Tchad: les tribus nomades débutent la transhumance vers le Sud

Au Tchad, c’est la fin de la saison des pluies et débute alors la période de la transhumance pour les tribus nomades qui vivent de l’activité pastorale. Les éleveurs de bétails commencent leur déplacement vers le Sud où se trouvent les zones les plus fertiles du pays. À quelques centaines de kilomètres au sud de Ndjamena se trouve une tribu de M’bororo, où des peuls s’installent pendant la saison des pluies aux alentours de la Dourbali.

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Avec notre envoyée spéciale à DourbaliNadia Ben Mahfoudh

Il est environ 7h et les femmes de la tribu de M’bororo ont fini de traire les vaches. Chacune rejoint son campement pour en faire du lait caillé qu’elles iront vendre au village, de quoi acheter des céréales et des légumes.

Goundado a plus de 50 vaches, il est debout, tout près de sa femme : « Pendant la saison des pluies, on arrive à vendre beaucoup de lait fermenté, explique-t-il. Mais quand vient la saison sèche, c’est plus dur. Les vaches ont faim, elles ont soif et on n’a plus assez de lait. Alors, on n’a plus beaucoup d’argent et la vie est plus difficile. » 

Du haut de ses 14 ans, Booba s’occupe du troupeau de son père. « On va d’endroit en endroit. Ce n’est pas compliqué, on le fait depuis toujours, c’est notre vie et on y est habitué », témoigne le jeune homme. Mais Gouandado le coupe : « des fois, on croise des gens qui ne veulent pas qu’on soit là. Ça arrive qu’ils nous chassent, mais on finit toujours par trouver un endroit pour nous installer avant de repartir ». À la levée du jour, toute la tribu va commencer son voyage vers le sud.

Concurrence pour les ressources

La transhumance porte les tribus nomades jusqu’en Centrafrique, voire au-delà. Ils vont là où se trouvent les terres agricoles, plus fertiles. Et c’est ici qu’ils s’opposent à un défi majeur : celui de la concurrence pour les ressources. L’extension des terres cultivées réduit les routes des transhumances, mais le passage du bétail peut aussi mener à la destruction des récoltes. Les conflits, notamment entre agriculteurs et éleveurs, sont donc récurrents et causent chaque année des centaines de blessés et de morts.

« Avec la croissance démographique, l’augmentation du cheptel, un élément qu’au Tchad, on n’aborde pas beaucoup, on préfère mettre l’accent sur les nouveaux éleveurs, les néo-éleveurs, alors qu’en réalité, il y a aussi les nouveaux agriculteurs. Tout ça fait qu’aujourd’hui, à côté de ces itinéraires classiques traditionnels tracés par l’administration coloniale française qui a été reprise par l’État tchadien, il y a d’autres itinéraires pour des raisons de facilité, pour éviter des problèmes », précise Sali Bakari, enseignant-chercheur en histoire, spécialiste des questions de conflits et de sécurité à l’École normale supérieure de Ndjamena.

Ce conflit cristallise tous les problèmes du pays à une échelle réduite. Vous avez, à travers ce conflit agriculteurs-éleveurs, la question de l’identité, de la religion, de la langue, des rapports autochtones à leurs gènes. Cela pose la question de la construction de l’unité nationale et de la cohésion sociale. On n’est pas là pour dire qui a raison, qui a tort. Cette question, comme elle a polarisé, l’État tchadien n’a pas réussi à poser le bon diagnostic. Et l’absence d’un bon diagnostic a conduit aux solutions qui ne sont pas à la hauteur de la problématique.

Sali Bakari, enseignant-chercheur en histoire, spécialiste des questions de conflits et de sécurité à l’École normale supérieure de Ndjamena

Nadia Ben Mahfoudh

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