Kenya: la justice post-coloniale et les réparations pour le continent au programme du festival Wakati Wetu

Deux jours pour échanger sur les différentes formes que peuvent prendre les réparations des injustices de la période coloniale et néo-coloniale. Le festival Wakati Wetu a commencé mercredi 22 et se termine jeudi 23 octobre dans la capitale kényane. 200 participants, dont des militants, des artistes et des chercheurs de tout le continent africain. L’objectif : encourager les idées et le partage de connaissances à travers des rencontres, des panels de discussions, des diffusions de documentaires ou des concerts.
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Avec notre correspondante à Nairobi, Albane Thirouard
Le festival s’ouvre en musique et le groupe kényan JuaKali lance un message. « Quand nous disons, « ni Wakati Wetu », nous voulons dire : n’attendons pas de savoir qui doit quoi à qui. Notre heure est venue de reconstruire », lance un membre du groupe.
Les discussions portent sur plusieurs formes de réparations : compensations financières, excuses, restitution des objets. Sylvie Njobati est venue au Kenya du Cameroun. Pour elle, l’objectif doit être double. « Les africains doivent aussi se réapproprier leur héritage, leur histoire, leur identité, leurs traditions. Je donne souvent l’exemple du système éducatif en Afrique. Au Cameroun, l’Histoire ne commence qu’en 1884, l’année où l’Europe s’est rassemblée pour diviser le continent afin de le conquérir et de le diriger. C’est trompeur ! Nous devons réparer aussi les dommages causés par le manque d’information », explique la spécialiste des questions de justice réparatrice.
Représenter « un esprit panafricaniste »
Saitabao Kaiyare est venu présenter son documentaire, un film qui raconte l’histoire d’un objet kényan retrouvé dans un musée en Allemagne. « Des évènements comme celui-ci nous donnent l’opportunité de réfléchir ensemble à la meilleure façon de résoudre la situation, note-t-il. Beaucoup de pays du continent sont représentés ici, dans un esprit panafricaniste : ensemble, nous pouvons faire plus. »
Les organisateurs de Wakati Wetu ont déjà pour ambition de tenir plusieurs éditions du festival, dans différentes villes en Afrique.
L’urgence de la question des réparations pour les peuples africains
L’Union africaine a déclaré l’année 2025 comme année des réparations pour les peuples africains et de descendance africaine et Wakati Wetu s’inscrit dans cette démarche. Liliane Umubyeyi, une des coorganisatrices du festival, est la directrice d’African Futures Lab, un organisme dédié aux injustices raciales en Afrique et Europe et à la justice réparatrice. Elle insiste : dans le contexte actuel, de montée de l’extrême droite et de baisse de l’aide au développement, la question des réparations est urgente.
« Il y a deux choses qui sont centrales dans cette conversation sur les réparations. Premièrement, il s’agit de dire que ce n’est pas qu’une question de compensations financières, il faut se défaire de cet esprit de se dire que les gens demandent de l’argent. Deuxièmement, c’est de dire que les réparations – ou la justice réparative, je préfère cette idée-là – ce n’est pas juste regarder le passé. Mais c’est aussi regarder ce qui est en train de se passer et regarder le futur. Après, il faut ouvrir cette boîte noire de la justice réparative et regarder différents enjeux parce que ça prend différentes formes, comme la question de la restitution des œuvres d’art », explique Liliane Umubyeyi à RFI.
« Si on regarde la question économique, il y a toute la dimension de savoir dans quelle mesure les États africains sont représentés dans les institutions financières internationales. Si on regarde la question climatique, on est le continent qui subit le plus, alors qu’on a le moins contribué en termes d’émissions de carbone, note la coorganisatrice. Il faut savoir comment on peut mettre en place des processus, à la fois pour faire des transferts de technologie, mais aussi appuyer financièrement pour qu’on puisse trouver des solutions adéquates à la crise climatique. Donc, il y a différents champs, différents secteurs, dans lesquels il faut ouvrir cette question de l’impact de la colonialité. »
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