Naissance de ZOA, la chaîne du quotidien des jeunes Africains

C’est la dernière-née de la famille France Médias Monde : « ZOA » est officiellement lancée ce mercredi 1er octobre. Une offre 100% numérique, axée sur le quotidien et les sujets magazine, destinée à un public africain jeune, et construite par de jeunes journalistes africains. Portrait d’une petite sœur de RFI, bien décidée à suivre sa propre voie.
L’image de Blessing-Bill, jeune chanteuse du Congo-Brazzaville, emplit l’écran mural du bureau. Cécile Goudou, la rédactrice en cheffe adjointe de ZOA, scrute le montage et les sous-titres, à la recherche de la moindre imperfection, de la plus petite coquille. « Ça m’arrive de visionner une vidéo jusqu’à 10 fois ! », s’exclame-t-elle en riant. L’exigence est à la hauteur des premiers succès de la chaîne : ZOA ne poste des contenus que depuis quinze jours, mais les vidéos les plus populaires comptabilisent déjà plus de 800 000 vues.
L’open-space de la toute jeune rédaction est installé juste à côté, dans l’une des grandes salles du nouveau hub de France Médias Monde à Dakar. Joseph Kahongo Amutake, casque audio sur la tête, est sur le point de mettre en ligne le débat sportif du jour : « Que vaut le cyclisme africain sur la scène internationale ? » Plusieurs chroniqueurs africains commentent les mauvais scores du continent au championnat du monde de cyclisme : « Ce qui me plaît le plus, c’est le dynamisme qu’on essaie de donner à l’information, assure le journaliste congolais de 30 ans, et d’être sur internet, car c’est le media de prédilection des jeunes. »

Amina Diop, fraîchement diplômée du CESTI, l’une des écoles de journalisme sénégalaises, s’occupe de la rubrique « Initiatives citoyennes ». Elle a bouclé une chronique sur un jeune ingénieur béninois qui a inventé et conçu un scooter électrique. « Si un autre jeune voit ce sujet, il se dira que c’est possible d’inventer et d’innover », se réjouit-elle. C’est d’ailleurs la principale raison pour laquelle la jeune journaliste a eu envie de rejoindre la rédaction de ZOA : pour « transmettre la positivité qui traverse le continent et rendre compte des nombreuses initiatives qui existent » Exit donc « le journalisme de la misère », assure la jeune femme avant de se replonger dans ses recherches documentaires. Elle met en chantier un sujet sur un designer de vêtements togolais.
Le projet de la nouvelle chaîne est résolument jeune, résolument positif – mais sans angélisme. « ZOA raconte l’Afrique depuis ses origines, en valorisant celles et ceux qui l’ont construite, la façonnent aujourd’hui et l’imaginent demain, indique la plaquette colorée qui fait office de faire-part de naissance. Sa mission : faire entendre les voix des jeunes Africains francophones à travers une information ancrée dans les faits, portée par le terrain et les récits humains. » Le rédacteur en chef de ZOA, Kaourou Magassa, journaliste passionné par les cultures africaines, cite volontiers les propos du réalisateur Oumar Bayo Fall : « Nous ne sommes pas le futur, nous sommes le présent, nous sommes également le lien entre nos aînés et les générations qui vont arriver après nous. »

Portraits de personnes inspirantes
De fait, les premières vidéos mises en ligne par ZOA font découvrir plusieurs personnes inspirantes : Aya Gueye, ancienne Miss Ziguinchor, qui utilise la mode pour valoriser sa culture et encourager la jeunesse. Mais aussi Ruffine Sonon, une jeune athlète béninoise qui, à 15 ans, a décroché la première médaille d’or du Benin au 800m lors des Jeux africains scolaires. Ou encore Tening Faye, jeune prodige sénégalaise du taekwondo, qui a déjà obtenu une médaille mondiale.
La chaîne se penche aussi sur les sujets du quotidien : le thé ataya, incontournable compagnon des discussions entre amis, peut-il devenir un danger pour la santé ? Comment repérer les signes de la maladie d’Alzheimer chez des proches qui prennent de l’âge ? Quelles sont les vraies conséquences du sucre sur la santé ? « La rubrique »Santé » a pour objectif de faire des vidéos explicatives sur des maladies connues ou même rares, explique Dikorou Cheick, spécialiste santé au sein de l’équipe. Notre particularité, c’est que nous informons sur un ton décontracté. L’approche vise à donner des clés de prévention pour éviter certaines maladies sans pour autant effrayer les gens. Car comme vous le savez, dès qu’on prend conscience d’une maladie, la prévention est facile et cela favorise même la guérison. Au-delà de ça, l’autre objectif, c’est de montrer les progrès faits dans le domaine de la santé sur le continent. »

