Un pêcheur sénégalais sauve 112 migrants abandonnés au large de Dakar


Mardi 16 septembre, au large de Dakar, un geste de solidarité a évité un drame : un pêcheur sénégalais a repéré une pirogue sans moteur, dérivant, à une dizaine de kilomètres des côtes, avec à son bord plus d’une centaine de migrants abandonnés par le capitaine. Grâce à son alerte, les autorités et la marine nationale ont pu intervenir pour secourir les 112 passagers, épuisés mais en vie. Ce sauvetage, s’il est exceptionnel, s’inscrit dans une réalité inquiétante : celle des migrations irrégulières croissantes depuis l’Afrique de l’Ouest vers l’Europe, toujours plus périlleuses.
Ce qui aurait pu être une nouvelle tragédie de la migration clandestine a été évité grâce à Moussa Diallo, un pêcheur sénégalais.
Un sauvetage in extremis
C’est en pleine mer que le pêcheur aperçoit la pirogue en détresse, à une dizaine de kilomètres des côtes. À bord, des dizaines de passagers affaiblis, sans moyen de propulsion. Selon les survivants, le capitaine avait quitté le bateau, laissant les migrants livrés à eux-mêmes. Moussa Diallo prévient aussitôt un autre pêcheur, qui contacte la gendarmerie. La marine nationale intervient rapidement et escorte l’embarcation jusqu’à la plage de Ouakam. Les 112 passagers, exténués mais vivants, ont été pris en charge par les autorités. L’un d’entre eux a dû être hospitalisé. Quelques personnes, dont des femmes, auraient toutefois réussi à s’enfuir avant l’interpellation.
D’après les premiers témoignages, les voyageurs avaient quitté la Gambie cinq jours plus tôt pour tenter de rejoindre l’archipel espagnol des Canaries, l’une des principales portes d’entrée de l’immigration clandestine en Europe. Les autorités cherchent à comprendre les circonstances exactes de ce voyage : qui a organisé le voyage ? Comment le capitaine a-t-il pu abandonner les passagers ? Quelles sont les conditions de départ ? Voilà autant de questions dont les réponses devraient permettre de situer les responsabilités.
Une route migratoire toujours plus dangereuse
Le sauvetage de Dakar rappelle la dangerosité de la route atlantique, empruntée chaque année par des milliers de candidats à l’exil depuis l’Afrique de l’Ouest. Longue, périlleuse et soumise à des conditions maritimes extrêmes, elle est aussi l’une des plus mortelles.
En 2024, plus de 46 000 migrants ont atteint les Canaries, un record absolu selon les autorités espagnoles. Mais derrière ces chiffres, le coût humain est terrible : l’ONG Caminando Fronteras estime à plus de 10 000 le nombre de morts ou disparus l’an dernier sur cette seule route. Face à l’intensification des contrôles au Sénégal, en Mauritanie et au Maroc, les départs se déplacent désormais plus au sud, notamment en Gambie et en Guinée. La pirogue secourue à Dakar illustre ce glissement géographique, conséquence directe de la pression sécuritaire sur les zones de départ traditionnelles.
Facteurs à l’origine des départs et risques
La persistance de ces traversées s’explique par une combinaison de facteurs :
- Économie : chômage élevé, pauvreté, manque de perspectives pour les jeunes, particulièrement dans les zones côtières. La pêche, source traditionnelle de revenus pour beaucoup, est affectée par la raréfaction des ressources, la surpêche, les changements climatiques. « Ici, on ne peut plus vivre de la pêche », confiait un pêcheur rencontré à Ouakam, quelques heures après le sauvetage. « Moi aussi, je partirai dès que l’occasion se présentera », a-t-il ajouté, jetant une lumière crue sur l’ampleur du drame que constitue l’immigration clandestine.
- Sécurité et instabilité : dans certaines zones, les conflits, tensions locales, ou absence d’infrastructures poussant les populations vers l’exil.
- Attrait de l’Europe : l’idée d’un avenir meilleur, de revenus plus sûrs. L’Espagne, et spécifiquement les Canaries, sont des destinations connues et visées depuis des années.
Poussés par ces facteurs, les candidats migrants ferment les yeux sur les grands risques auxquels ils s’exposent :
- Les embarcations sont souvent sous-motorisées ou sans moteur, surchargées, mal équipées. Dans le cas de cette pirogue, l’absence de moteur a rendu les passagers totalement vulnérables.
- Conditions météo difficiles, longues traversées, manque d’eau, de nourriture, exposition.
- Abandon du capitaine ou du pilote dans des moments critiques.
- Interception, arrestations ou, pire, naufrages.
Une réponse institutionnelle, mais des problèmes persistants
Les autorités sénégalaises multiplient les efforts pour freiner ces départs. Patrouilles renforcées, interceptions maritimes, arrestations de passeurs : plus de 5 000 migrants ont été interceptés en 2024 sur le territoire. Un Comité interministériel de lutte contre la migration irrégulière a même été mis en place avec pour mission de coordonner les efforts. Mais ces mesures ne suffisent pas à endiguer le phénomène. Au contraire, elles contribuent à déplacer les itinéraires vers des zones plus risquées, augmentant le danger pour les candidats à l’exil.
Le sauvetage des 112 migrants au large de Dakar est une victoire contre la mort en mer. Certes ! Mais, il met aussi en lumière l’impasse actuelle : entre pressions migratoires, politiques de contrôle et absence de solutions durables, la route de l’Atlantique reste un piège mortel. Sans réponses structurelles – emploi des jeunes, alternatives économiques pour les pêcheurs, coopération régionale et respect des droits humains – d’autres pirogues continueront de prendre la mer. Et d’autres sauvetages, quand ils surviennent, ne pourront pas toujours éviter la tragédie.