Ile Maurice: Air Mauritius – Une feuille de route pour devenir le «hub» de l'océan Indien

À la suite de la démission récente de Kishore Beegoo, c’est désormais Megh Pillay, actuel directeur général d’Airport Holdings Ltd, qui préside le conseil d’administration d’Air Mauritius (MK). Ce changement de gouvernance intervient à un moment stratégique pour la compagnie nationale, engagée dans une nouvelle phase de transformation et de consolidation. C’est dans ce contexte qu’un plan de redressement ambitieux, articulé autour d’une feuille de route 2025- 2028, a été soumis à la direction pour faire de MK un leader régional durable.

MK entre dans une nouvelle phase de son histoire en ce mois d’octobre. Après une période de turbulences marquée par la pandémie, la restructuration et les défis financiers, la compagnie nationale affiche désormais une ambition claire : passer de la survie au leadership régional. Un dossier élaboré pour faire de MK non seulement une compagnie rentable, mais aussi un leader régional d’ici 2028 a été récemment soumis à la direction, conçu par un professionnel du secteur. En voici les grandes lignes.

Son plan stratégique 2025-2028 trace une trajectoire précise, fondée sur six piliers majeurs et des objectifs chiffrés. À l’horizon 2028, MK veut figurer parmi les transporteurs les plus rentables de l’océan Indien, avec une marge d’exploitation d’au moins 12 %, une ponctualité supérieure à 85 % et une part de revenus ancillaires avoisinant 15 % du chiffre d’affaires.

Premier pilier de la stratégie : l’optimisation de la flotte. MK entend aligner ses avions sur un âge moyen de 11 à 12 ans, tout en maximisant leur utilisation quotidienne. La maintenance prédictive – appuyée par des solutions d’intelligence artificielle – permettra de réduire les temps d’immobilisation et d’améliorer la fiabilité opérationnelle.


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Une revue complète des contrats de leasing et d’achat est en cours pour accroître la productivité du capital et préparer le renouvellement progressif des appareils. D’ici 2028, la compagnie vise une flotte de 22 à 25 avions, dont environ 18 long-courriers (A350 et A330 neo) et 4 à 5 moyen-courriers (A330 ou A320).

Cette standardisation de flotte permettra une réduction notable des coûts de maintenance et une meilleure flexibilité sur les routes stratégiques.

Diversifier pour mieux grandir

Deuxième axe : la diversification des revenus. L’objectif est d’augmenter la part des revenus non-billets de 5 % à 15 % d’ici 2027, en misant sur de nouveaux produits et services à valeur ajoutée. Parmi les initiatives phares : le lancement d’une classe Premium sur les routes clés, destinée à une clientèle d’affaires exigeante ; ainsi que le développement du fret et du cargo, avec une contribution visée de 12 % du chiffre d’affaires. Également à prendre en considération, des partenariats bancaires et programmes de fidélité repensés pour stimuler la consommation récurrente ; et une tarification dynamique, soutenue par les outils digitaux et l’analyse de données comportementales.

L’ensemble de ces leviers doit porter le chiffre d’affaires annuel de la compagnie à environ 540 millions d’euros (environ Rs 289 544 800 000), avec des revenus passagers estimés à 476 millions d’euros (environ Rs 255 231 200 000) et un revenu moyen de 1 300 € (environ Rs 69 706) par passager – des niveaux cohérents pour un transporteur long-courrier régional.

Excellence opérationnelle : la rigueur au cœur du service

Le troisième pilier repose sur l’excellence opérationnelle et la fiabilité. L’objectif de ponctualité fixé à 85 % doit être atteint grâce à la mise en place d’un centre de contrôle opérationnel intégral. Les performances seront suivies à travers des indicateurs précis (KPIs) – marge d’exploitation, taux de remplissage, (return on invested capital/cost of capital) ROIC/WACC, âge de la flotte, engagement des employés – évalués chaque mois par le comité de direction et présentés trimestriellement aux actionnaires.

La culture du service client fera, elle aussi, l’objet d’une refonte en profondeur. Des formations renforcées et un programme de reconnaissance du personnel navigant et au sol accompagneront la transformation. C’est sur le plan du réseau que la transformation de MK s’annonce la plus visible. Les liaisons européennes (Paris, Londres, Genève, Francfort) resteront les piliers du modèle économique, représentant 64 % des arrivées touristiques à Maurice. Mais la compagnie veut désormais étendre son influence vers l’Afrique et l’Asie.

Les routes prioritaires incluent :

Afrique : Nairobi, Le Cap, Maputo, Lagos, Accra et Dar es Salaam ;

Asie : Singapour, Kuala Lumpur, Bangkok, Mumbai, Delhi, Shanghai et Pékin ; et

Océanie : Perth, Sydney et Auckland.

Ce développement progressif doit permettre à MK de capter jusqu’à 30 % de la clientèle touristique régionale, soit environ 360 000 passagers par an – un levier essentiel pour consolider le hub mauricien.

L’optimisation des horaires et la coordination des fréquences favoriseront les correspondances rapides entre les continents, renforçant la position de Maurice comme carrefour aérien stratégique de l’océan Indien.

