte son poste. Emerse Faé, jusque-là adjoint discret, hérite d’une mission quasi impossible : remobiliser un groupe brisé. Mais le miracle s’opère. Faé, à 40 ans, insuffle une nouvelle énergie, ressoude ses joueurs, et les conduit jusqu’à la victoire finale, s’adjugeant l’un des exploits les plus retentissants de la Coupe d’Afrique des nations.
Coup de chaud sur l’arbitre
Le 12 janvier 2022 à Limbé, au Cameroun, la CAN plonge dans le rocambolesque. Le Zambien Janny Sikazwe, arbitre d’expérience, semble perdre ses repères à quelques minutes de la fin du match entre le Mali et la Tunisie (1-1). Il siffle d’abord la fin de la rencontre à la 85e minute, avant de se raviser sous la pression générale. Puis, à la 89e minute, il met un terme à la rencontre, ignorant les arrêts de jeu évidents. La stupeur s’empare des joueurs, du staff tunisien, du public. Les Aigles de Carthage refusent de reprendre le jeu lors d’une tentative de relance du match. L’arbitre, escorté hors du terrain, expliquera plus tard avoir souffert de déshydratation et de coup de chaleur, mais la polémique, elle, ne s’éteindra pas de sitôt.



