Tigré: trois ans après les accords de Pretoria, un rapport mesure l’ampleur des violences sexuelles

Trois ans après la signature des accords de Pretoria, qui ont mis fin à deux ans de guerre au Tigré en 2022, les stigmates sont toujours bien présents, en particulier pour les femmes victimes de viols. La Commission d’enquête sur le génocide au Tigré publie pour la première fois un rapport détaillé sur les crimes sexuels commis pendant le conflit. Selon ce document publié mi-octobre, plus de la moitié des viols recensés ont été perpétrés par des soldats de l’armée érythréenne et un tiers par l’armée fédérale éthiopienne.

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Dans ce rapport publié le 16 octobre, les enquêteurs sont parvenus à interroger plus de 480 000 femmes du Tigré au cours d’une enquête qui aura duré trois ans. Près de la moitié déclarent avoir subi des violences sexuelles pendant la guerre et 150 000 affirment avoir vécu un viol. 

Pour leur venir en aide, Meseret Hadush, fondatrice de l’association Hiwyet fondée en 2023, accompagne les victimes dans un centre d’accueil pour leur apporter une aide psychologique et surmonter le traumatisme. « Ce qu’il s’est passé, ce sont des actes extrêmement horribles destinés à causer un traumatisme profond, à semer la peur et à détruire l’identité tigréenne. Cela a été fait délibérément afin de ‘purifier le sang’, comme les militaires l’ont déclaré », explique-t-elle au micro de Clothilde Hazard, du service Afrique. 

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Ces agressions sont, en majorité, des viols collectifs. Un quart des survivantes a subi l’insertion d’objets – lames, baïonnettes, pierres – causant parfois des dommages irréversibles sur les organes reproducteurs. « Durant la guerre au Tigré, de nombreuses situations très graves se sont produites. Nous avons par exemple documenté un cas où 25 à 30 soldats ont violé collectivement une femme. Dans un autre cas, une femme a été maintenue en esclavage sexuel pendant des mois », ajoute la présidente de l’association. 

Près de 20 % des femmes souffrent encore de blessures physiques et de graves conséquences sur leur santé. S’y ajoute une forte détresse psychologique. Pourtant, plus de 80 % d’entre elles n’ont accès ni à des soins médicaux ni à un soutien psychosocial.

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Une demande de justice internationale

Le rapport conclut à des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des pratiques génocidaires. La commission réclame une enquête internationale indépendante et la reconstruction des services de santé pour les survivantes. « Nous essayons de sensibiliser sur ces questions. Nous devons créer une plateforme pour parler de ces problèmes, et interpeller le gouvernement pour exiger que la justice fasse son travail et que les auteurs soient punis », interpelle la présidente de l’association tigréenne.

« Il y a aussi un département de documentation pour consigner tout ce qui s’est passé, enregistrer les dates et les événements, afin que cette documentation puisse garantir la responsabilité et éviter que de telles choses ne se reproduisent dans le futur ».

Pour Meseret Hadush, les besoins des victimes sont aujourd’hui sans équivoque. « Nous avons besoin de reconnaissance. La reconnaissance signifie que le gouvernement et tout le monde reconnaissent ce qui est arrivé au peuple tigréen, qu’ils reconnaissent les atrocités qui ont été commises, et que nous suivons ce processus étape par étape. Reconnaître, ouvrir et finalement veiller à ce que de telles choses ne se reproduisent plus jamais ».

Malgré la finalisation d’une feuille de route sur la justice transitionnelle en 2024, celle-ci avance lentement : aucun procès, ni condamnation n’ont été rendus publics par les autorités pour le moment et les victimes n’ont toujours pas obtenu réparation.

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