Présidentielle en Côte d’Ivoire: Henriette Lagou, la candidate qui prône une alternance au féminin

Henriette Lagou fait partie des cinq candidats retenus pour la présidentielle du 25 octobre 2025 en Côte d’Ivoire. Déjà en lice en 2015, elle avait alors obtenu 0,89% des voix. Celle qui a débuté la politique sous l’égide d’Henri Konan Bédié et a été ministre sous Laurent Gbagbo, avant de revenir d’exil sous Alassane Ouattara, assure qu’elle a toutes ses chances durant ce scrutin. Présentation.
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« En 2015, j’y suis allée seule et c’était pour me faire connaître. Parce qu’à chaque élection, sa stratégie. Et aujourd’hui, je pense que j’ai les armes et j’ai l’expérience. » Henriette Lagou, 66 ans, l’assure à RFI : celle qui représentera une coalition de partis centristes, le Groupement des partenaires pour la paix (GP-Paix), à l’élection présidentielle du 25 octobre 2025 en Côte d’Ivoire compte faire bien mieux qu’il y a dix ans, lorsqu’elle avait rassemblé 0,89% des voix. « Je n’avais pas fait un score qui puisse attirer l’attention à l’international ou même au niveau national, concède-t-elle. Mais quand j’ai pris la carte de la Côte d’Ivoire, partout, j’avais une voix, deux voix. Et quand j’ai vu ça, je me suis dit : « Voilà, je suis nationale, je peux percer.« »
Deuxième femme candidate à une présidentielle
Henriette Lagou n’est pas une inconnue dans le monde politique ivoirien. Elle est en effet la deuxième femme seulement à avoir été candidate à une présidentielle, après Anne Jacqueline Lohouès Oble en 2010. Elle a également été brièvement ministre de la Famille, de la femme et de l’enfant en 2000, puis ministre déléguée en charge des Affaires sociales et des personnes handicapées en 2002. De 2006 à 2011, elle a ensuite été présidente du conseil d’administration de la défunte compagnie aérienne nationale, Air Ivoire.
« Henriette Lagou est une de ces figures politiques auxquelles on commence à s’habituer, souligne Ousmane Zina, enseignant-chercheur, maître de conférences et chef du département de sciences politique à l’université de Bouaké. Maintenant, elle gère un parti politique [le Rassemblement pour la paix et la concorde, NDLR] qui ne pèse pas véritablement dans le jeu politique ».
Débuts politiques sous Bédié, ministre sous Gbagbo
Cette diplômée de l’École normale d’administration (ENA) s’est tout d’abord rangée sous la bannière du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), la formation des deux premiers présidents du pays, Félix Houphouët-Boigny (1960-1993) et surtout Henri Konan Bédié (1993-1999), originaire de Daoukro (centre du pays), tout comme elle. « Moi, je suis entrée en politique parce que mon aîné dans ce domaine, le président Bédié, à un moment donné, m’a demandée de le faire. C’était mon père politique », soulignait-elle le 9 octobre dernier lors du « Grand Talk » de la chaîne Life TV.
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Après avoir été chargée de mission à la présidence durant les années 1990, c’est toutefois sous Laurent Gbagbo (2000-2010) qu’Henriette Lagou participe à des gouvernements. Vis-à-vis de ce dernier, elle affiche à l’époque un grand soutien, créant le mouvement « Deux millions de filles pour Gbagbo ».
La crise postélectorale de 2010-2011 la pousse ensuite à s’exiler quelques mois au Ghana. À son retour, elle se repositionne sur l’échiquier politique. « Elle a tracé sa voie en revisitant sa position, parce qu’elle en avait une posture un peu radicale et très tranchée, durant la gouvernance Gbagbo, estime Ousmane Zina. Elle a dû polir son image après la crise postélectorale. Et je pense que c’est ce qui lui vaut cette définition propre à elle de centriste : c’est-à-dire quelqu’un qui a été dans cette gauche du Front populaire ivoirien [la formation d’alors de Laurent Gbagbo, NDLR], avec des positions fortes, et qui aujourd’hui s’est rapproché d’un pouvoir libéral ».
De l’exil au centrisme
Un retour sur la scène politique qui se traduit par exemple par une place au sein de la Commission électorale indépendante (CEI), de 2020 à 2022.
En 2019, son mouvement RPC-Paix a quitté le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), une coalition initialement lancée par Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara en 2005 mais devenue en 2018 le seul parti de l’actuel chef de l’État. Lorsqu’on l’interroge sur une présumée proximité persistante avec le RHDP, l’intéressée dénonce des « ragots ». « Qu’on arrête de raconter des choses qui n’intéressent pas les Ivoiriens, évacue-t-elle, toujours sur Life TV. Les Ivoiriens ont besoin de voter pour qu’une femme soit présidente de la République ».
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Un roman
Henriette Lagou axe son discours sur la paix, la santé, l’éducation, l’inclusion et la promotion des femmes. Elle l’affirme : si elle est élue, c’en sera fini des troubles qui ont meurtri son pays depuis près de trois décennies.
« Ma plus grande qualité, c’est que je suis ouverte et que je parle avec tout le monde, quel que soit le niveau social, expliquait-elle en juin dernier, au micro de Global Africa Telesud. On dit d’ailleurs que je suis le seul ministre qui décroche le téléphone sans connaître le numéro qui appelle ».
Ousmane Zina, lui, met en exergue « l’intelligence politique » d’une personnalité qui a « su se faufiler » et « trouver les meilleurs ajustements avec différents régimes ». « Le revers, poursuit-il, c’est qu’on ne sait pas trop où vous classer et ça donne l’impression qu’on est, dans ce contexte-là, un acteur politique qui suit la vague ».
Dans son premier roman, Pourquoi pas une femme ?, présenté en février dernier, Henriette Lagou raconte l’histoire d’une certaine Madjoua, devenue présidente de Côte d’Ivoire pour en finir avec les turpitudes de son pays. Une fiction autoréalisatrice, espère-t-elle.
[1] Un titre qu’elle partage avec Jacqueline-Claire Kouangoua, également candidate à la présidentielle 2015



