Seychelles : Présidentielle – Wavel Ramkalawan brigue un second mandat

Aux Seychelles, près de 73 000 électeurs sont appelés à voter ce samedi 27 septembre pour élire leur président et renouveler l’Assemblée nationale. Le scrutin, qui a déjà commencé le 25 septembre avec un vote anticipé pour les personnes âgées, les travailleurs essentiels et les habitants des îles éloignées, met aux prises huit candidats, dont le président sortant Wavel Ramkalawan. Cinq ans après avoir créé la surprise en battant le parti historique au pouvoir depuis l’indépendance, il brigue un second mandat à la tête de l’archipel de l’océan Indien.
En 2020, Wavel Ramkalawan, ancien prêtre anglican et chef du parti d’opposition Linyon Demokratik Seselwa (LDS), avait mis fin à plus de quarante ans de domination du parti unique — le Seychelles People’s Progressive Front (SPPF), devenu ensuite Parti Lepep puis United Seychelles (US). Sa victoire avait marqué une rupture politique majeure et ouvert la voie à un multipartisme plus compétitif.
« La victoire de Ramkalawan en 2020 a démontré la vitalité du multipartisme aux Seychelles », rappelle Alex Vines, directeur du programme Afrique au Conseil européen des relations étrangères (ECFR). « Cette élection sera un test de son premier mandat et de la façon dont les électeurs jugent son action ».
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Un bilan économique solide et des fractures sociales persistantes
Depuis son arrivée au pouvoir, Wavel Ramkalawan a mis en avant son bilan économique. Le pays a rebondi après la pandémie de Covid-19 grâce au tourisme, pilier de l’économie nationale. Plus de 380 000 visiteurs sont attendus cette année, un record selon les chiffres officiels de l’Office du tourisme, contre 114 000 seulement en 2020, au plus fort de la crise sanitaire.
Cette reprise a permis de réduire l’inflation, passée sous le seuil de 2 %, et de contenir la dette publique, une action saluée par le Fonds monétaire international (FMI). « Le gouvernement a su gérer sa relance post-Covid de façon exemplaire », souligne Alex Vines.
Mais derrière ces bons chiffres, les tensions sociales restent vives. Les adversaires du président dénoncent une vie chère qui pèse sur le quotidien des ménages, une corruption persistante et le trafic de drogue. La consommation d’héroïne toucherait jusqu’à 10 % de la population, un taux parmi les plus élevés au monde.
Son principal rival, Patrick Herminie, chef du United Seychelles (US), l’ex-parti unique, a axé sa campagne sur ces thèmes. Ancien président de l’Assemblée nationale et médecin de formation, il critique « un pouvoir qui a oublié les plus modestes » et promet d’annuler un projet hôtelier très controversé.
La polémique de l’île Assomption
Au coeur de la campagne, un projet d’infrastructure hôtelière sur l’île Assomption, louée pour 70 ans à des investisseurs qataris. L’île se situe à seulement 40 km de l’atoll d’Aldabra, classé au patrimoine mondial de l’Unesco et abritant la plus grande population de tortues géantes au monde.
Des images montrant des engins de chantier et une tortue blessée ont circulé sur les réseaux sociaux, suscitant une vague d’indignation et devenant le symbole de la contestation environnementale. Patrick Herminie promet de résilier le contrat, dénonçant « une menace directe pour la biodiversité ».
La protection des ressources marines est un autre enjeu majeur pour l’archipel. La pêche au thon, secteur vital pour l’économie, souffre de la concurrence des navires étrangers et de la pêche illégale.
Au-delà des enjeux domestiques, Wavel Ramkalawan a réaffirmé sa volonté de défendre la neutralité de son pays dans un océan Indien où se croisent les ambitions de l’Inde, de la Chine et des pays du Golfe. « Nous disons : gardez vos rivalités pour vous. Les navires français, américains, indiens ou chinois sont tous les bienvenus », a-t-il déclaré récemment.
Pour Alex Vines, cette position illustre « une diplomatie à la carte, qui permet aux Seychelles d’attirer des investissements tout en évitant de se retrouver alignées sur une seule puissance ».
Un test pour le multipartisme
Au total, huit candidats briguent la présidence et 125 se présentent pour les 35 sièges de l’Assemblée nationale. Le LDS, qui dispose aujourd’hui de 25 sièges, reste donné favori, mais pourrait perdre un ou deux élus. L’opposition espère, elle, regagner du terrain après avoir perdu six sièges en 2020.
Pour Alex Vines, « contrairement à d’autres pays africains où la démocratie recule, les Seychelles offrent un exemple de multipartisme qui se consolide ». Selon lui, l’enjeu porte moins sur la réélection probable de Ramkalawan que sur l’équilibre futur du Parlement.
La Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et l’Union africaine ont dépêché des missions d’observation électorale. Si aucun incident majeur n’est attendu, le scrutin servira de baromètre pour mesurer la confiance des électeurs envers leurs institutions.
« Ce vote est important, conclut Alex Vines, car il rappelle qu’il existe des trajectoires démocratiques positives sur le continent, même dans de petits États insulaires comme les Seychelles ».



