Ile Maurice: Dette publique – La spirale infernale

Lorsque le traité de Maastricht était signé en 1992, les États membres de l’Union européenne tombèrent d’accord pour instaurer une culture de discipline fiscale à l’intérieur de la zone.
C’est ainsi que la cote d’alerte de 60 % pour le niveau de la dette publique fut instaurée. Cette règle a été prise comme référence par les agences de notation, notamment Moody’s, Fitch Ratings et S&P Global Ratings, pour l’évaluation de la note souveraine des États.
Trente-trois ans plus tard, cette règle fait toujours autorité et les États membres de l’Union européenne doivent théoriquement s’y conformer. Mais, depuis 1992, les données sur la dette publique ont changé radicalement. Au sein de l’Union européenne, la dette publique s’établissait à 81,9 % au deuxième trimestre de 2025. Parmi les plus mauvais élèves, on retrouve la Grèce avec une dette publique de 151,2 % du PIB, l’Italie (138,3 %), la France (115,8 %), la Belgique (106,2 %), l’Espagne (103,4 %) et le Portugal (96,8 %).
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Dans cette course à l’avant vers la dette, il y a eu deux points de bascule : la crise de 2008 et la Covid-19. D’après les chiffres d’Eurostat, la dette dans l’Union européenne est passée successivement de 65 % en 2020 à 77,4 % en 2019, avant de grimper jusqu’à 91,5 % en 2021, puis de redescendre à 81,9 %. Dans le cas de la France, la dette publique était de seulement 66 % en 2007. Puis, l’indicateur a augmenté à 98,5 % en 2019, avant de culminer à 117,7 % en 2021.
Les derniers chiffres de l’Institut de finance internationale montrent que la dette mondiale culminait à 324 billions de dollars ($324 000 milliards) contre 255 billions de dollars en 2020. Aux États-Unis, là encore, c’est l’escalade. D’après les dernières estimations, la dette publique américaine a dépassé le seuil de 125 % du PIB, soit 38 000 milliards de dollars, en ce début de novembre. Une fuite en avant inexorable qui se poursuivra avec le FMI s’attendant à ce que la dette publique de la première puissance mondiale atteigne 143 % à l’horizon 2030.
La courbe inquiétante que prend la dette publique mondiale n’augure rien de bon, avec une pression à la hausse des intérêts sur les obligations souveraines. De plus, le niveau d’endettement des pays développés remet en question la cote d’alerte de 60 % reléguée au rang de simple principe auquel très peu de pays arrivent à se conformer. À l’intérieur même de l’Union européenne où cette règle fait force de loi, dans la pratique, les décideurs politiques ont depuis longtemps changé de fusil d’épaule, se concentrant sur le principe d’une gestion soutenable de la dette, ce qui implique d’observer des paramètres comme le service de la dette, la croissance et l’inflation.
Dès lors se pose la question : au lieu d’utiliser comme référent une règle dépassée, les institutions internationales ne devraient-elles pas accorder leurs violons pour fixer un seuil considéré comme étant tolérable pour la dette publique dans cette ère post-pandémie ? Cela donnerait plus de clarté aux États lors de l’évaluation de leur note souveraine.
Qu’en est-il à Maurice ? Les derniers chiffres publiés par le Trésor public en début de semaine sont loin d’être rassurants. La dette publique culminait à Rs 654,47 milliards en septembre, soit l’équivalent de 89,3 % du PIB contre Rs 634,73 milliards (88,5 % du PIB) en juin. En valeur nominale, la dette publique a augmenté de Rs 19,73 milliards. Cela est, sans doute, en partie le résultat du programme d’émission de titres publics de la Banque de Maurice ayant débuté en septembre. Compte tenu du fait que la Banque centrale a prévu de lever jusqu’à Rs 21 milliards d’ici à fin décembre, la dette publique pourrait rapidement dépasser le seuil des 90 %. L’octroi d’une ligne de crédit et de dons de 440 millions de dollars par l’Inde devrait, à l’avenir, mettre encore plus la pression sur le niveau de la dette publique.
On le sait, le gouvernement a initié un processus de consolidation fiscale. On a pris des engagements fermes auprès de Moody’s qui, dans le sillage de la publication du rapport sur le State of the Economy, a maintenu la note souveraine du pays à Baa3, mais a abaissé ses perspectives de «stables» à «négatives». Ce qui signifie qu’on est à un cran de perdre notre statut de pays investissable (Investment grade). Dans le même temps, il est aussi vrai que le pays se doit de réaliser des investissements prioritaires, que ce soit dans le domaine de l’énergie ou du secteur aéroportuaire et qu’inévitablement, on devra se tourner vers les institutions multilatérales ou le marché de la dette locale pour lever les fonds nécessaires.
Dans ce contexte, comment rester dans les clous et satisfaire les institutions internationales ? Sera-t-on en mesure de ramener la dette publique à 79,7 % d’ici à 2027-2028, conformément à ce qui a été annoncé dans le Budget ?