Les vidéos proposées misent particulièrement sur le reportage. Et cherchent à montrer ceux qui font le quotidien : « ZOA, pour moi, c’est une autre méthode, une autre vision, indique Ibrahima Dramé, l’un des reporters de ZOA. On va donner la parole à l’Africain lambda. Celui dont l’existence n’est pas connue et qui fait pourtant des choses extraordinaires, d’où l’importance de ma mission à ZOA. Avec mon micro et ma caméra, je vais partout, je toque à toutes les portes, de Madina Ndiathbé dans le Fouta au nord du Sénégal à Thiobon, au sud, en Casamance, de Pikine dans la banlieue de Dakar à Koussanar dans la région de Tamba. Je tends mon micro à ce Sénégalais qu’on n’entend pas assez souvent et qui, pourtant, a des choses à dire. »
ZOA diffuse ses contenus sur les principaux réseaux sociaux (WhatsApp, TikTok, Facebook, YouTube, Instagram…) sous forme de vidéos, de photos ou d’infographies. « ZOA va produire pratiquement tous les sujets : santé, sports, société, culture, entreprenariat… sauf la politique, détaille Cécile Goudou. On estime qu’il y a déjà assez de matière sur ces sujets-là. » Les sujets traités par la chaîne seront donc très « magazine » : « Ce sera par exemple des rubriques comme »Quand j’avais 20 ans », où ce sont les aînés qu’on interroge pour qu’ils puissent donner des clés, des outils. On a des rubriques comme »c’est quoi ton quotidien » où on va vers les petites gens pour qu’ils nous racontent ce qu’ils font dans leur quotidien, nous parlent des gens qui impactent leur communauté. »Initiatives citoyennes », ce sont ces jeunes-là qui travaillent au service de leur communauté. » ZOA propose aussi une rubrique »Patrimoine », dans laquelle est mis en valeur le patrimoine culturel, historique du continent. « Peut-être qu’un jeune ivoirien, aujourd’hui, ne connaît pas l’histoire du monument de la renaissance érigé à Dakar. Au travers de cette rubrique, ce sont des choses que nous avons envie de raconter. »

Une offre indépendante du reste de FMM
ZOA fait partie du groupe France Médias Monde. La nouvelle chaîne a même été « imaginée avec RFI et France 24 ». Mais appartenir à la même famille n’empêche pas la benjamine d’avoir son tempérament et de suivre sa propre voie. « Nous sommes établis dans les locaux du hub de Dakar de France Médias Monde, explique Kaourou Magassa, là où se situent les antennes de RFI en mandenkan et en fulfulde. RFI et France 24 sont nos supports techniques et financiers, mais nous avons une indépendance éditoriale vis-à-vis de ces deux chaînes. Nous avons nos productions propres, nous avons nos conférences de rédaction, on décidera nous-même de façon complètement indépendante de nos sujets. »
À Dakar, la rédaction de ZOA est constituée de dix journalistes de cinq nationalités du continent, comptant autant d’hommes que de femmes. « La moyenne d’âge est de 28 ans, confie dans un sourire Kaourou Magassa, c’est pour dire que nous aussi, nous sommes des jeunes africains. Cela n’est pas qu’une volonté de parler à des jeunes africains : nous aussi, nous sommes jeunes, et on a envie de raconter ça. » Cette équipe travaille avec un réseau de correspondants situés dans 11 pays. « C’est très important d’être au plus près des populations, estime le rédacteur-en-chef, et au plus près de leurs histoires. »



