Soudan: à El-Fasher, des massacres à l'abri des regards postés sur les réseaux sociaux

L’inquiétude ne cesse de grandir sur l’ampleur des exactions commises par les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) dans la ville d’El-Fasher, aujourd’hui complètement coupée du monde. Alors que des images satellites témoignent des massacres qui s’y sont produits, les hommes du général Hemedti, postent eux-mêmes des vidéos sur les réseaux sociaux dans lesquelles on les voit se mettre en scène et commettre de nombreux crimes.
Publié le :
3 min Temps de lecture
L’inquiétude grandit au Soudan sur ce qu’il est en train de se passer à El-Fasher. Un peu plus de dix jours après la prise de la ville par les Forces de soutien rapide (FSR), le groupe paramilitaire du général Hemedti, la ville est totalement coupée du monde : alors que les communications avec elle sont interrompues, des images satellites montrent des corps nombreux et des fosses communes.
« Nous sommes extrêmement préoccupés », réagit ainsi Altahir Hashir, un Soudanais de la diaspora membre d’un réseau d’entraide avec El-Fasher. « Nous n’avons aucune idée de ce qu’il s’y passe : il y a un black-out total, rien ne sort de la ville. Les Nations unies disent qu’elle abritait 250 000 habitants. Si 70 000 ont pu fuir, qu’est-il arrivé à tous les autres ?, poursuit celui-ci. Nous étions en contact avec des habitants, des membres de la société civile, des médecins, des volontaires, des gens qui travaillaient dans les cuisines communautaires et nous n’avons aucune nouvelle d’eux : ils ont totalement disparu. C’est notamment le cas des médecins qui travaillaient à l’hôpital saoudien : nous ne savons pas s’ils sont encore vivants ou non. Comme nous avons vu sur les réseaux sociaux des vidéos montrant l’intérieur de l’hôpital où des paramilitaires tuaient tout le monde, je crains malheureusement que certains d’entre eux n’aient été tués », s’inquiète encore Altahir Hashir.
Le paradoxe d’El-Fasher, c’est que, parallèlement à ce black-out sur l’information, des dizaines de vidéos dans lesquelles les paramilitaires se mettent en scène en train de commettre les pires exactions circulent sur les réseaux sociaux. Parmi elles, l’une revient régulièrement : celle d’un commandant FSR qui se trouve face à des civils à genoux, visiblement terrorisés. S’adressant à eux, il rit, se moque, puis les abat à bout portant. Postées sur son compte TikTok qui compte 20 000 abonnés, ces images ont évidemment provoqué l’indignation.
À lire aussiSoudan: possibles crimes de guerre et contre l’humanité à El-Fasher, avertit la CPI
Abu Lulu, « boucher du siècle » et visage des combattants FSR
Le commandant en question a, lui, pu être identifié : surnommé « le boucher du siècle », il s’appelle Abu Lulu – al-Fateh Abdullah Idriss de son vrai nom. Brigadier général au sein des FSR, il est jeune, porte des dreadlocks, et affiche un sourire aux lèvres. Temporairement arrêté par son propre camp qui a admis des débordements lors de la prise d’El-Fasher et promis d’ouvrir une enquête, Abu Lulu a toutefois été relâché quelques jours après son interpellation pour réapparaître sur des vidéos prises cette fois sur un autre front, au Kordofan.
À lire aussiSoudan: le Kordofan du Nord, nouveau champ de bataille entre l’armée et les paramilitaires
Ce dernier est aujourd’hui devenu, en quelque sorte, le visage des combattants FSR : des jeunes qui se filment en train de commettre les pires exactions sur des civils en souriant, comme s’il s’agissait d’un jeu, allant même jusqu’à se vanter du nombre de personnes qu’ils ont tuées. Dans une autre vidéo, des FSR se filment par exemple en train de marcher au milieu des cadavres dans l’hôpital saoudien d’El-Fasher avant de tuer un rescapé allongé par terre.
Très importantes parce qu’elles documentent ce qu’il se passe en ce moment sur place, ces images le sont d’autant plus qu’elles sont les seules disponibles à ce jour et constitueront peut-être plus tard des preuves contre les auteurs de ces crimes.



