Afrique: La santé mentale – Un défi mondial aux lourdes conséquences humaines

Le 2 septembre 2025, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a annoncé, dans un communiqué publié sur son site officiel, que plus d’un milliard de personnes souffrent de troubles de santé mentale à travers le monde. Des affections comme l’anxiété et la dépression entraînent, selon l’agence onusienne, des répercussions humaines et économiques considérables.
Si plusieurs pays ont déjà renforcé leurs politiques et programmes en la matière, l’OMS souligne qu’il reste indispensable d’accroître les investissements et les actions à l’échelle mondiale afin de garantir un accès généralisé aux services de prévention, de protection et de promotion de la santé mentale.
Qu’est-ce que la santé mentale ?
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Selon l’OMS, « la santé mentale correspond à un état de bien-être qui nous permet de faire face aux sources de stress de la vie, de réaliser notre potentiel, de bien apprendre et de bien travailler, et de contribuer à la vie de la communauté ».
À la lecture de cette définition, on pourrait penser que la question de la santé mentale ne soulève pas d’inquiétude particulière. Pourtant, la réalité est tout autre. Parler de santé mentale conduit nécessairement à s’intéresser aux troubles qui y sont liés. Dans son rapport de l’année en cours, l’OMS indique que de nombreuses personnes à travers le monde sont touchées par des maladies telles que l’anxiété et la dépression.
Outre l’OMS, d’autres institutions comme la Banque mondiale et l’Institut d’Études de Sécurité ont mené des enquêtes sur la question. Toutefois, leurs rapports ne donnent pas de chiffres précis sur le nombre de personnes souffrant de troubles mentaux en Afrique.
Quid de la santé mentale en Afrique ?
Si le rapport de l’OMS ne fournit pas de données chiffrées pour l’Afrique, certaines estimations existent. En 2021, 3,8 % des Africains souffraient d’anxiété, 4,4 % de dépression, 0,2 % de schizophrénie, 0,7 % d’autisme et 0,5 % de troubles bipolaires.
Dans son rapport 2024 World Mental Health Today : Latest Data publié en septembre 2025, l’OMS observe que l’Afrique est globalement moins touchée que d’autres continents. En revanche, les troubles de santé mentale sont plus répandus dans les pays développés, notamment en Europe et en Amérique.
La santé mentale en RD Congo, au Maroc et au Burkina Faso…
Selon un article de DW Afrique publié le 12 août 2025, près de 20 millions de personnes souffrent de troubles mentaux en République démocratique du Congo. Autrement dit, un Congolais sur cinq serait concerné.
Le professeur Josué Ozowa Latem , psychothérapeute et consultant au centre de santé mentale Telema de Kinshasa, explique :
« Les causes sont multiples : parfois physiques, comme une malaria mal soignée ou les séquelles d’un accident. Mais la plupart sont d’ordre psychologique et social. Les gens ont des ambitions, des rêves, mais les années passent et ils n’arrivent pas à les réaliser. Les tensions familiales, les ruptures amoureuses, la perte d’un proche, l’insécurité, le chômage… tout cela mine l’esprit. »
Au Maroc, selon Africa 24 (octobre 2024), environ 48 % des patients atteints de troubles mentaux n’ont pas accès à des services spécialisés, ce qui souligne l’urgence de renforcer les infrastructures.
Au Burkina Faso, le ministre de la Santé, Robert Lucien Jean-Claude Kargougou , déclarait qu’une étude avait révélé que 33 % de la population présentait des troubles mentaux. En Côte d’Ivoire, 22 % de la population était touchée au premier semestre 2024, principalement par l’anxiété et la dépression. Malgré l’existence de centres spécialisés à Abidjan, l’accès aux soins demeure limité dans les zones rurales, affectant gravement les populations les plus vulnérables.
L’accès aux soins : un défi persistant
L’accès aux soins pour les personnes atteintes de troubles mentaux reste un problème majeur. Dans son rapport de 2022 intitulé Transformer la santé mentale pour tous , l’OMS soulignait que le capital humain disponible est insuffisant, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où l’on compte en moyenne un psychiatre pour 200 000 habitants, voire davantage.
Au Sénégal, ce ratio dépassait un psychiatre pour 400 000 habitants, selon Ouestaf (août 2024). Dans cet article, la professeure Aïda Sylla, de l’hôpital de Fann à Dakar, rappelait que si les malades mentaux bénéficiaient de soins adaptés et d’un cadre social approprié, ils ne seraient plus contraints de vivre dans la rue, situation qui illustre les failles et insuffisances de la prise en charge de la santé mentale au niveau national.
Un enjeu vital
L’OMS souligne que « le suicide reste une conséquence dramatique de certains troubles mentaux ». En 2021, environ 727 000 personnes se sont suicidées dans le monde. Le suicide figure ainsi parmi les principales causes de décès chez les jeunes, quel que soit le contexte socio-économique.
Malgré les efforts consentis, les progrès réalisés pour réduire la mortalité par suicide restent trop limités pour atteindre l’Objectif de développement durable (ODD) des Nations unies, qui prévoit une réduction d’un tiers des taux de suicide d’ici 2030. Si la tendance actuelle se maintient, la baisse ne sera que de 12 % d’ici cinq ans.
Il est donc crucial que les autorités cessent de minimiser cette réalité qui touche toutes les sociétés. Des moyens supplémentaires doivent être mobilisés, qu’il s’agisse de personnel soignant, d’infrastructures adaptées ou de traitements accessibles.