L’Éthiopie ne figure pas dans le classement récemment publié par la Banque mondiale qui renseigne chaque année les pays du monde selon leur revenu national brut par habitant. Sur les 218 États du rapport, seul le Venezuela est dans la même situation. Une décision qui peut avoir des conséquences sur l’économie éthiopienne.
De notre correspondante à Addis-Abeba,
C’est une première depuis 1987 : l’Éthiopie est suspendue du classement annuel de la Banque mondiale. En cause, d’après l’institution : l’impossibilité, pour ses experts, de récolter des données fiables. Getachew Alemu, économiste à l’Union africaine, explique cette méthode de calcul : « Pour son classement, la Banque mondiale se réfère au revenu national par habitant. Celui de l’Éthiopie est d’abord calculé en dollars américains. Pour l’établir, un processus de conversion est donc nécessaire. Il s’agit d’utiliser le taux de change, pour convertir le revenu national brut calculé en dollars ». Mais aujourd’hui, « la Banque mondiale affirme qu’à l’heure actuelle, le taux de change n’est pas stabilisé. Et l’écart entre le taux de change officiel et le taux de change parallèle persiste », précise-t-il.
Des prêts plus difficiles à obtenir
L’institution financière a donc préféré suspendre l’Éthiopie pour « limiter le risque d’utilisation d’un indicateur potentiellement trompeur », a fait savoir son bureau d’Addis-Abeba. Pour Kiflu Molla, économiste en charge de l’Éthiopie au sein de l’International Growth Centre, basé à Londres, cette suspension n’est pas exempte de conséquences. « La classification est importante pour plusieurs raisons. Entre autres, elle détermine l’éligibilité d’un pays à l’élaboration d’un financement pour obtenir une aide ou des prêts à faible taux d’intérêt », explique l’expert.
Getachew Alemu confirme : la suspension de l’Éthiopie pourrait compliquer son accès à des prêts. « Si vous êtes un pays à faible revenu, vous êtes éligible à des prêts concessionnels. Cela signifie des taux d’intérêt plus bas et une durée de remboursement globale plus longue », souligne-t-il.
Un mauvais signal envoyé aux investisseurs
Plus globalement, l’absence de l’Éthiopie dans le classement de la Banque mondiale n’envoie pas un bon signal aux investisseurs, ajoute Kiflu Molla. « Ils peuvent avoir l’impression que le pays ne dispose pas de données fiables ou que son économie n’est pas stable. Les investisseurs pourraient penser que le pays est très pauvre et ne pas le considérer comme une destination d’investissement viable. Le gouvernement doit donc s’efforcer à clarifier les choses », pointe encore l’économiste.
La suspension temporaire de l’Éthiopie n’a en tout cas pas entaché la confiance que lui accorde la Banque mondiale. Le 5 juillet dernier, l’institution a signé un accord de financement avec le pays d’un montant d’un milliard de dollars.
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