Cote d'Ivoire: Dr Constantin Dabiré, Pdg de la Sa2if – 'Nous avons trouvé un écosystème financier robuste au pays

Un séminaire international dédié aux institutions financières se tiendra, les 22 et 23 septembre, à Abidjan. L’un des initiateurs dévoile le contexte.
Question pédagogique pour commencer, qu’est-ce que la Bourse ?
La Bourse est un espace où se rencontrent ceux qui recherchent de ressources pour développer leurs projets et ceux qui souhaitent investir leur épargne. Ce marché organisé permet l’échange de titres financiers, comme les actions (parts du capital d’une entreprise) ou les obligations (dettes émises par une entreprise ou un État). Dans le contexte de l’Uemoa, la Bourse joue un rôle clé en mobilisant l’épargne locale et internationale pour financer les entreprises et les gouvernements, stimulant ainsi la croissance économique, la création d’emplois et l’intégration régionale. En somme, la Brvm est un marché particulier qui contribue à la mobilisation de capitaux, au financement du développement, à l’intégration régionale et à la modernisation de la gouvernance des entreprises et États de l’Uemoa.
C’est un marché particulier, comme vous le dites, mais avec des acteurs différents. Des entreprises et des particuliers. Que gagne chacun sur ce marché ?
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Chaque acteur poursuit des objectifs spécifiques différents les uns des autres et donc des gains différents. Pour les entreprises, la Bourse offre une alternative flexible au crédit bancaire en leur permettant de lever des fonds via l’émission d’actions ou d’obligations. Ces ressources financent des projets d’expansion, l’augmentation de la production ou l’entrée sur de nouveaux marchés, tout en renforçant leur notoriété et leur crédibilité. Par exemple, une introduction en Bourse peut générer des levées de fonds allant jusqu’à plusieurs milliards de FCfa, permettant une croissance accélérée sans endettement excessif. Pour les investisseurs (particuliers, institutions ou États), la Bourse est une opportunité de faire fructifier leur capital à travers des dividendes (pour les actions) ou des gains liés à la détention des titres financiers. En clair, les entreprises gagnent des moyens pour croître, et les investisseurs obtiennent un potentiel de rendement attractif, souvent supérieur à 5 ou 10% annuel en moyenne sur les marchés émergents comme la Brvm, bien que cela varie selon les secteurs et la maîtrise de gestion des actifs financiers. Du côté des États, la Bourse constitue un levier important pour financer les projets publics, les infrastructures et les programmes de développement économique.
Question pratique, je suis un citoyen et je m’intéresse à la Bourse, comment dois-je procéder pour commencer à y investir ?
Investir en Bourse est accessible et simple. La première étape est de contacter une Société de gestion et d’intermédiation (Sgi), qui agit comme un intermédiaire agréé. La Sgi ouvrira un compte-titres, équivalent à un compte bancaire dédié aux investissements boursiers. Ensuite, il faut définir ses objectifs d’investissement boursier en fonction de son profil de risque, de la mise, de l’horizon des gains attendus : recherche de stabilité, spéculation, gains à long terme ou rendements plus élevés dans le court terme avec plus de risques. La Sgi proposera alors des actions, des obligations ou un portefeuille diversifié adapté au profil de l’investisseur. À la Société africaine d’ingénierie et d’intermédiation financières (Sa2if), par exemple, il suffit de fournir une pièce d’identité, deux photos et un capital minimum de 68 000 FCfa pour débuter. Avec cette somme, vous pouvez investir dès l’ouverture de votre compte, prouvant que la Bourse est à la portée de tous.
La Brvm est le marché boursier de l’Uemoa, comment se porte-t-elle ?
La Bourse régionale des valeurs mobilières (Brvm) est une réussite unique, regroupant les 8 pays de l’Uemoa dans un marché commun. Avec 48 sociétés cotées actuellement, elle attire un nombre croissant d’investisseurs internationaux. Malgré les fluctuations liées aux crises économiques, aux variations des matières premières ou aux tensions géopolitiques, la Brvm affiche une résilience remarquable et une croissance constante. Sa capitalisation boursière pour les actions s’élève à environ 12 402 milliards de FCfa, tandis que celle des obligations atteint 10 913 milliards de FCfa. Ces chiffres soulignent sa dynamique, en faisant d’elle l’un des marchés les plus performants d’Afrique, reflétant la solidité des entreprises cotées et la confiance des investisseurs.
Quel est l’avantage d’avoir un marché régional, à la différence des marchés comme les Bourses de Paris ou de New York ?
