Cameroun: Présidentielle – Unies, les forces d'opposition peuvent-elles évincer Paul Biya?

À quelques jours du démarrage officiel de la campagne électorale le 27 septembre, les adversaires du locataire du palais de l’Unité, candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), sont à la recherche d’une figure politique fédératrice. Avec l’espoir d’une victoire de l’opposition à l’élection du 12 octobre prochain. Ce scénario divise pourtant optimistes et sceptiques au Cameroun.

C’est peu dire que sa position était très attendue sur le sujet. À en croire Maurice Kamto, dans un communiqué rendu public le 18 septembre, et devenu viral, « si les 11 candidats de l’opposition décidaient de se mettre tous derrière l’un d’entre eux, parmi les plus expérimentés politiquement et dans la gestion de l’État, face au candidat du RDPC, il pourrait s’enclencher une dynamique populaire irrésistible qui rendrait la victoire inéluctable. À défaut d’un alignement derrière un candidat unique, une coalition de plusieurs candidats de poids pourrait susciter un grand espoir et déclencher une dynamique politique comparable », affirme l’homme politique investi par le Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem), mais dont la candidature à l’élection présidentielle du 12 octobre a été recalée par le Conseil constitutionnel.

Cette sortie vient conforter les partisans d’une « candidature unique », ou « candidature consensuelle » des forces d’opposition, comme facteur décisif de la victoire des adversaires de Paul Biya, 92 ans, dont 43 de magistrature suprême, porte-étendard du RPDC. Le sujet semble obséder citoyens et politiques, au point de s’être imposé dans les débats en cours.

Pour le moment, seul Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre et porte-parole du gouvernement, président du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC) a été désigné « candidat consensuel » de l’opposition par le « groupe de Douala », qui réunit des leaders de formations politiques de faible poids, et ne présentant aucun candidat à la prochaine élection, depuis la disqualification controversée de Maurice Kamto. Il n’est pas sûr qu’il rallie l’ensemble des dix autres candidats devant affronter le candidat du RDPC.


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Garantie de succès électoral ?

À supposer que, par extraordinaire, les forces d’opposition finissent par faire chorus autour d’une figure politique pour l’élection du 12 octobre, au Cameroun, la question de la défaite de Paul Biya, du simple fait de l’existence d’une « candidature unique », relève-t-elle pour autant d’une équation aussi simple ? Certains analystes tablent sur un consensus sur les idées, à l’instar de Dieudonné Essomba. « La seule stratégie qui peut battre Biya est l’agrégation des forces du changement autour d’un programme mobilisateur dans lequel chaque communauté au Cameroun se retrouve », assène le statisticien économiste qui ne cache pas son soutien à Joshua Osih, candidat du Social Democratic Front (SDF), orphelin de John Fru Ndi, lequel fut, de son vivant, plusieurs fois candidat malheureux aux élections présidentielles depuis 1992.

Nombreux sont pourtant ceux qui doutent qu’une candidature unique de l’opposition lui garantisse un succès électoral. « Les forces d’opposition parviendront-elles à s’entendre pour mutualiser les moyens afin d’avoir quelque contrôle que ce soit dans la surveillance du vote et à peser dans le processus de production des résultats ? », s’interroge, sceptique, Désiré Nyéla, professeur au département d’études françaises de l’université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse (Canada). Autrement dit, même avec un candidat unique, l’opposition ne maîtriserait pas pour autant le processus électoral et ne pourrait pas forcément empêcher une éventuelle manipulation du scrutin.

Plus tranché se veut le politologue Manassé Aboya, marqué RDPC : « Le tapage médiatique sur la candidature unique de l’opposition cache une difficulté réelle et évidente à renverser le président Paul Biya dont le parti est déjà en état d’alerte maximum pour un maillage territorial incontestable, en attendant le 12 octobre prochain. Surtout que le président Paul Biya sait plus que quiconque que l’élection présidentielle se déroule sur le terrain, en marquant de près les militants, en ralliant les électeurs indécis et en séduisant les électeurs à la recherche des projets de société cohérents et au ras du sol des préoccupations des Camerounais », assure le doyen de la faculté des sciences juridiques et politiques de l’université d’Ebolowa, dans le sud du pays.

Guerre d’ego

Quoi qu’il en soit, l’unité de l’opposition autour d’un seul candidat est loin d’être acquise. « Entre conflits d’intérêts, atermoiements stratégiques, conflits de générations, ego surdimensionnés, la quête solitaire, l’équation personnelle et l’habitus de la défection, l’opposition camerounaise réduit considérablement ses chances de réaliser l’alternance présidentielle au Cameroun dans une configuration politique où la sociologie électorale lui est suffisamment défavorable », analyse de son côté le politologue Aristide Menguele du département des sciences juridiques et politiques de l’université de Douala.

Depuis le retour au multipartisme en 1990, les élections présidentielles ont été l’occasion pour les forces d’opposition de tenter de dégager un « candidat unique » face à Paul Biya, dans l’espoir d’évincer ce dernier du pouvoir. Sans y parvenir. En 1992, John Fru Ndi, leader du SDF, fut le candidat de l’Union pour le changement, une coalition de partis politiques et d’associations de la « société civile », et fut classé deuxième avec 35,9% des suffrages, derrière le président national du RDPC, crédité d’un score de 39,9%, selon les chiffres officiels validés par la Cour suprême.

Douze ans plus tard, Adamou Ndam Njoya fut désigné candidat de la Coalition nationale pour la reconstruction et la réconciliation, [qui rassemblait quelques formations politiques de peu d’envergure et quelques leaders d’opinion, NDLR], et s’en tira officiellement avec 4,48 % des voix, se contentant de la troisième place après John Fru Ndi (17, 40 %) et Paul Biya (70,92 %). L’histoire va-t-elle se répéter ?

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