Mali: La pénurie d'essence à Bamako à peine allégée par l'arrivée des camions citernes

Au Mali, les autorités de transition avaient promis que l’arrivée à Bamako d’un convoi de camions citernes sous escorte militaire, mardi 7 octobre, allait soulager les habitants de la capitale à leur tour victimes de la pénurie d’essence qui affecte le pays. Mais aujourd’hui, les Bamakois le ressentent à peine. Depuis le début du mois de septembre, les jihadistes du Jnim, liés à al-Qaïda, imposent un embargo sur les importations de carburant au Mali.
« J’ai pu faire le plein et même un peu de réserves, confie un Bamakois, mais c’est pas gagné.» Selon de nombreux témoignages, les pompistes ne vendent que des quantités limitées d’essence, qui peuvent varier d’une station à une autre, pour ne pas épuiser leurs stocks trop vite. « Il suffit d’aller dans une station puis dans une autre », explique ce consommateur malin… et patient : si leur nombre a certes diminué, de longues files d’attentes sont cependant toujours signalées devant de nombreuses stations-service de la capitale.
Atmosphère de deuil
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Car toutes n’ont pas pu être approvisionnées, loin de là : « Il faut parfois en faire sept ou huit pour en trouver une ouverte, témoigne un autre Bamakois. Alors on s’informe entre nous sur la disponibilité dans les différentes stations », poursuit celui-ci. Heureusement, les téléphones ne sont pas affectés par la pénurie de carburant… Quoique : plusieurs habitants de la capitale signalent que les coupures d’électricité ont empiré ces derniers jours, pouvant atteindre une dizaine d’heures.
« Il y a une atmosphère de deuil », raconte avec abattement un autre Bamakois qui n’a pas eu la chance de pouvoir remplir son réservoir. « J’ai cherché, mais en vain. Le trafic n’a pas repris normalement, les gens sont démoralisés », reprend-t-il. Le léger mieux n’a pas apaisé les craintes. « D’ici quelques jours, si rien ne rentre, ce sera la catastrophe », s’alarme un autre.
Les chauffeurs-routiers demandent davantage d’escortes pour protéger les convois
Malgré l’arrivée à Bamako de plusieurs centaines de camions-citernes protégés par une escorte mardi 7 octobre, l’inquiétude demeure chez les chauffeurs-routiers qui convoient du carburant au Mali depuis les pays voisins. Alors qu’ils effectuent aujourd’hui des centaines de kilomètres la boule au ventre, ils réclament une extension de ce dispositif pour les protéger.
Alors que les militaires encadrent aujourd’hui des convois d’une soixantaine de camions, « on en souhaiterait pour dix véhicules car l’escorte est majoritairement devant. Les coupeurs de route attendent donc le passage du 25e camion – au milieu du convoi -, font des dégâts et disparaissent. Il faut muscler la protection, ce n’est qu’à cette condition qu’on évitera une crise économique », déclare ainsi Daouda Bamba, le secrétaire général de l’Union des chauffeur routiers d’Afrique de l’Ouest, qui vient d’assister à la levée des corps de trois de ses collègues ivoiriens tués le 21 septembre dans une attaque attribuée au Jnim.
Mais pour Bakary Sambe, le directeur du think tank Timbuktu Institute, ces escortes ne sont qu’un pansement qui n’empêcheront pas le blocus économique opéré par les djihadistes. « Ce système d’escorte n’est pas viable parce que l’axe routier est très étendu, explique-t-il. Entre Kayes et Bamako, il y a des centaines de kilomètres, il faut déjà pouvoir assurer ce corridor. Sinon, l’armée va disperser ses forces dans une sécurisation qui sera peu efficace et qui ne peut pas s’inscrire dans la durée », analyse celui-ci.
Policiers mobilisés
Si l’essence demeure une denrée rare, le gasoil (ou diesel) se trouve encore facilement. Des policiers sont mobilisés pour veiller au respect des prix plafonnés par l’État et empêcher la vente par les « tenanciers de bidons », selon un communiqué de la Direction générale du commerce.
Leur mission consiste également à assurer une « distribution ordonnée » : sans heurts, mais aussi sans photo ou vidéo pouvant attester de la situation, comme le rapportent plusieurs témoignages, notamment de journalistes maliens. « Il faut chercher les stations où il n’y a pas de policiers », explique un confrère.
« Les citernes mises à disposition ne suffisent pas, déclare un autre, mais nous ne pouvons pas le dire sans devenir des cibles. » Les images de consommateurs insatisfaits devant des pompes à sec ou obligés de faire d’interminables files d’attente continuent pourtant de circuler sur les réseaux sociaux.
Après avoir, dans un premier temps, nié la réalité du blocus, les autorités de transition se sont mises à communiquer sur leur « plan d’action », et notamment sur les escortes militaires mises en place pour tenter d’assurer l’approvisionnement du pays. Sans jamais cesser de dénoncer la « désinformation ».



