Gabon: la société civile appelle à l'élargissement des enquêtes sur les détournements de fonds de l'ère Bongo

Après deux jours de procès par contumace, qu’ils avaient décidé de boycotter pour dénoncer une procédure politique, la femme et le fils de l’ancien président gabonais, installés à Londres depuis mai dernier, ont écopé d’une peine de 20 ans de prison, de 100 millions de francs CFA d’amende chacun, d’un total de plus de 2 200 milliards de francs CFA (plus de 3,3 milliards d’euros) de préjudice moral à verser à l’État gabonais, en plus de la saisie de nombreux avoirs. La cour a dénoncé une « gabegie institutionnalisée et la confusion des caisses publiques et privées », tout en se défendant de verser dans la vengeance. Mais après ce verdict, et face à l’ampleur des détournements allégués par le parquet, certains demandent l’élargissement des enquêtes sur les détournements.
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Pour ceux qui pendant des années ont dénoncé les pratiques du régime Bongo, au Gabon, les montants des détournements évoqués au procès, des milliers de milliards de francs CFA, ne sont pas une surprise. Le sénateur Marc Ona Essangui a longtemps porté le combat contre les biens mal acquis au sein de la société civile. « Pour moi, le verdict correspond exactement à ce que nous avons dénoncé depuis l’accession d’Ali Bongo au pouvoir en 2009. La situation s’est aggravée avec son accident et il a fallu le coup d’État pour qu’enfin, nous sachions exactement quelle est la réalité des détournements de fonds et de la prédation des ressources du pays par cette famille ».
Tout juste élu sénateur, Marc Ona Essangui appelle à « ouvrir la boîte de Pandore » au Gabon et à considérer de nouvelles plaintes sur les « biens mal acquis » des Bongo à l’étranger.
Je pense qu’aujourd’hui, avec la Vᵉ République, il faut que la justice gabonaise se saisisse de tous ces dossiers. Ils ont commencé un processus qui ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin.
Gabon, pour le sénateur Marc Ona Essangui, il faut «ouvrir la boîte de Pandore»
Pour Sentiment Ondo, qui lui a succédé à la coordination de Tournons la page, il faut aller plus loin dans les enquêtes et cibler l’ancien président. « Au fond, c’est la gestion d’Ali Bongo qui a été jugée. Mais le fait que ce ne soit pas lui-même qui ait été directement jugé, laisse un sentiment mitigé parce que c’était quand même lui le président. Cela voudrait dire que s’il y a un premier coupable à identifier, dans tous les faits qui sont reprochés à sa famille, ce serait lui le principal accusé », explique-t-il.
« Il y a toute une chaîne administrative aussi qui est impliquée. On ne soulève pas des milliards seul, ça veut dire qu’il y a eu des signatures à différents niveaux de l’administration. C’est juste que la manière de faire les choses ne va pas dans le bon sens, ni de la transparence de la procédure qui est tout à fait légitime – tout le monde connait le bilan économique de la gouvernance calamiteuse d’Ali Bongo – ni même sur le plan de la crédibilité de la justice, poursuit-il ».
Quelles mesures pour mettre fin aux abus ?
Mais certains s’interrogent sur les avancées possibles alors que de nombreux dirigeants du nouveau pouvoir étaient des cadres de l’ancien. « Une chose est de condamner la gestion et l’enrichissement insolent d’Ali Bongo, de son épouse et de son fils, mais quelles mesures a-t-on prévues pour qu’aucun autre chef d’État et sa famille ne fassent main basse sur les finances publiques du pays ? » s’interroge par exemple le député de la transition Jean-Valentin Leyama sur son compte Facebook.
Noureddin Bongo a quant à lui réagi à sa condamnation. « Ce verdict avait été prédéterminé depuis longtemps dans le bureau du président Oligui Nguema. Aujourd’hui, il ne s’agissait que d’une simple formalité » dit-il dans un communiqué, estimant qu’aucune preuve n’a été présentée et que les témoignages à son encontre ont été obtenus sous la contrainte. Un de ses avocats, Me François Zimmeray, parle de « honte » pour la justice gabonaise et de « vengeance » du président Oligui Nguema. Il annonce de futures saisines de juridictions internationales.



