Ile Maurice: La BoM garde le cap – Une roupie stable face aux turbulences mondiales

Pour sa première conférence post-MPC (Monetary Policy Committee), la nouvelle gouverneure de la Banque de Maurice (BoM), Priscilla Muthoora Thakoor, a livré mercredi un diagnostic lucide de l’économie mauricienne et de ses vulnérabilités externes. Si le taux directeur a été maintenu à 4,5 %, le message fort de la gouverneure porte sur le marché des changes et la politique de stabilité de la roupie, dans un contexte où le déficit du compte courant se creuse et où les exportations peinent à retrouver leur dynamisme.
Entre août et novembre 2025, les échanges sur le marché des devises ont atteint USD 3,4 milliards, en hausse par rapport à la même période en 2024. Les influx proviennent surtout du secteur financier et du tourisme, tandis que les sorties de devises sont dominées par le commerce de gros et de détail. Ces flux reflètent une économie encore très dépendante des importations, notamment de biens de consommation et d’énergie, tout en étant exposée aux chocs externes.
Pour contenir les pressions sur la monnaie nationale, la BoM est intervenue de façon plus mesurée que par le passé, vendant USD 100 millions depuis la dernière réunion du MPC, principalement pour soutenir les importateurs de produits essentiels et les PME. Sur les dix premiers mois de l’année, les interventions cumulées atteignent USD 190 millions, bien en dessous des USD 335 millions enregistrés en 2024. Un choix assumé : la gouverneure entend laisser jouer davantage les forces du marché, tout en intervenant ponctuellement pour éviter les déséquilibres excessifs.
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Pour la même période (août-novembre) la roupie s’est légèrement dépréciée de 0,9 % face au dollar américain, tout en s’appréciant de 1,7 % vis-à-vis de la livre sterling et de 0,1 % contre l’euro. Cette relative stabilité traduit, selon la banque centrale, un ajustement cohérent avec les fondamentaux économiques et les mouvements des grandes devises internationales. «La banque continuera à agir de manière ciblée et transparente pour soutenir un fonctionnement ordonné du marché des changes», a souligné Priscilla Muthoora Thakoor, tout en réaffirmant que la politique monétaire restera proactive et guidée par les données.
Cette orientation s’explique aussi par la dégradation du compte courant, l’un des signaux d’alerte mis en avant par la gouverneure. Le déficit a atteint 8,6 % du PIB au deuxième trimestre 2025, contre 6,1 % un an plus tôt. Sur l’ensemble de l’année, il devrait se stabiliser autour de 6,5 %, soit un niveau légèrement supérieur à celui de 2024. Cette détérioration s’explique par la faiblesse des exportations de biens, pénalisées par la morosité du secteur manufacturier, la dépendance aux importations intermédiaires et l’incertitude autour du renouvellement de l’Africa Growth and Opportunity Act (AGOA), l’accord commercial préférentiel avec les États-Unis.
Rs 100 milliards en 2025
Si les exportations de services, notamment le tourisme et les activités financières, continuent de tirer l’économie, elles ne suffisent pas à compenser le déficit structurel des échanges de biens avec des recettes touristiques qui devraient atteindre un niveau record d’environ Rs 100 milliards en 2025.
Face à cette vulnérabilité externe, la gouverneure mise sur la solidité du système financier et le niveau confortable des réserves internationales, chiffrées à Rs 437 milliards (USD 9,5 milliards) à la fin d’octobre 2025, soit 13 mois d’importations. Ces réserves constituent, selon elle, un «tampon adéquat» pour faire face à d’éventuels chocs sur les marchés mondiaux de l’énergie ou des devises.
L’autre message clé de Priscilla Muthoora Thakoor réside dans sa volonté de préserver la crédibilité du régime de ciblage flexible de l’inflation, tout en ménageant la stabilité du taux de change. L’inflation devrait ralentir à 3,7 % en 2025, avant de converger vers 3,6 % en 2026, grâce à la détente des prix mondiaux du pétrole et des produits alimentaires. Cette trajectoire maîtrisée donne à la banque une marge de manoeuvre pour stabiliser la roupie sans recourir à un durcissement monétaire prématuré.



