Cameroun : à quoi ont servi les rencontres de sensibilisation sur la paix ?


Dans l’attente de la proclamation officielle des résultats de l’élection présidentielle du 12 octobre dernier, la peur semblait déjà envahir les cœurs des populations camerounaises. D’où les descentes répétées des autorités administratives et autres membres du gouvernement dans les quartiers et autres lieux de forte concentration, sans oublier les convocations des chefs de certaines communautés (haoussa, bamiléké et bamoun). Ces descentes avaient pour but de sensibiliser sur la notion de paix. Les leaders religieux, de leur côté, organisaient des soirées et nuits de prière pour la paix. Tout cela ne pouvait-il pas susciter des interrogations et, partant, causer une psychose dans le pays ? Les populations avaient hâte de connaître le vainqueur et se demandaient comment serait la vie après la proclamation officielle des résultats, d’abord prévue le 23 octobre 2025, puis renvoyée au 27 octobre 2025.
« Signe annonciateur de ce qui allait arriver »
Selon le mécanicien Jean T., « la paix veut simplement dire « absence de guerre ». En dehors de la multiplication des rencontres, on avait observé des arrestations, des rafles dans les quartiers, la restriction de la circulation des mototaxis dans certaines localités de 18 h à 6 h du matin, l’interdiction de la vente des produits pétroliers dans les bidons, la présence de camions-citernes contenant de l’eau sale, très connus sous l’appellation de « Mamy Water », ainsi qu’un fort déploiement des éléments des forces de maintien de l’ordre dans les carrefours. Au vu de cette situation somme toute troublante, dont on ne connaissait ni les tenants ni les aboutissants, les populations s’approvisionnaient tant qu’elles pouvaient, comme si c’était un jour de fête. Mais peut-on parler de paix à quelqu’un qui vit dans une précarité extrême ? Pour ma part, j’ai comme l’impression que ce dispositif d’intimidation était une preuve que les résultats ne pouvaient pas être en faveur du candidat fortement plébiscité par le peuple. Peut-on obliger un malade à avaler un remède qui ne soigne pas son mal ? »
« Avant que l’on prenne le caillou, l’oiseau avait déjà vu ! Alors, tout ce que nous avions observé avant la proclamation des résultats était un signe annonciateur de ce qui allait arriver. Les membres du parti au pouvoir ne savent-ils pas que, là où il y a la vérité, la paix s’installe d’elle-même ? Pourquoi donc forcer le mariage ? Ailleurs, les grands hommes sortent toujours par la grande porte, pourquoi pas chez nous ? », ajoute-t-il.
« Parler de paix lorsque les services sociaux de base sont inexistants »
« Nous, les mototaximen, sommes souvent très sollicités pour battre les campagnes électorales pour tous les candidats, sans distinction de chapelle politique. Une fois qu’on nous fait le plein de carburant, nous faisons partie du cortège du candidat partout où il va. Dans les allocutions des hommes politiques, nous sommes félicités. Mais, chose curieuse, avant la proclamation officielle des résultats, les arrêtés préfectoraux nous interdisant de circuler sur tel ou tel axe, de telle heure à telle heure, commencent à tomber sur nos têtes comme des gouttes de pluie. Les signataires de ces arrêtés ne savent-ils pas que nous sommes des responsables de famille ? Ils ne savent-ils pas que « la nature ayant horreur du vide », le fait de rester à la maison sans rien faire, malgré nos bagages intellectuels, pourrait nous pousser à poser des actes ignobles ? Lorsque votre épouse et vos enfants vous poseront un problème et que vous serez incapable de le résoudre, n’allez-vous pas perdre votre dignité de père de famille ? Serez-vous encore respecté dans la société ? », indique Jonas Z., transporteur par moto.
« En paralysant notre secteur d’activité, surtout en ce moment, c’est comme si « on cherchait les poux sur la calvitie ». De quoi a-t-on peur ? Peut-on parler de paix lorsque les services sociaux de base sont inexistants ? Peut-on parler de paix lorsque le peuple n’est pas écouté ? Un pays ne peut pas avancer quand un pouvoir confisque toutes les institutions. Nous ne souhaitons pas que ce qui est arrivé aux autres nous arrive », ajoute-t-il.
« Si on ne respecte pas la voix des urnes… »
Pour la vendeuse Marcelline J., « les beaux jours sont vraiment rares ! Pendant cette longue période d’attente des résultats de la Présidentielle du 12 octobre 2025 et pendant les revendications postélectorales (les villes mortes), nous, les commerçants, surtout ceux des denrées de première nécessité, faisons de bonnes affaires. Chaque citoyen, qu’il soit nanti ou pas, s’efforce d’acheter ces denrées, car, dit-il, « on ne sait pas comment demain sera » si on ne respecte pas la voix des urnes. Si vraiment tu as tous tes sens, peux-tu diriger des gens qui ne t’aiment plus ? »
« Les villes mortes non seulement font souffrir les populations, surtout celles qui vivent au jour le jour, mais empêchent également une bonne santé économique du pays. Ça ne sert à rien de toujours sortir les muscles pour résoudre un problème, aussi minime soit-il. Retenons que « l’humilité précède la gloire ». Chaque citoyen est appelé à servir son pays. Alors, il faut savoir quitter les choses avant qu’elles ne vous quittent », conclut-elle.