Une discipline financière rigoureuse

Pour soutenir cette expansion, la compagnie impose une discipline financière stricte. Un tableau de bord mensuel ROIC/WACC permettra de mesurer la création de valeur réelle, tandis qu’une couverture carburant (hedging) entre 20 % et 40 % protégera les marges contre la volatilité des prix. La standardisation des processus et la recherche d’économies structurelles significatives figurent parmi les priorités immédiates. Cette rigueur est essentielle pour atteindre le seuil de rentabilité visé dès mars 2027, tout en maintenant une structure de coûts compétitive.

Le sixième pilier – la santé organisationnelle – place l’humain au coeur du redressement. Le programme*«Pride of Mauritius»* vise à refonder la culture d’entreprise sur la fierté nationale, la performance et la transparence. Le lien entre performance, reconnaissance et développement des talents sera renforcé, dans un climat de dialogue social renouvelé. Cette évolution s’accompagne d’une gouvernance renforcée, avec un conseil d’administration enrichi d’expertises indépendantes, suite à la démission du président.

Durabilité, digitalisation et résilience : Les nouveaux moteurs de croissance

Trois axes transversaux soutiennent l’ensemble du plan :

Durabilité énergétique : MK s’associe à des fournisseurs de carburant durable (SAF) et s’engage à améliorer son efficacité carburant de 3 % par an. Des routes «vertes» et des options de compensation carbone verront le jour pour aligner la compagnie sur les standards internationaux.

Résilience face aux aléas géopolitiques et économiques : diversification des marchés, flexibilité de la flotte et protocoles de continuité d’activité permettront à la compagnie de mieux absorber les chocs extérieurs.

Transformation digitale : l’expérience passager évoluera avec le check-in mobile, la reconnaissance faciale et une plateforme numérique intégrée pour les équipages et les opérations. L’Intelligence Artificielle (IA) sera également déployée pour optimiser la gestion des revenus et la maintenance prédictive.

Vers un leadership régional affirmé

À l’issue de ce plan, MK vise une marge d’exploitation de 12 %, un taux de remplissage moyen de 82 %, et une ponctualité supérieure à 85 %. Mais au-delà des chiffres, l’enjeu est symbolique : restaurer la confiance des clients, des employés et des partenaires, et replacer Maurice au centre de la connectivité régionale.

De compagnie en difficulté à acteur régional exemplaire, MK veut prouver que la fierté nationale peut rimer avec performance et durabilité. Un défi de taille, mais aussi une opportunité historique de redonner des ailes au pavillon mauricien.En tout cas, si ce projet arrive à se concrétiser, l’île pourrait même accueillir quelque 1,8 million de touristes, selon le réalisateur de ces propositions qui n’est certes pas un novice dans les restructurations des compagnies d’aviation.

Une feuille de route en quatre phases

Le calendrier de mise en oeuvre s’articule autour de quatre étapes :

«Le silence des travailleurs est inquiétant», avertit Reeaz Chuttoo

Le flou persiste autour de l’avenir de MK. Alors que la compagnie nationale s’efforce de consolider sa relance, les débats sur une éventuelle privatisation refont surface, suscitant de vives inquiétudes du côté syndical. Reeaz Chuttoo, président de la Confédération des travailleurs du secteur privé et public et représentant syndical d’Airmate Ltd, suit de près la situation. Pour lui, la gestion actuelle de la compagnie s’apparente à «un obscurantisme total».

«L’ancien président est venu dire que la compagnie est redevenue rentable et qu’il ne faut pas la privatiser. Et voilà que le Premier ministre adjoint évoque cette possibilité, un peu comme ce qui s’est passé avec Mauritius Telecom», déplore le syndicaliste. Il met en garde : «Celui qui viendra injecter de l’argent dans MK ne le fera pas par philanthropie, mais pour faire du profit.»

Privatisation : au détriment du mauricien ?

Reeaz Chuttoo s’interroge sur la place du Mauricien dans cette équation. «Pour augmenter les profits, il faut réduire les coûts, donc licencier ceux jugés de trop. Mais dans ce cas, pourquoi avoir créé Airmate ?» demande-t-il. Selon lui, l’entrée d’un partenaire stratégique aura des conséquences directes sur les usagers : «Avec l’inflation déjà élevée, toute hausse du fret ou des tarifs aériens pèsera sur le voyageur. Regardez Air Seychelles : le gouvernement n’a plus aucun contrôle sur la compagnie. Est-ce cela que nous voulons pour MK ?»

Le syndicaliste rappelle que MK a un rôle quasi essentiel dans le pays : «Ce qui appartient à l’État doit viser un équilibre – le break even – pas la maximisation du profit. » Il regrette également la contradiction du discours officiel : «On nous parle de profits triplés en septembre, pendant que le Deputy Prime Minister tient un discours défaitiste.»

Pour lui, la réforme est indispensable, mais elle doit être menée avec transparence et sans ingérence politique. «Le tourisme pèse 13 % du PIB. Le silence des employés de MK est inquiétant. Et il ne faut pas croire que les licenciements concerneront uniquement ceux d’Airmate», prévient-il.

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