Après six ans en GMT +1 : le Maroc à nouveau face à la controverse horaire


Six ans après l’adoption du fuseau horaire GMT +1, la question du temps continue de diviser le Maroc. Ce choix, censé rapprocher le pays de ses partenaires économiques européens, suscite un débat toujours plus vif à l’approche de l’hiver. Parents, salariés et experts dénoncent ses effets sur la santé, le sommeil et la productivité, tandis que les autorités invoquent les bénéfices énergétiques et commerciaux.
Depuis octobre 2018, le Maroc a adopté l’heure d’hiver à GMT +1 tout au long de l’année (sauf pendant le mois de Ramadan) dans le cadre du décret n°2.18.855. Six ans plus tard, le dispositif est toujours dans le collimateur. À l’approche de la période hivernale, les critiques se renforcent : parents, travailleurs et spécialistes remettent en cause les effets de ce choix sur le quotidien et la santé des citoyens.
Une rentrée dans l’ombre : enfants et travailleurs témoignent
Les petits matin en pleine obscurité sont devenus une réalité pour certains élèves, obligés de quitter leur domicile avant que l’aube ne se lève. Des parents relèvent une fatigue grandissante, des difficultés de concentration et une vigilance réduite chez leurs enfants ; les salariés des grandes villes parlent quant à eux d’un rythme « désagréable » et même « dangereux » en raison de la circulation matinale dans l’obscurité. Ces témoignages convergent : si l’alignement horaire avait été motivé par des considérations énergétiques et économiques, les répercussions humaines n’en restent pas moins palpables.
Selon des médecins, le maintien de l’heure GMT +1 perturbe le rythme normal lumière-obscurité, modifie la sécrétion de mélatonine et peut entraîner une « désynchronisation interne ». Parmi les effets signalés : somnolence accrue dans la journée, baisse de la vigilance, irritabilité, notamment chez les plus jeunes. Ce sont là des signaux d’alerte dans un pays où la période hivernale fait déjà peser son climat et ses heures de moindre lumière naturelle. Malgré l’argument officiel selon lequel le passage à l’heure GMT +1 permettrait des économies d’énergie et un meilleur alignement avec les marchés européens, le soutien populaire s’amenuise.
Un soutien qui s’effrite chez les citoyens
Une récente étude indique que seulement 28% des Marocains soutiennent cette mesure, tandis que 40% la jugent négative pour leur quotidien. Les opposants se concentrent sur les jeunes adultes (25-44 ans), les habitants urbains et les classes socio-économiques plus élevées. La question d’un retour à l’heure GMT (UTC +0) refait surface. Pour certains acteurs de la société civile comme le président du Centre marocain pour la citoyenneté (CMC), ce retour est envisageable mais ne doit pas être pris à la légère. Il doit s’articuler autour de données tangibles : santé, productivité, éducation.
L’étude d’impact réalisée en 2018, qui avait justifié le maintien du GMT +1, estimait les économies d’énergie à 0,17% de la consommation nationale, soit environ 33,9 millions de dirhams. Le CMC interroge d’ailleurs : « Est-ce que ce montant vaut plus que le confort quotidien de millions de Marocains ? » Si une modification devait intervenir, elle devrait être « claire », « stable » et accompagnée d’une vaste campagne sur la sensibilisation à l’efficacité énergétique.
Alignement international et contexte européen
Un autre angle du débat concerne l’alignement horaire avec l’Europe. Le choix de GMT +1 avait été motivé par la volonté de renforcer les échanges commerciaux, les flux touristiques et les correspondances avec des partenaires comme l’Espagne et la France. Mais l’évolution européenne pourrait modifier les équilibres : un rapport récent indique que le Maroc pourrait revoir sa politique horaire à la lumière de la décision de l’Union européenne d’abandonner la double alternance heure d’été/heure d’hiver. La conjonction entre revendications nationales et mutation internationale offre donc une fenêtre de réflexion.
Bien que la contestation gagne du terrain, le changement ne dépend pas uniquement de l’opinion publique : la détermination gouvernementale est centrale. Comme le rappelle le CMC, une réforme horaire ne peut être « une simple réaction numérique » car elle relève d’une décision politique, impactant toute la société. Au-delà d’un simple réglage, c’est un compromis entre contraintes économiques, habitudes sociales, rythmes naturels et attentes des citoyens.