La Guinée-Bissau en campagne pour des élections générales

Drapeau de la Guinée Bissau
Drapeau de la Guinée Bissau

La Guinée-Bissau entre dans une période cruciale de son histoire politique. Près de deux ans après la seconde dissolution du Parlement et plusieurs mois d’instabilité institutionnelle, les Bissau-Guinéens sont appelés aux urnes le 23 novembre 2025 pour élire à la fois leur Président et les 102 députés de la nouvelle Assemblée nationale populaire. La campagne électorale a commencé à cet effet depuis le samedi 1er novembre et devrait se poursuivre jusqu’au 21 novembre.

Ils sont douze candidats à briguer la magistrature suprême. Parmi eux, il y a le Président sortant, Umaro Sissoco Embaló, et son prédécesseur José Mário Vaz. L’enjeu est de taille : rétablir la stabilité dans un pays où les coups d’État, les crises militaires et les rivalités de clans ont souvent rythmé la vie politique.

Un lancement de campagne aux allures de démonstration de force

C’est dans une atmosphère de liesse et de défiance mêlées que Umaro Sissoco Embaló a ouvert la campagne présidentielle, samedi 1er novembre, à Bairro de Ajuda, un quartier populaire de Bissau. Dans un décor de carnaval, rythmé par les tambours et les slogans du Madem-G15, le Président sortant a voulu donner l’image d’un dirigeant confiant et proche du peuple, malgré les tensions politiques persistantes. Devant ses partisans, il a ironisé sur la récente tentative de « subversion » annoncée par l’armée, affirmant qu’il mènerait sa campagne « sans gilet pare-balles ».

« Nous sommes venus au pouvoir par les urnes et nous partirons par les urnes », a-t-il martelé, dans un ton à la fois bravache et apaisant. Son discours, relayé par les médias d’État, visait autant à minimiser la menace d’un nouveau coup de force qu’à rappeler sa légitimité démocratique dans un pays où les militaires ont longtemps été les arbitres du pouvoir.

Un scrutin sous haute surveillance

La stabilité politique reste l’enjeu central de ces élections générales. L’annonce par l’armée, le 31 octobre, d’une tentative déjouée de renversement de l’ordre constitutionnel a ravivé les craintes d’un retour aux dérives du passé. Depuis son indépendance en 1974, la Guinée-Bissau a connu une dizaine de coups d’État ou de tentatives, la plupart liés à des rivalités entre factions politico-militaires.

Umaro Sissoco Embaló, élu en 2019 puis confronté à plusieurs crises institutionnelles, a dissous le Parlement une première fois en 2022 avant d’organiser des législatives anticipées en 2023, qui ont débouché sur une courte cohabitation entre son parti et le PAIGC de Domingos Simões Pereira, vainqueur desdites législatives. Cette fragile alliance a volé en éclats, menant à un climat politique extrêmement polarisé ayant conduit à une nouvelle dissolution du Parlement, le 4 décembre 2023.

Une élection sans le PAIGC : la dérive démocratique ?

Le fait majeur de cette campagne est l’exclusion du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), formation historique qui a conduit le pays à l’indépendance et a longtemps dominé la scène politique. Sa disqualification des scrutins présidentiel et législatif, officiellement pour des irrégularités administratives, a été dénoncée par de nombreux observateurs comme un coup dur pour le pluralisme politique.

Le leader du PAIGC, Domingos Simões Pereira, a choisi de ne pas boycotter activement le processus. À titre personnel, il a conclu un accord de soutien avec Fernando Dias, candidat indépendant, espérant ainsi maintenir une présence symbolique dans la course. Ce choix pourrait rebattre les cartes d’un scrutin que beaucoup annonçaient joué d’avance.

Mais cette exclusion mine sérieusement la crédibilité démocratique du processus électoral. Elle prive l’électorat bissau-guinéen d’une opposition structurée et pourrait pousser certains partisans du PAIGC à l’abstention, fragilisant la légitimité du futur pouvoir.

Douze candidats, un pays en quête de stabilité

Outre Sissoco Embaló et José Mário Vaz, les dix autres candidats représentent un éventail allant de figures issues de la société civile à d’anciens ministres et militaires à la retraite. Si la multiplicité des candidatures témoigne d’une vitalité politique, elle reflète aussi la fragmentation chronique de la classe dirigeante bissau-guinéenne, où les alliances se font et se défont au gré des ambitions personnelles.

Dans un pays de moins de deux millions d’habitants, où la pauvreté, le chômage et la corruption demeurent endémiques, la population attend surtout des réformes concrètes : relance économique, lutte contre le narcotrafic, modernisation de l’État et fin de l’instabilité politique.

Trois semaines pour convaincre

La campagne, qui s’achèvera le 21 novembre, s’annonce courte mais intense. Des meetings géants sont prévus dans les principales villes, dont Bissau, Bafata et Gabu, sous l’œil vigilant des observateurs régionaux de la CEDEAO et de l’Union africaine. Pour Umaro Sissoco Embaló, cette élection est une tentative de légitimation démocratique après un premier mandat chaotique. Pour ses adversaires, c’est l’occasion de briser le cycle des crises institutionnelles et de proposer une alternative crédible.

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