Sénégal: Téléphones bannis à l'école – Entre approbation et inquiétudes des parents

Désormais, les téléphones portables ne seront plus admis au sein des établissements scolaires du Sénégal. Le ministre de l’Éducation nationale a annoncé, le 21 septembre dernier, que cette interdiction sera effective dès la rentrée 2025-2026, aussi bien pour les élèves du public que du privé, conformément aux dispositions du règlement intérieur. Dans la société, les avis demeurent partagés entre inquiétude et approbation face à cette décision, qui vient renforcer une mesure déjà appliquée lors des examens scolaires, tels que le BFEM et le Baccalauréat. Concernant le développement psychique des enfants, la mesure est jugée salutaire et rejoint l’appel réitéré des professionnels de santé en faveur d’une limitation de l’usage du téléphone chez les jeunes.

De nombreux spécialistes alertent en effet sur les méfaits du téléphone portable à l’école qui sont essentiellement la baisse de la concentration, l’entrave au développement de l’esprit critique, les difficultés de socialisation.

Dans le champ éducatif, médecins et psychologues soutiennent l’existence d’un lien entre l’usage excessif de ces outils et le bien-être ainsi que l’apprentissage. Plusieurs organisations médicales recommandent de réduire l’exposition aux appareils numériques dans la mesure où ils interfèrent avec des comportements favorables à la santé.

Les résultats de la dernière enquête PISA (Programme for International Student Assessment est une évaluation internationale menée tous les trois ans par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), évaluant les compétences des jeunes de 15 ans dans 81 systèmes éducatifs, indiquent que le temps consacré aux smartphones et autres appareils numériques à des fins récréatives à l’école est fortement corrélé aux performances scolaires.


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Au Sénégal, l’usage excessif du téléphone est perçu comme un facteur aggravant de la désorientation et de la distraction des jeunes. Dans les établissements, le niveau des enseignements et apprentissages s’en ressent fortement. Les résultats aux examens de fin de cycle deviennent chaque année plus préoccupants. Même si l’usage du téléphone portable n’explique pas seul cette dégradation, il y a largement contribué.

Face à ce constat, le ministère de l’Éducation a pris la décision d’interdire strictement le téléphone dans tous les établissements, publics et privés, tout en maintenant l’usage pédagogique des outils numériques tels que tablettes, ordinateurs ou liseuses, sous la responsabilité des équipes éducatives, conformément à la Stratégie du numérique pour l’éducation. Aucune dérogation n’est tolérée, sauf sous certaines conditions, a précisé le ministre Moustapha Guirassy, qui observe que « l’usage incontrôlé du téléphone portable compromet les missions essentielles de l’école en détournant les élèves de l’apprentissage, en affaiblissant leur concentration et en les exposant à des pratiques contraires aux valeurs éducatives ». Si l’introduction maîtrisée du numérique dans le cadre scolaire peut améliorer les résultats, l’usage récréatif des smartphones demeure un frein manifeste à l’apprentissage.

L’enquête PISA note aussi que la distraction numérique affecte directement les performances : « Les élèves qui déclarent avoir été distraits pendant au moins quelques cours de mathématiques par leurs camarades utilisant des appareils numériques obtiennent des résultats bien plus faibles que les autres, et cet écart équivaut aux trois quarts des acquis d’une année scolaire.

Le temps consacré à ces distractions, notamment lorsqu’il dépasse une heure par jour, entraîne une baisse significative des résultats en mathématiques. » Les données internationales confirment la tendance : 58 % des élèves en France déclarent avoir été distraits en cours de mathématiques, contre 65 % en moyenne dans l’OCDE, et plus de 80 % en Argentine, au Brésil, au Canada, au Chili, en Finlande, en Lettonie, en Mongolie, en Nouvelle-Zélande et en Uruguay.

Si aucune enquête d’envergure n’a encore été menée au Sénégal, les professionnels de santé ne cessent d’alerter sur les risques liés à l’usage prolongé des téléphones, susceptibles de provoquer des retards de développement psychique.

Afin d’assurer l’application effective de cette mesure, le ministre Guirassy a précisé dans son communiqué : « En vue d’assurer l’effectivité de cette mesure, chaque établissement, si nécessaire, aura le soin de définir sa propre stratégie de rangement des téléphones portables dès l’entrée dans l’espace scolaire. » Il a ajouté que « des exceptions strictement encadrées demeurent possibles », notamment pour les élèves en situation de handicap ou atteints de troubles de santé invalidants nécessitant l’usage d’un dispositif médical de communication. Une tolérance reste également prévue lorsqu’un enseignant, dans le cadre d’une activité pédagogique définie, autorise explicitement l’usage des téléphones, en particulier dans la perspective de l’intégration progressive de l’intelligence artificielle dans les pratiques d’enseignement et d’apprentissage.

Les parents face à la décision

Depuis la publication de l’arrêté ministériel, les parents demeurent partagés. Certains approuvent la mesure, d’autres expriment leurs inquiétudes quant à son application. Une majorité d’élèves possède en effet des téléphones, souvent utilisés à l’école pour des travaux de recherche. Aïssata Dieng, habitante du quartier des HLM, observe : « Les enfants sont devenus accro aux téléphones. Ils commencent à les utiliser dès le primaire et pendant de longues heures. Cette situation nuit à leur santé. Il est difficile pour nous, parents, de contrôler nos enfants face aux téléphones. Si ce n’est pas à la maison, ils s’en servent par l’entremise de leurs amis. Aujourd’hui que l’interdiction est officielle, ils pourront se concentrer sur leurs études et les parents auront moins de sollicitations dans ce sens. »

D’autres voix, en revanche, expriment leur appréhension. Mariétou Ndiaye, également habitante du quartier HLM, s’interroge : « La plupart des enfants vont à l’école loin de leur résidence. Les parents ont besoin de joindre leurs enfants, de les surveiller mais aussi d’interagir avec eux en cas d’urgence. Si leur téléphone est hors service à l’école, comment allons-nous nous en sortir ? »

Ainsi, la décision ministérielle, si elle est globalement saluée pour ses vertus éducatives et sanitaires, continue néanmoins de soulever des interrogations pratiques quant à sa mise en œuvre.

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