Escalade entre Bamako et le FLA : une paix encore lointaine au Mali

Assimi Goïta, président de la Transition du Mali
Assimi Goïta, président de la Transition malienne

Alors que le gouvernement de transition au Mali mise sur la Charte nationale pour la paix et la réconciliation pour reconstruire le tissu social et politique du pays, le Front de libération de l’Azawad (FLA) oppose une fin de non-recevoir catégorique. Le refus de cette charte par le mouvement indépendantiste marque un nouvel épisode dans la longue série de tensions entre Bamako et les groupes armés du nord, ravivant le spectre d’un conflit armé durable. Entre tentatives institutionnelles de réconciliation, accusations de militarisation, et brouille diplomatique avec des puissances étrangères, l’escalade semble bel et bien en cours.

Le jeudi 18 juillet, le FLA, à travers son porte-parole Mohamed Elmaouloud Ramadane, a publiquement rejeté la Charte nationale pour la paix et la réconciliation. Ce texte, élaboré par les autorités de transition et remis au Président Assimi Goïta, avait pourtant pour ambition de relancer un processus de paix national après la dénonciation de l’accord d’Alger en janvier 2024. Composée de 16 titres, 39 chapitres et 106 articles, la charte prévoyait notamment la réintégration des ex-combattants et des mécanismes pour résoudre les conflits communautaires.

Mais pour le FLA, cette initiative n’est qu’une « manœuvre politique dilatoire », destinée à redorer l’image d’un régime qu’il qualifie de « sans légitimité ». Le groupe dénonce le manque d’inclusivité du processus et refuse toute forme de médiation ou de négociation avec le pouvoir militaire en place. Le ton du communiqué est sans équivoque : « Ni le formalisme creux du document, ni la suffisance arrogante des propos du chef de la junte criminelle de Bamako, ne sauraient altérer notre engagement en faveur de la reconquête du territoire de l’Azawad ».

Un projet gouvernemental présenté comme rassembleur

Du côté des autorités de transition, le contraste est frappant. Le Premier ministre a salué la charte comme un « rendez-vous avec la souveraineté », tandis que le Président Assimi Goïta l’a qualifiée de « travail exemplaire » pour la cohésion nationale. Le texte, issu de consultations menées dans toutes les régions du pays ainsi qu’auprès de la diaspora, devait incarner une alternative souveraine à l’accord d’Alger, jugé dépassé et inefficace par Bamako.

Lire aussi : Le Mali face au piège de la violence : retour sur l’attaque du 14 juillet contre l’armée

Sa remise officielle, bien qu’intervenue avec quatre mois de retard, devait lancer une nouvelle dynamique politique, avec la perspective d’un référendum populaire prévu d’ici la fin de l’année. Mais le rejet du texte par un acteur clé du conflit du Nord réduit drastiquement la portée unificatrice escomptée.

Saisie d’un arsenal : la tension militaire monte

Quelques jours avant la déclaration du FLA, l’armée malienne annonçait la saisie d’un arsenal conséquent destiné au groupe. Le lot comprenait 20 canons pneumatiques, 4 000 turbines, plus de 3 000 paires de rangers, et des milliers de tenues militaires estampillées au nom du FLA. Selon l’état-major, ces équipements ont été fabriqués en Asie et transitaient par un pays de la sous-région avant d’être interceptés grâce à la coordination des services de renseignement de la Confédération des États du Sahel (AES).

L’opération a été présentée comme une preuve de l’implication d’acteurs étrangers dans le soutien logistique à des groupes qualifiés de « terroristes ». L’armée malienne désigne sans ambiguïté le FLA comme une organisation hostile, consolidant la position sécuritaire de Bamako et son refus d’une reconnaissance politique des mouvements armés.

Un climat géopolitique explosif

Cette escalade s’inscrit dans un climat international tendu. En juillet 2023, des affrontements à Tinzaoutene avaient conduit Bamako à accuser l’Ukraine de soutenir les mouvements rebelles maliens. Depuis, le Mali et le Niger ont rompu leurs relations diplomatiques avec Kiev et, avec le Burkina Faso, ont saisi les Nations Unies pour dénoncer ces présumées ingérences. L’affaire de la saisie d’armes vient renforcer ce climat de suspicion, dans lequel les autorités maliennes voient la main d’ennemis extérieurs cherchant à déstabiliser la région.

Des enquêtes judiciaires sont en cours pour éclaircir les circuits d’approvisionnement et d’acheminement du matériel militaire intercepté. Le refus catégorique du FLA, associé à des accusations de militarisation et de soutien étranger, place le processus de réconciliation dans une impasse. Le gouvernement malien cherche à avancer avec une feuille de route institutionnelle qui se veut souveraine et nationale. De son côté, le FLA se dit déterminé à poursuivre sa lutte pour la reconnaissance de l’Azawad, sans passer par les cadres proposés par Bamako.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to top
Close