Ukraine: après plus d'un an de combats, la ville de Pokrovsk menacée d'une chute prochaine

Une situation inquiétante dans l’est de l’Ukraine, à Pokrovsk, dans l’oblast de Donetsk. Pokrovsk, une ville de 60 000 personnes avant la guerre, est transformée en bastion de la résistance ukrainienne de la région que les forces de Moscou cherchent à prendre depuis des mois. Depuis plusieurs jours, la pression russe s’était accentuée sur la ville et les Ukrainiens seraient en passe de céder.
Publié le :
4 min Temps de lecture
Après plus d’un an de combats pour le contrôle de Pokrovsk, dans l’est de l’Ukraine, les forces russes semblent en passe de s’emparer de ce nœud logistique clé pour l’armée ukrainienne, qui a lancé des opérations pour les repousser.
Après de nombreux mois d’une lente avancée sur trois côtés vers Pokrovsk, l’armée russe est parvenue à partir de septembre à y infiltrer de petits détachements par son versant sud, prenant à revers les défenses établies par les Ukrainiens. Parallèlement, les drones russes ont progressivement été en mesure de frapper toutes les routes assurant le ravitaillement de la garnison ukrainienne, un scénario qui avait déjà obligé Kiev à abandonner la région russe frontalière de Koursk en février et mars 2025.
Une situation « compliquée »
L’Ukraine a dépêché des renforts sur place, dont des unités des forces spéciales, mais ces efforts « pourraient ne pas suffire », a relevé sur X l’expert militaire américain Michael Kofman. Vendredi 7 novembre, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a fait état d’une situation « compliquée » avec « 220 assauts sur Pokrovsk en trois jours ». Selon lui, 314 soldats russes s’y sont infiltrés, épaulés par un groupe à la périphérie.
Pour l’ancien général français et stratégiste Olivier Kempf, leur recul dans la région de Pokrovsk pourrait avoir de lourdes conséquences sur la suite de la guerre. « Le plus inquiétant, c’est ce qui est à l’ouest, c’est-à-dire les deux oblasts qui séparent du fleuve Dniepr, qui descend de Kiev jusqu’à la mer Noire. Et là, vous n’avez plus aucun relief, plus aucune agglomération d’importance à laquelle les Ukrainiens pourraient se raccrocher. Et donc, les Russes vont avoir une sorte de liberté de manœuvre entre continuer à presser vers le nord, vers Kramatorsk, et puis éventuellement progresser plaine ouest en direction de Dnipro, pour prendre beaucoup de terrain », explique-t-il à RFI.
Derrière Pokrovsk, il n’y a que des champs et donc ce n’est pas avec quelques tranchées et quelques fils de fer barbelés que vous résistez aussi durablement que vous le faites dans une grosse agglomération.
Olivier Kempf, ancien général français et stratégiste
La prise de Pokrovsk constituerait la plus importante victoire russe en Ukraine depuis la prise des places fortes de Vougledar en octobre 2024 et d’Avdiïvka en février 2024. Leur chute avait permis à l’armée russe d’accélérer son avancée dans l’est, bien qu’il lui ait fallu « 21 mois pour parcourir les 39 kilomètres qui séparent Avdiïvka de Pokrovsk », relève l’Institut pour l’étude de la guerre, dont le siège est à Washington.
Le commandement ukrainien, qui dément tout encerclement dans la poche Pokrovsk-Myrnograd et assure poursuivre sa défense, a fait l’objet de critiques sur sa gestion de la situation. En cause notamment : le déploiement en plein champ de soldats des forces spéciales arrivés en hélicoptère. Iouri Boutoussov, un journaliste ukrainien respecté devenu soldat, a qualifié cette opération « dans une zone ouverte et à la vue des drones ennemis » de décision « stupide ».
À lire aussiUkraine: à Pokrovsk, des combats acharnés face à l’offensive russe qui s’intensifie
Vers un repli ukrainien de la zone ?
Certains craignent aussi que l’état-major ne tarde à ordonner la retraite si la ville est perdue. Selon le site internet de cartographie militaire DeepState, proche de l’armée ukrainienne, il n’existe plus – sur le papier – qu’un étroit couloir de moins de trois kilomètres de large, qui permettrait un éventuel repli ukrainien de la zone. « L’Ukraine pourrait bien répéter une erreur coûteuse à Pokrovsk (…), une réticence à procéder à un retrait contrôlé et militairement justifié d’un saillant menacé lorsque la situation n’est plus favorable au défenseur », a relevé sur X l’expert militaire Emil Kastehelmi.
Pokrovsk comptait 60 000 habitants avant l’attaque massive russe contre l’Ukraine. Au cœur de combats depuis juillet 2024, elle est aujourd’hui en grande partie déserte et détruite. Cette cité a une position stratégique de premier plan, située à la croisée de plusieurs routes et voies ferrées conduisant aux dernières places fortes des troupes ukrainiennes dans l’est, telles que Pavlograd et Kostiantynivka. Sa chute ferait peser une menace immédiate sur la ville de Myrnograd, à 8 km de là.
La prise de Pokrovsk compliquerait le ravitaillement des militaires ukrainiens ailleurs sur le front et offrirait aux soldats russes un tremplin pour avancer vers l’ouest, où les défenses ukrainiennes sont plus éparses, et vers le nord, où se trouvent les grandes villes de Kramatorsk et de Sloviansk. Pour ces raisons, « Pokrovsk est devenue l’obsession » des troupes russes, estime auprès de l’AFP l’expert militaire ukrainien Mykola Soungourovsky.
Une nouvelle attaque russe contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes
L’Ukraine s’est dite visée par une nouvelle attaque russe contre ses infrastructures énergétiques dans la nuit de vendredi 7 à samedi 8 novembre, faisant un mort et provoquant des coupures de courant dans plusieurs régions. En parallèle de Pokrovsk, l’armée russe intensifie aussi ses bombardements contre les installations gazières et électriques de tout le pays, faisant craindre un hiver difficile pour les civils alors que les températures baissent.
« L’ennemi mène de nouveau une attaque massive contre les infrastructures énergétiques de l’Ukraine. Pour cette raison, des coupures de courant d’urgence ont été mises en place dans un certain nombre de régions », a déclaré la ministre de l’Énergie Svitlana Grintchouk sur Facebook.
Des alertes aériennes ont été déclenchées dans une grande partie du territoire ukrainien au cours de la nuit, les autorités de plusieurs régions de Kharkiv (nord-est) à Odessa (sud) faisant état de frappes menées à l’aide de drones et de missiles ou d’installations énergétiques touchées. À Dnipro, grande ville de l’est, une frappe au drone a éventré un immeuble de neuf étages, tuant une femme et conduisant à l’hospitalisation de six blessés, dont un enfant, selon les services de secours. À Kiev, les autorités civiles et militaires ont indiqué que la chute de débris avait provoqué des incendies à deux endroits du quartier central de Petchersky.
La Russie bombarde quasi quotidiennement les villes ukrainiennes dans le cadre de son offensive débutée en février 2022. Ses frappes ont déjà causé d’importants dégâts dans les centrales électriques et les infrastructures gazières.



