Manifestations à Madagascar: le président Andry Rajoelina annonce renvoyer tout son gouvernement

Le président Andry Rajoelina a annoncé lundi renvoyer tout son gouvernement lors d’une allocution télévisée tenue après des jours de manifestations au cours desquels au moins 22 personnes ont été tuées, d’après l’ONU.
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Dans un discours de 17 min, en veste sombre, les ors de la République derrière lui, Andry Rajoelina annonce avoir entendu la jeunesse, et limoge son premier ministre et son gouvernement, rapporte notre correspondante à Madagascar, Sarah Tétaud. Il commence son allocution : « Je compatis avec ceux qui ont perdu un membre de leur famille et souhaite bon rétablissement aux blessés. Et je compatis avec ceux qui ont été pillés et ont perdu leurs biens. »
Puis, s’adressant à la jeunesse en colère, il déclare : « J’ai écouté vos voix, vos demandes. Et je m’excuse s’il y a des membres du gouvernement qui n’ont pas fait le travail que le peuple attendait […]. Suivant l’article 54 de la Constitution, j’ai décidé de mettre fin aux fonctions du Premier ministre et du gouvernement », a déclaré le président malgache à la télévision nationale. « En attendant la nomination du nouveau gouvernement, ceux qui sont en place assureront l’intérim. Durant les trois prochains jours, nous allons recevoir les propositions de noms de Premier ministre. Ensuite, après sa nomination, un délai lui sera imparti pour la composition de son gouvernement.
« Nous allons construire un gouvernement qui travaillera pour le peuple, et qui accélèrera les travaux pour aider le peuple », continue le président. « Donc pour ceux qui veulent servir le pays, loin de la corruption, pour ceux qui veulent le bien du peuple, qui ont les compétences requises pour mener certains départements ministériels, je vous invite, vous chaque Malagasy, à postuler, déposer vos CV, au palais d’État d’Ambohitsorohitra. Il y aura aussi un service par mail et par LinkedIn pour ceux qui sont à l’étranger. »
Au cours de son allocution, le chef de l’État a également promis que les sociétés victimes de vandalisme seraient aidées. « Des prêts à taux zéro et des subventions prises en charges par l’État » a-t-il assuré parmi d’autres annonces.
Sur les réseaux sociaux, la Génération Z a fait savoir dans la nuit qu’elle était « grandement déçue ». « Le président ne s’est pas excusé et n’a pas non plus endossé la responsabilité des violences commises par la gendarmerie », explique-t-elle. Un nouvel appel à manifestation a été lancé pour ce matin.
Ce lundi dans la journée, plusieurs milliers de jeunes se sont réunis pour une troisième journée de mobilisation aux abords de l’Université d’Ankatso, dans l’est de la capitale Antananarivo, pour de nouveau protester contre les coupures d’eau et d’électricité et pour le respect des libertés fondamentales. Mobilisés depuis jeudi, les revendications dépassent désormais le ras-le-bol initial qui s’exprimait contre les coupures d’eau et d’électricité. Un des mots d’ordre affichés dorénavant par le collectif Gen Z qui appelle à manifester est « Miala Rajoelina ». Les villes de Diego-Suarez, Antsirabé et Fianarantsoa ont aussi été le théâtre de manifestations étudiantes.
Ce mardi matin, le mouvement Gen Z appelait à une nouvelle mobilisation en fin de matinée et a rappelé ses revendications, qu’ils demandaient la démission d’Andry Rajoelina, du président du Sénat et le jugement de Mamy Ravotomanga, homme d’affaires ultra-puissant, considéré par la Gen Z comme « le fossoyeur de Madagascar ». « C’est ensemble que nous vaincrons la dictature », écrivent-ils sur Facebook.
Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme se dit « choqué » de la répression
Quelques heures auparavant, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Volker Türk s’est dit « choqué par la réponse violente » aux manifestations à Madagascar, où « au moins 22 personnes ont été tuées et plus d’une centaine d’autres blessées » selon cette organisation onusienne. Cette information a toutefois été fermement démentie lundi soir par le ministère des Affaires étrangères, qui n’a cependant pas annoncé de bilan officiel. Selon le communiqué du Haut-Commissariat, des manifestants ainsi que des passants ont été tués par les forces de sécurité, certains officiers ayant utilisé des balles réelles, dans une violente répression qualifiée de « non-nécessaire et disproportionnée ».
Le texte précise que les forces de l’ordre ont également eu recours à des gaz lacrymogènes. D’autres manifestants ont eux été arbitrairement arrêtés ou encore frappés. En marge des rassemblements, d’autres personnes auraient été tués dans des violences et des pillages généralisés, qui n’ont aucun lien avec les revendications des contestataires.
Depuis jeudi, des milliers de jeunes sont descendus dans la rue à l’appel du collectif Gen Z. Ils protestent contre les nombreuses coupures d’eau et de courant et, depuis ce lundi, demandent la démission du président Andry Rajoelina.
Le Haut commissaire aux droits de l’Homme exhorte : « les autorités à garantir le respect des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique ». Volker Türk demande également aux autorités de mener au plus vite des enquêtes « approfondies, indépendantes et transparentes » sur les violences pour traduire les responsables devant la justice.
De son côté, le gouvernement malgache limogé a tenu « à démentir fermement les informations selon lesquelles 22 personnes auraient perdu la vie lors des récentes manifestations liées aux coupures d’eau et d’électricité. Aucun chiffre officiel ne corrobore ce bilan […]. Le gouvernement invite les organismes internationaux à faire preuve de la plus grande vigilance face aux rumeurs et campagnes de désinformation afin d’éviter toute amplification de contenus non confirmés. »



