Cameroun: le ministre Atanga Nji dans le nord pour jauger la situation postélectorale et sécuritaire

Au Cameroun, le ministre de l’Administration territoriale effectue une visite de deux jours dans plusieurs villes du nord du pays ces 10 et 11 novembre 2025 pour évaluer la situation postélectorale, quelques jours après la prestation de Paul Biya pour un huitième mandat de président. Une tournée alors que ce mardi soir prend fin un ultimatum de 48 h lancé par Issa Tchiroma Bakary qui exige la libération « sans conditions » des citoyens interpellés ces dernières semaines. L’opposant, déclaré deuxième de la présidentielle, revendique la victoire au scrutin du 12 octobre dernier.

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Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration territoriale, effectue une tournée marathon dans les régions septentrionales du Cameroun, quatre jours après la prestation de serment de Paul Biya, indique notre correspondant à Yaoundé, Polycarpe Essomba. La mission consiste essentiellement en une évaluation de la situation sécuritaire dans cette partie du pays, l’une des plus impactées par les manifestations post-électorales et la proclamation de la victoire du président. La tournée de travail a commencé le 10 novembre par la ville de Ngaoundéré dans la région de l’Adamaoua.

Cette tournée de Paul Atanga Nji dans le grand nord du Cameroun, a été précédée d’une série de messages de groupes de jeunes, s’identifiant comme nordistes, et disant être opposés à la visite du ministre.

Paul Atanga Nji n’est « pas le bienvenu » dans le Grand Nord, écrivent-ils. Pour ces jeunes, il est le « responsable des arrestations et détentions arbitraires » enregistrées dans le septentrion au cours de la récente période électorale, mais aussi des « intimidations et harcèlement contre des citoyens qui n’auraient pour seul crime que d’avoir exprimé leur choix politique ».

Une dernière étape à Garoua, fief d’Issa Tchiroma Bakary

En dépit de ce climat, le ministre a bien entamé sa visite. À Ngaoundéré, il a tenu une réunion de sécurité avec les autorités administratives locales, les forces vives de la région et les forces de défense et de sécurité. Il a dit être porteur d’un message de paix du chef de l’État et a invité les populations à soutenir les actions de Paul Biya.

À propos du climat politique et sans citer Issa Tchiroma Bakary, déclaré deuxième de la présidentielle et qui revendique la victoire au scrutin du 12 octobre, le ministre a dénoncé ce qu’il qualifie de « mensonges et discours de haine qui profilèrent sur les réseaux sociaux, entretenus par des politiciens irresponsables qui prônent le chaos ».

Après Ngaoundéré, Paul Atanga Nji s’est rendu à Maroua dans la région de l’Extrême-Nord, où il a tenu des propos similaires. Dernière escale ce mardi à Garoua, dans la région Nord, la ville natale et fief de l’opposant Issa Tchiroma Bakary.

Quels sont les leviers dont dispose l’opposant ?

Un mardi soir qui marque par ailleurs la fin de l’ultimatum lancé par Issa Tchiroma Bakary, rappelle Amélie Tulet, du service Afrique. L’ancien ministre, devenu opposant, avait déclaré dimanche donner 48 heures aux autorités de Yaoundé pour libérer « sans conditions » les citoyens interpellés ces dernières semaines.

Les contours de la menace d’Issa Tchiroma Bakary sont restés flous. Il a déclaré que le peuple pourrait se retrouver en légitime défense et se sentir libre de se protéger. Pour l’analyste Raul Sumo Tayo, s’il ne se produit rien passé le délai de 48 heures, Issa Tchiroma Bakary risque de décrédibiliser sa parole.

Selon le chercheur senior à l’Institut de sécurité de Pretoria, les autorités camerounaises ont donc intérêt à prendre l’ultimatum au sérieux et à tout envisager, car il n’apparaît pas encore clairement quels sont les leviers dont dispose l’opposant pour mettre sa menace à exécution.

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Le politologue Mathias Eric Owona Nguini ne croit pas en « une éventuelle crise de loyauté au sein des forces de défense et de sécurité » camerounaises, mais il reconnaît que « la conjoncture est délicate ». Pour cet universitaire proche du pouvoir, Issa Tchiroma Bakary fait « de la surenchère pour inscrire le Cameroun dans une crise durable » et il est évident que sa démarche n’a aucune chance d’aboutir à des libérations. Pour l’analyste, l’opposant veut tenter de créer des « sources de désordre » pour « essayer de déstabiliser l’ordre gouvernant ».

« Le Cameroun n’a pas besoin d’une crise post-électorale dont les conséquences pourraient être dramatiques », a déclaré Paul Biya jeudi dernier dans son discours d’investiture.

À ce jour, il n’y a pas de chiffre officiel sur le nombre de personnes arrêtées.

«Nous demandons au gouvernement de ne pas en rajouter à la crise postélectorale avec les arrestations d’enseignants»

Le Syndicat des enseignants du Cameroun pour l’Afrique (Seca) appelle une nouvelle fois à la libération des enseignants interpellés dans le cadre de la séquence électorale autour de la présidentielle du 12 octobre. Le Secrétaire général à la coordination du Collectif des organisations des enseignants du Cameroun (Corec), Roland Assoah Etoga, est détenu depuis plus de deux semaines, après avoir été interpellé à son domicile de Yaoundé le 24 octobre, tout comme, Florence Titcho, Secrétaire nationale chargée des affaires économiques du Syndicat national des enseignants du secondaire (Snaes). Cette dernière a été arrêtée le 24 octobre à Douala, la capitale économique. Jackson Tousse, ancien Secrétaire général du Seca, a été arrêté, lui, le 31 octobre, dans la région de l’Ouest. Le Seca appelle aussi à la remise en liberté du professeur de droit Aba’a Oyono, soutien du candidat Issa Tchiroma Bakary.

Pour Samory Toure Tenkeng, porte-parole du mouvement On a trop supporté (OTS), du Corec et du Seca, ces arrestations ne sont pas justifiées et les enseignants doivent être remis en liberté. « L’appel majeur de notre communiqué, c’est de demander au gouvernement de ne pas en rajouter à la crise postélectorale avec des arrestations arbitraires telles que les arrestations des enseignants, souligne-t-il au micro d’Amélie Tulet. Nous avons actuellement quatre enseignants qui ont été arrêtés injustement, puisqu’on ne sait pas ce que ces enseignants ont fait pour être arrêtés. On a dit qu’il y avait des gens qui avaient fait des casses ou bien qui avaient brûlé. Mais ces enseignants-là n’y sont pour rien dans tout cela. Monsieur Tousse, par exemple, on lui a collé un motif d’hostilité à la patrie et de terrorisme. C’est très grave ! Un enseignant, un professeur de lycée, un surveillant général de lycée, en plus ! C’est parce qu’ils ont une capacité de mobilisation. Tous les citoyens qui ont une capacité de mobilisation sont en train d’être traqués en ce moment. Actuellement, c’est ce que nous constatons ».

Fin octobre, l’Internationale de l’éducation – fédération syndicale mondiale représentant plus de 33 millions d’enseignants – avait appelé l’État du Cameroun à libérer les dirigeants syndicaux.

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