Le combat pour l'information des radio communautaires au Sahel au cœur d'un documentaire de RSF

Source d’information essentielle pour des communautés isolées en milieu rural mais aussi quelquefois médiatrices avec les groupes armés qui les écoutent, les radios communautaires jouent un rôle majeur et souvent méconnu pour faire circuler l’information dans des zones en conflit. Pour la première fois, Reporters sans frontières (RSF) consacre un documentaire à ces relais locaux de l’information au Sahel : « Radios communautaires : leur combat pour informer au Sahel ».

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Avec notre correspondante à Dakar, Léa-Lisa Westerhoff

« Merci d’être avec nous… » Cette voix, c’est celle de Fati Amadou Ali, l’animatrice bien connue des auditeurs de la Voix de la Tapoa, qui depuis 2008 se bat pour « un changement de comportement, pour la prise en compte des femmes ».  

Dans la radio communautaire qu’elle dirige dans le sud-ouest du Niger, régulièrement théâtre d’attaques djihadistes, et dont le documentaire montre quelques rares images filmées par elle-même, Fati raconte le fruit de son combat quotidien : « Si tu es une femme leader, on te voit de l’autre côté. C’est comme si tu faisais du féminisme. Il y a des femmes qui sont même journalistes, mais la société les voit mal. Par exemple, chez nous, 75 % des femmes journalistes ne sont pas mariées. »

Préjugés sexistes et risques sécuritaires

Continuer à informer malgré les préjugés sexistes, mais aussi les risques sécuritaires. Ousmane Abdoulaye Touré, directeur de la Radio Naata à Gao, la première radio du nord Mali, vit chaque instant avec cette épée de Damoclès, et l’autocensure qui va avec.

« On sait ce qui est bon, on sait ce qui est mauvais, les mots qu’il faut employer ou pas employer, on sait que vraiment notre métier a beaucoup de dangers. Dans nos zones, on ne peut pas dire des bandits ou des terroristes, on dit des barbus, car la religion colle avec ça ! »

Malgré l’assassinat d’un de ses confrères en novembre 2023 au nord du Mali, Ousmane veut continuer à témoigner et à aller là où la présence de l’État a parfois disparu.

« Nous, nous sommes engagés à informer, parler aussi de la terreur qui règne dans nos communautés, parce que la grande souffrance, c’est pour les communautés ! Il faut regarder aujourd’hui le nombre d’écoles fermées, les enfants qui naissent sans acte de naissance, les femmes qui accouchent sans assistance médicale », poursuit-il.

Au fil des entretiens filmés de ces journalistes du Sahel, RSF raconte leur travail de relais et de témoin, mais aussi l’urgence de mieux protéger ces sentinelles indispensables de l’information. Il y a un an, le 24 septembre 2024, 547 radios communautaires du Sahel et des pays voisins ont signé un appel à la protection du droit à l’information de proximité.

Le documentaire de RSF, Radios communautaires : leur combat pour informer au Sahel, rend hommage à cinq journalistes de radio communautaires tués au Sahel.

Radios communautaires : leur combat pour informer au Sahel sera diffusé le 18 novembre sur Arte.

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« Une corrélation entre la fermeture réelle de médias de proximité et la pénétration de la désinformation » 

Pour la directrice éditoriale de RSF, Anne Bocandé, il y a un enjeu mondial à rendre visible et protéger le journalisme de proximité et les radios communautaires : « On a pu le mesurer à l’échelle internationale, ne serait-ce qu’aux États-Unis, qu’il y a une corrélation aujourd’hui sur la fermeture réelle de médias de proximité et la pénétration de la désinformation. Aujourd’hui, on doit replacer l’information de proximité au cœur du combat pour la protection du journalisme et du droit à l’information partout dans le monde. C’est évidemment le cas au Sahel, et d’autant plus qu’il y a un maillage historique de radios communautaires qui est assez exemplaire, avec une véritable proximité avec les populations, avec de l’information qu’on ne va pas absolument pas trouver ailleurs. Et donc aujourd’hui, il y a un vrai enjeu. On parle de menaces sécuritaires, mais elles sont aussi d’ordre économique, d’ordre politique. Il est important pour nous, en tout cas, de replacer l’importance de ces acteurs-là aujourd’hui, dans le monde de l’écosystème informationnel, dont on sait qu’il a de nombreux défis à relever. »

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