À Madagascar, le président de la République et plusieurs ministres sont longuement revenus jeudi 24 juillet à la télévision nationale sur la succession de drames qui a ému le pays depuis la mi-juin. Au total, 53 personnes sont mortes dans plusieurs régions après avoir consommé des aliments suspects. Tandis que le président Andry Rajoelina a révélé les deux poisons qui auraient causé la mort de 32 personnes en banlieue d’Antananarivo lors d’une fête d’anniversaire. Le ministre de la Santé, lui, a pour la première fois évoqué un cas de botulisme dans une autre affaire.
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Avec notre correspondant à Antananarivo, Guilhem Fabry
C’est le botulisme, une maladie dont la toxine se développe en cas de mauvaise conservation des aliments, qui aurait provoqué la mort de 17 personnes à Ambositra, selon le ministre de la Santé. La conclusion a été obtenue à la suite de tests réalisés à l’Institut Pasteur de Paris. Ce laboratoire compétent pour détecter la toxine botulique n’a en revanche pas été sollicité pour identifier l’origine des 32 décès à Ambohimalaza.
Dans cette affaire, l’enquête judiciaire en cours a établi un empoisonnement volontaire sur fond de vengeance familiale. La justice s’appuie notamment sur l’identification par des médecins traditionnels, chez la principale suspecte passée aux aveux, de deux plantes hautement toxiques, la belladone et la datura. Ces plantes ont également été détectées sur des échantillons, selon le président Andry Rajoelina, par les quatre laboratoires sollicités à Madagascar, à Maurice et en France.
Pourtant, selon des révélations de RFI, des analyses effectuées par l’Institut de médecine légale de Strasbourg n’ont pu confirmer la cause des décès. Les 32 victimes d’Ambohimalaza présentaient des symptômes similaires à celles d’Ambositra, décédées du botulisme.
« Nous demandons un engagement ferme à dire la vérité »
Depuis ce drame d’Ambohimalaza déclenché par un buffet d’anniversaire organisé près de la capitale, le 14 juillet dernier, le gouvernement a été critiqué pour sa gestion de la crise.
Pour Ketakandriana Rafitoson, chercheuse en sciences politiques et membre de Transparency International-Initiative Madagascar – organisation engagée pour la transparence de la vie publique – ces déclarations sont un pas en avant qui n’efface pas de nombreuses zones d’ombre.
« Aujourd’hui, une version officielle a été présentée, mais trop de questions restent sans réponse. Pourquoi ce retard d’un mois pour informer le public ? Pourquoi les laboratoires nationaux – dont l’Institut Pasteur de Madagascar – ont-ils été écartés ? Pourquoi les décès ont-ils continué malgré les traitements annoncés ?
« Je dis que face à un drame sanitaire de cette ampleur, la communication ne peut pas être floue, tardive ou politisée. Ce sont des vies qu’on perd et la conscience qu’on détruit. Nous appelons ainsi à une enquête indépendante menée par une commission pluraliste et crédible.
« Nous demandons une réforme de la gestion des crises et, surtout, un engagement ferme à dire la vérité, toute la vérité, sans détours, parce qu’aujourd’hui, ce qu’il manque le plus dans ce pays, au-delà des antidotes, c’est le respect. Le peuple malgache ne demande pas un miracle, il demande de la bonne gouvernance et qu’on arrête de le mépriser. »
Au cours de cette même émission, les autorités ont par ailleurs reconnu pour la première fois un cas de botulisme dans un autre foyer d’intoxication alimentaire déclaré, au mois de juin, sur l’île. Le botulisme, maladie d’origine bactérienne, est suspectée d’un point de vue clinique comme étant à l’origine d’une cinquantaine de décès survenus entre la mi-juin et la mi-juillet à Madagascar.
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