Malawi: le chef de l'État sortant Lazarus Chakwera et 16 autres candidats s'affrontent pour la présidentielle

Au Malawi, les électeurs sont appelés aux urnes pour élire leur nouveau président, ce mardi 16 septembre. Le scrutin intervient dans un contexte de crise économique avec une inflation qui frôle les 30% tandis que le prix du maïs a été multiplié par six en quatre ans. Dix-sept candidats sont en lice, dont le président sortant Lazarus Chakwera et son prédécesseur Peter Mutharika (2014-2020). L’un et l’autre s’étaient déjà affrontés lors du scrutin de 2019.
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Au Malawi, à la mi-journée, l’ambiance était globalement calme dans la plupart des 15 000 bureaux de vote, mais certains ont ouvert avec du retard, parfois jusqu’à une heure, à cause de pannes d’appareils biométriques destinés à identifier les électeurs. La Commission électorale promet de compenser en prolongeant le vote là où ce sera nécessaire. La Commission électorale a promis d’étendre les horaires pour compenser ces retards.
« Ce que nous avons constaté dans la journée, ce sont des cas isolés où le matériel électronique était lent ou ne fonctionnait pas du tout à l’ouverture des bureaux de vote, pointe Boniface Dulani, professeur de science politique à l’université du Malawi. Cela a entraîné des retards, parfois jusqu’à une heure. La Commission avait indiqué que ces bureaux devaient rester ouverts plus tard pour permettre aux électeurs, empêchés de voter à cause de ces problèmes techniques, de le faire. »
La participation est l’un des enjeux majeurs : 7,2 millions sont appelés aux urnes pour désigner le président, soit davantage qu’en 2019, mais loin des 11 millions espérés. En 2020, elle s’élevait à 62 %, légèrement en dessous de la moyenne régionale. Les premiers résultats provisoires sont attendus dans la nuit, et si aucun candidat n’obtient la majorité absolue – 50 % plus une voix – un second tour sera organisé dans les 60 jours.
Si 17 candidats sont en lice au total, deux font figure de grands favoris. Le premier est Lazarus Chakwera, 70 ans, pasteur évangélique devenu président, qui demande « cinq ans de plus » pour terminer le travail. En 2020, il avait promis de relancer l’économie et de combattre la corruption. Mais son quinquennat a été marqué par une inflation record et par le scandale Sattar, du nom d’un homme d’affaires accusé d’avoir corrompu plusieurs responsables malawites, ce qui a poussé son vice-président à la démission.
Le second est Peter Mutharika, 85 ans, le principal opposant au chef de l’État sortant, qui mise sur le rejet du gouvernement actuel. Ancien professeur de droit, président de 2014 à 2020, il promet de restaurer la discipline budgétaire et de protéger les lanceurs d’alerte. Mais il traîne lui aussi un lourd passif : les violences de ses « cadets », des groupes de jeunes partisans accusés d’intimidations, et le scandale de corruption Cashgate, hérité de sa prédécesseure Joyce Banda.
Une campagne face à une population désabusée
Le président sortant du Malawi et son prédécesseur ont rassemblé des centaines de partisans samedi dernier, lors de leurs ultimes meetings avant les élections présidentielles et législatives de ce mardi 16 septembre qui s’annoncent serrées entre les deux hommes. Ils sont les deux principaux candidats parmi les 17 en lice pour diriger ce pays pauvre d’Afrique australe en proie à une crise économique marquée par des pénuries de carburant et de devises.
Malgré leurs différences, les deux hommes partagent un même handicap : un électorat désabusé. Selon l’analyste Michael Jana, ils recyclent les mêmes promesses, sans rendre de comptes sur leurs bilans passés. Et dans un pays où seuls 7 millions d’électeurs se sont inscrits sur 11 millions en âge de voter, le futur président risque de disposer d’un mandat affaibli.
La pauvreté, la préoccupation principale des électeurs
Le pays de 21 millions d’habitants ne se sort pas d’une crise monétaire qui paralyse son économie, précise Alexis Bedu, du service économie de RFI. Il y a ceux qui ont encore de l’espoir et il y a les désenchantés de la politique. Le Malawi est un des pays les plus pauvres du monde : les trois quarts de la population vivent avec moins de 2,15 dollars par jour. C’est la préoccupation principale des électeurs, confirme Boniface Dulan. « La situation économique est le point central. L’économie du pays est en crise. Selon une enquête réalisée par l’Institut d’opinion publique, une large majorité de Malawites considèrent que le pays va dans la mauvaise direction. Près de 90% estiment que leurs conditions de vie sont mauvaises », explique-t-il.
La corruption est également un problème majeur et la population attend du prochain gouvernement qu’il s’y attaque sérieusement. Voilà le tableau avant le vote : beaucoup de déçus par des politiques qui n’ont pas su se renouveler. Les priorités des électeurs malawites restent claires : se nourrir et sortir l’économie nationale du gouffre.
Une économie sous pression
L’inflation approche les 30 %, le manque de devises s’intensifie. Les porte-monnaie des Malawites se vident plus rapidement qu’avant. Leur quotidien est rythmé par les files d’attente aux stations-service à cause des pénuries de carburant. Dans un pays très dépendant de ses importations, la crise monétaire est un problème majeur.
Le professeur Boniface Dulani souligne également les effets du régime de change adopté par le gouvernement. « Le taux officiel est de 1 751 kwachas pour 1 dollar, alors que sur le marché parallèle le dollar s’échange jusqu’à 5 000 kwachas, c’est quasiment trois fois plus cher. Résultat : il est très difficile de se procurer des devises. L’économie est bloquée, les entreprises n’arrivent pas à importer les biens essentiels ni les matières premières nécessaires à la production », souligne-t-il.
À cela s’ajoutent les conséquences de la pandémie de Covid-19, les sécheresses à répétition et le récent retrait du soutien américain qui finançait beaucoup de programmes, notamment dans l’éducation et l’agriculture. Cette accumulation fait gonfler le nombre de déçus dans la population.
Les sondages annoncent un duel serré entre deux anciens présidents : le sortant Lazarus Chakwera et celui qui l’a précédé, Peter Mutharika, qui espère retrouver la présidence.
Les premiers résultats provisoires sont attendus dans la nuit.
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