Tunisie: RSE et entrepreneuriat social – Vers des entreprises créatrices de valeur commune

L’enjeu de la responsabilité des entreprises s’impose comme une question centrale. Cet enjeu est aujourd’hui devenu un levier incontournable pour bâtir une économie plus équitable, plus résiliente et plus durable. Les entreprises sont appelées à repenser leur rôle, comme acteurs essentiels du progrès collectif et de la transition vers un modèle plus responsable.
La problématique de la responsabilité des entreprises occupe une place centrale dans l’économie tunisienne. Aujourd’hui, cette thématique revient au coeur du débat. C’est dans cette perspective que la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) et l’entrepreneuriat social apparaissent comme deux leviers majeurs d’un nouveau modèle économique et sociétal, plus inclusif et plus durable.
Une évolution en plusieurs phases
Comme l’a déclaré Abbas Jellali, expert en économie sociale et solidaire et entrepreneuriat social, « l’entreprise de demain ne pourra prospérer que si elle crée de la valeur partagée, à la fois économique, sociale et environnementale ». Si la RSE semble récente dans le langage des affaires, ses racines remontent pourtant aux années 1950.
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À l’époque, il s’agissait déjà d’intégrer les préoccupations sociales et environnementales dans les activités économiques. Depuis, le concept a connu plusieurs phases d’évolution. Abbas a expliqué que la première, entre 1950 et 1990, marque une véritable prise de conscience des enjeux sociaux et environnementaux à l’échelle mondiale, avec l’émergence de grandes initiatives internationales.
Dans les années 1990-2000, la RSE entre dans une phase d’initiation : les entreprises commencent à formaliser leurs engagements à travers des normes comme la SA 8000, axée sur les conditions de travail. Depuis le début des années 2000, la RSE s’est progressivement intégrée à la stratégie des entreprises.
L’apparition des lignes directrices ISO 26000 a renforcé cette dynamique, en offrant un cadre global à la responsabilité sociétale. Abbas a souligné qu’en soixante ans, la RSE est passée d’un concept théorique à un pilier stratégique de la gouvernance d’entreprise, traduisant un changement profond dans la manière de concevoir la performance et la légitimité économique.
Selon la Commission européenne, la RSE désigne « l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et à leurs relations avec les parties prenantes ».
La performance n’est plus financière
Cette démarche n’est plus perçue comme une contrainte, mais comme une opportunité de performance durable. Les entreprises y voient désormais un moyen de renforcer leur réputation, de séduire les investisseurs à la recherche de placements responsables et de répondre à la pression croissante de la société civile. Jellali a indiqué que la RSE se situe aujourd’hui à la frontière entre l’entreprise et la société.
Elle incarne un nouveau contrat social dans lequel la performance ne se mesure plus uniquement en termes financiers, mais aussi à travers l’impact social, environnemental et éthique. Complémentaire à la RSE, l’entrepreneuriat social se distingue par une finalité explicite ; résoudre des problèmes sociétaux ou environnementaux tout en assurant une viabilité économique.
Ces entreprises à but social ou sociétal investissent la majorité de leurs bénéfices dans leur mission plutôt que dans la distribution de dividendes. Elles associent leurs parties prenantes à leur gouvernance et cherchent à concilier impact social et logique économique. Ainsi, Abbas Jellali a affirmé que «l’entrepreneuriat social est une manière concrète de mettre en pratique les principes de la RSE».
En d’autres termes, il transforme les externalités négatives : chômage, exclusion, pollution en opportunités d’innovation et de création de valeur partagée. Trois dimensions structurent ce modèle : économique, car l’entreprise sociale repose sur une activité réelle de production de biens ou de services, avec une prise de risque assumée. Sociale, puisqu’elle vise le service à la communauté et limite la distribution des bénéfices et de gouvernance, fondée sur la participation, l’autonomie et la transparence.
En s’appuyant sur la RSE et l’entrepreneuriat social, les entreprises peuvent devenir de véritables acteurs de la transformation durable. La RSE relie désormais la performance économique à la performance environnementale et sociale, dans le sillage du développement durable promu depuis le Sommet de Rio en 1992.
Elle constitue un vecteur de légitimité et de confiance dans un contexte mondialisé où les citoyens exigent plus de transparence et de sens.
Abbas a noté que cette dynamique s’accompagne d’une montée en puissance de l’Investissement Socialement Responsable (ISR) et des critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance), désormais incontournables dans les décisions des investisseurs à l’échelle mondiale. Ces nouveaux standards financiers traduisent une conviction forte que la performance économique durable passe par la responsabilité sociétale.
Loin d’être des concepts abstraits, la RSE et l’entrepreneuriat social dessinent les contours d’un nouveau pacte entre l’entreprise et la société. Ils participent à la construction de passerelles entre acteurs économiques, institutionnels et citoyens, dans une logique de valeur partagée et de durabilité.
En Tunisie comme ailleurs, Abbas a conclu que cette évolution ouvre la voie à une économie plus inclusive, innovante et respectueuse de l’environnement, une économie où la performance se mesure autant par le profit que par la contribution au bien commun.