Un marché régional comme la Brvm offre l’avantage de la mutualisation des ressources économiques des 8 pays de l’Uemoa. Plutôt que des Bourses nationales fragmentées, elle crée une plateforme unifiée, plus attractive pour les investisseurs étrangers, avec une liquidité accrue et une plus grande profondeur de marché. De plus, elle favorise l’intégration économique en permettant aux entreprises de l’Uemoa (ivoiriennes, sénégalaises, burkinabè, etc.) de lever des fonds auprès d’un large éventail d’investisseurs, renforçant ainsi l’union économique et financière de la région. À titre d’illustration, cette mutualisation a permis une croissance de la capitalisation boursière de plus de 20% en moyenne annuelle ces cinq dernières années, surpassant souvent les performances isolées de marchés nationaux plus petits.
Quels sont les principaux risques associés à l’investissement en Bourse ?
Investir en Bourse via des actions ou des obligations offre des opportunités de rendements élevés, mais comporte des risques comme tout investissement qu’il est donc essentiel de relever. L’un des risques est le risque de fluctuation du cours des titres en raison de la variation des performances des entreprises due à des facteurs exogènes ou spécifiques à celles-ci. Le risque de liquidité touche surtout les petites capitalisations, difficiles à revendre rapidement sans affecter leur prix. Spécifiquement aux titres obligataires, considérés comme moins risqués, il y a le risque de crédit. Le risque de crédit survient lorsque l’émetteur (entreprise ou État) fait défaut de paiement, notamment le remboursement du capital et le paiement des intérêts. Ces risques évoqués ne sont pas exhaustifs, cependant, ils peuvent être atténués afin de minimiser les pertes financières grâce à une diversification intelligente du portefeuille, un accompagnement par une Sgi et une stratégie d’investissement à long terme. Il est à noter que l’autorité des marchés financiers prend des dispositions nécessaires par un filtrage rigoureux des émetteurs dans l’optique de protéger les épargnants de certains risques.
Quelle est la relation entre risque et rendement ?
En finance, risque et rendement sont intimement liés : un rendement élevé implique souvent un risque plus important, tandis que les placements les plus sûrs offrent des gains plus modestes. Les investisseurs doivent donc trouver un équilibre entre leurs ambitions financières et leur tolérance au risque. Par exemple, les obligations d’État sont plus sécurisées mais moins rentables, tandis que les actions de croissance, plus volatiles, offrent un potentiel de gain plus élevé. Une évaluation rigoureuse de son profil de risque est essentielle avant tout investissement. Des données historiques de la Brvm montrent que les actions à haut risque ont généré des rendements moyens de 10 à 20% sur 5 ans, contre 6 à 8% pour les obligations, illustrant parfaitement cette corrélation.
Pensez-vous que nos populations ouest-africaines ont une culture financière ?
La culture financière reste limitée dans l’Uemoa où beaucoup privilégient des solutions traditionnelles comme les tontines ou l’épargne non rémunérée. Ces pratiques limitent la valorisation du capital. Cependant, une prise de conscience émerge, portée par les efforts de sensibilisation de la Brvm, des Sgi et des institutions financières. De plus en plus de jeunes, d’entrepreneurs et de membres de la diaspora s’intéressent à la Bourse. À la Sa2if, nous contribuons à cette évolution via des formations ouvertes au public et un forum annuel qui propose des recommandations pour dynamiser le marché. Des enquêtes régionales révèlent que seulement 10 à 15% des adultes en Afrique de l’Ouest ont une éducation financière de base, mais ce taux a sans doute augmenté grâce aux campagnes, indiquant un progrès notable vers une adoption plus large.
Vous êtes une société burkinabè qui s’installe en Côte d’Ivoire, quel mécanisme permet cela ?
L’installation de la Sa2if en Côte d’Ivoire est facilitée par le cadre réglementaire harmonisé de l’Uemoa, supervisé par l’Autorité des marchés financiers (Amf-Umoa). Une Sgi, agréée dans un pays membre, peut opérer dans un autre État de l’union après avoir obtenu les autorisations nécessaires. Nous avons établi un bureau à Abidjan, avec une équipe dédiée pour accompagner les investisseurs locaux et régionaux, dans un processus rigoureux garantissant transparence et fiabilité. Ce mécanisme a permis, ces dernières années, à plus d’une dizaine de Sgi de s’étendre régionalement, favorisant une concurrence saine et une meilleure couverture des marchés.
Comment appréciez-vous l’environnement des affaires en Côte d’Ivoire et comment se déroulent vos premiers pas ?
La Côte d’Ivoire est l’une des puissances économiques de l’Afrique de l’Ouest, notamment la première de l’Uemoa, grâce à son secteur privé dynamique, ses réformes favorables aux affaires et sa stabilité relative. Nos premiers pas à Abidjan sont prometteurs : nous avons trouvé un écosystème financier robuste, des institutions bien structurées et une clientèle désireuse de solutions d’investissement modernes. Ces conditions renforcent notre ambition d’établir une présence durable dans le pays. Avec une croissance du Pib ivoirien estimée entre 6 et 7% en 2025, cet environnement attire des investissements étrangers, validant ainsi notre choix stratégique.