Référendum en Guinée: la campagne électorale touche à sa fin sans débats

La campagne électorale pour le référendum constitutionnel s’achève jeudi 18 septembre au soir. Ce dimanche 21 septembre, 6,7 millions d’électeurs sont appelés à se prononcer pour ou contre la nouvelle loi fondamentale. Ce référendum est une étape indispensable au retour à l’ordre constitutionnel, quatre ans après le coup d’État du général Mamadi Doumbouya contre son prédécesseur, le président Alpha Condé.
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Si le président de transition Mamadi Doumbouya a toujours affirmé vouloir une Constitution « qui ressemble et rassemble les Guinéens, sans être un copier-coller » des lois fondamentales précédentes, le nouveau texte conserve toutefois leur esprit général.
Ainsi, s’il est adopté, la structure de l’État et la répartition des pouvoirs resteront sensiblement les mêmes, à l’exception de deux nouvelles instances : un Sénat – dont un tiers des membres sera directement nommé par le chef de l’État – et une Cour spéciale de justice de la République, « compétente pour juger le président et les membres du gouvernement en cas de haute trahison, crimes et délits » commis durant leur mandat.
Le mandat présidentiel sera allongé à sept ans, renouvelable une fois et les candidats indépendants auront désormais le droit de se présenter aux élections présidentielles.
L’opposition dénonce un texte qui « garantit l’impunité du chef de l’État »
Dès la publication du texte en juillet, l’Alliance nationale pour l’alternance et la démocratie (Anad), principale coalition d’opposition, a exigé la suppression de son article 74 qui stipule que « les anciens présidents jouissent d’une immunité civile et pénale pour les actes accomplis dans l’exercice régulier de leur fonction ».
Pour l’Anad, cet article « garantit l’impunité » du chef de l’État avant tout, d’autant qu’il vide de ses prérogatives la nouvelle Cour spéciale de justice de la République définies dans le même texte. Et alors même qu’une procédure est ouverte contre le président déchu Alpha Condé, exilé en Turquie, pour des accusations de crimes de sang commis sous sa mandature. Il pourrait échapper aux poursuites avec la nouvelle Constitution.
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Un scrutin pour maintenir Mamadi Doumbouya au pouvoir ?
Le président de transition a plusieurs fois répété que ni lui ni aucun de ses collaborateurs militaires ou civils n’auront le droit de se présenter à quelque scrutin que ce soit. Cet engagement est également inscrit noir sur blanc sur la charte de la transition signée par le général Doumbouya.
Pourtant, depuis l’an dernier, les membres de la junte comme du gouvernement soutiennent explicitement sa candidature à la future présidentielle, et cela, à grand renfort d’affiches, de meetings et d’événements populaires.
L’opposition et une partie de la société civile voient dans le référendum un moyen de garder légalement le militaire à son poste. Le président de l’UFDG et première force d’opposition Cellou Dalein Diallo appelle ses militants au boycott du scrutin et pointe « une mascarade destinée à favoriser la commission d’un parjure et à légitimer un coup d’État […] Restez chez vous, car même si vous votez NON, votre vote sera compté comme un OUI ».
Une campagne électorale sans débat
Les débats sur le projet constitutionnel ont été fortement encadrés par la Haute Autorité de communication (HAC), le gendarme des médias. Dans ses consignes pour la couverture de la campagne, la HAC soulignait que « les organes audiovisuels privés doivent empêcher la propagande en faveur de l’une des tendances dans les émissions interactives pendant la campagne référendaire ».
Une règle dénoncée par le Syndicat des professionnels de presse de Guinée, alors que cela fait plus d’un an que les principales radios et télévisions privées nationales sont totalement fermées après décision du ministère de la Communication pour « non-respect du contenu des cahiers des charges ».
Dans le centre-ville de Conakry, les Guinéens réagissent au référendum et à la campagne qui l’a précédé
Les tenants du «Oui» et du «Non» s’organisent
Les acteurs politiques opposés à la junte n’organisent pas de meetings. Deux poids lourds, l’UFDG de Cellou Dalein Diallo et le RPG d’Alpha Condé sont toujours suspendus administrativement et n’ont pas le droit de mener des activités politiques. Regroupées au sein des Forces vives, ils appellent à boycotter le scrutin. Seul le Bloc libéral, à travers son président Faya Millimono, prend la parole sur le terrain, et il appelle à voter « Non ». Les autorités, elles, continuent de faire campagne pour le « Oui », dans les différentes préfectures de l’intérieur du pays.
Avec notre correspondant à Conakry, Tangi Bihan
En tournée dans la région de Kankan, en Haute-Guinée, le président du Conseil national de la transition, Dansa Kourouma, appelle le peuple à voter « Oui » au terme d’une transition qu’il estime inclusive. « Le “Oui”, c’est pour adopter la nouvelle constitution qui a été rédigée avec toutes les composantes de la vie nationale. Le “Oui”, c’est pour entériner tous les choix politiques, économiques et culturels qui ont été définis dans un processus de refondation convenu depuis le 5 septembre 2021. Le “Oui”, c’est pour marquer aussi le point de départ du processus de préparation des élections présidentielles, qui marqueront l’élection d’un nouveau président de la République, de manière démocratique, crédible et transparente », explique-t-il.
Les Forces vives, à l’inverse, appellent à boycotter le scrutin en dénonçant, précisément, un manque d’inclusion. Ses principaux leaders – Cellou Dalein Diallo, Alpha Condé, Sidya Touré de l’UFR, Ibrahima Diallo du FNDC, Abdoul Sacko des Forces sociales – se sont d’ailleurs exilés, alors qu’on est toujours sans nouvelles de Foniké Menguè et Billo Bah du FNDC, plus d’un an après leur disparition.
Faya Millimono rejette cet appel au boycott. Il estime qu’avec une forte participation, le « Non » peut l’emporter. « Si on comprenait l’enjeu de la même façon et si on choisissait de se mettre ensemble, je suis convaincu que la majorité écrasante des Guinéens peuvent suivre la consigne de vote en faveur du “Non” », estime-t-il.
Les Guinéens sont appelés aux urnes ce dimanche et la distribution des cartes d’électeurs se poursuit.