Au procès de l’ex-chef rebelle Lumbala, un rapport de l’ONU et un documentaire décortiquent les crimes en RDC

À Paris, le procès de Roger Lumbala se poursuit alors que ce dernier refuse toujours de comparaitre depuis l’ouverture des débats le 12 novembre dernier. L’ex-chef de guerre congolais est jugé en France pour complicité de crimes de guerre au nom de la compétence universelle. Luc Henkinbrant, ancien officier des droits de l’homme à l’initiative de l’enquête du rapport Mapping, publié en 2010, est venu expliquer le contenu de ce document de l’ONU. Commandé après la découverte en 2005 d’un charnier, il cartographie les crimes contre l’humanité commis de 1993 à 2003 dans cette région.
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Luc Henkinbrant, ancien officier des droits de l’homme, aujourd’hui retraité, a été interrogé sur le rapport Mapping, ce 19 novembre 2025 à Paris. Le président du tribunal a lu plusieurs extraits, notamment ceux relatifs à l’opération « Effacer le tableau » : « Ce sont au moins 373 civils, dont des Pygmées tués. » Et de poursuivre : « Des miliciens du Sud-Kivu auraient aussi recueilli du liquide vaginal pour fabriquer des fétiches. Des éléments du MLC et du RCD-N auraient également fabriqué des amulettes à l’aide de sexe boucané. »
Luc Henkinbrant confirme que cela figure bien dans le rapport Mapping. L’ancien officier des droits de l’homme termine son audition et félicite la Cour de s’être emparée de l’affaire pour permettre aux victimes d’être entendues.
Il a toutefois découvert ce mercredi, lors des auditions, que la Cour d’assises n’a pas eu accès aux annexes du rapport Mapping qui continent les noms des auteurs allégués de crimes contre l’humanité commis de 1993 à 2003. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies, ces annexes seraient présentées si la justice le demandait.
« Un véritable scandale que cette base de données n’ait pas été communiquée »
« C’est un véritable scandale que cette base de données, qui contient les noms des auteurs présumés des crimes que même ici, devant cette Cour, ces documents n’ont pas été communiqués, s’insurge-t-il. Beaucoup des auteurs qui sont dans cette base de données, des auteurs des crimes, sont des personnalités de haut-niveau qui peuvent être au pouvoir politique et militaire en RDC, mais aussi dans les pays voisins comme l’Ouganda et surtout comme le Rwanda, pays voisin, donc qui profite et utilise ces mouvements rebelles congolais, alors qu’il s’agit d’une guerre économique qui leur permet de faire sortir les ressources naturelles : les minerais, l’or, qui se trouvent notamment dans les zones que le RCD-N et son allié, le MLC, soutenus par l’Ouganda, voulait conquérir ».

Dans l’après-midi, le documentaire L’Empire du silence et été projeté pour permettre aux jurés de comprendre ce qu’il se joue à 9 000 kilomètres de Paris. Ce film de Thierry Michel retrace trois décennies de guerre en RDC. Pendant les deux heures de projection, trois jurés regardent les images la main sur la bouche, un autre détournant le regard. Et toujours la même absence dans le box des accusés, celle de Roger Lumbala. Dans une note lue mercredi matin par le président de la Cour, l’ex-chef rebelle demande à être jugé par la Cour pénale internationale.
À écouter aussiDécryptages – Le procès de Roger Lumbala, un pas vers la fin de l’impunité en RDC
Roger Lumbala a été interpellé en décembre 2020, mis en examen le 4 janvier 2021 et inculpé en 2023. Il est jugé depuis le 12 novembre 2025 à Paris, devant la Cour d’assises, pour complicité de crimes contre l’humanité et association de malfaiteur en vue de préparation d’un crime contre l’humanité pour des faits commis à l’est de la RDC, notamment en 2002. Il est aujourd’hui jugé en vertu de la compétence universelle. Il s’agit du premier procès en France visant un ressortissant de la République démocratique du Congo.
Du 12 novembre au 19 décembre 2025, le président de la Cour d’assises, les deux vice-procureurs antiterroristes, examinent le rôle de cet ancien chef rebelle du RCD-N (Rassemblement congolais démocratique-National), accusé d’avoir participé à l’opération « Effacer le tableau » avec l’actuel vice-Premier ministre de la RDC et ancien chef rebelle Jean-Pierre Bemba, alors dirigeant du Mouvement de libération du Congo. Cette opération, marquée par des massacres, des viols et des actes de torture, essentiellement contre les populations civiles Batwa et Nande. Roger Lumbala n’avait jamais fait l’objet de poursuites judiciaires.
Plus de vingt ans après les faits, ce procès symbolique est fondé sur différents rapports et témoignages des victimes du Haut-Uélé et de l’Ituri. Pour les parties civiles, il incarne une avancée historique contre l’impunité ; pour la défense, une atteinte à la souveraineté congolaise.



