Maurice Godwin Koutchika : ‘L’excellence n’emprunte jamais la voie du moindre effort’

Maurice Godwin Koutchika - LeBoursier

À Porto-Novo (capitale du Bénin), il y a quelques années, un étudiant en Lettres cherchait désespérément comment financer son master. Les bourses semblaient lointaines, les procédures opaques, les informations éparpillées. Cet étudiant, c’était Maurice Godwin Koutchika. Contre toute attente, il a décroché la prestigieuse bourse Eiffel, l’un des programmes les plus sélectifs du gouvernement français. De ce succès est née une conviction : si lui a pu franchir ce mur, d’autres le peuvent aussi. C’est ainsi qu’il a fondé LeBoursier, une association-média qui accompagne déjà des centaines d’étudiants africains et étrangers sur le chemin de l’excellence. Rencontre avec un passionné d’altruisme et de transmission.

Beaucoup de jeunes rêvent de bourses à l’étranger, mais très peu osent se lancer. Qu’est-ce qui a fait que vous, vous avez osé ?

Je vous remercie d’abord pour la lumière que vous projetez sur mon parcours et sur l’association-média LeBoursier. Pourquoi une bourse ? J’avais besoin de continuer mes études de Master. Mais les deux années nécessaires m’auraient coûté près du million de francs CFA, une somme relativement conséquente qu’il m’était impossible de réunir à ce moment-là. J’ai alors entrepris de faire financer cette formation grâce à une bourse d’études française, plus en lien avec ma licence de Lettres (Littérature française), obtenue deux ans plus tôt. Quant au fait que j’aie osé, c’est tout simplement parce que je ne pouvais de toute façon pas m’autofinancer. La candidature aux bourses étant gratuite, je me suis lancé, un peu motivé aussi par le fait que j’avais été boursier d’excellence de l’État béninois pour ma licence – je suis admis sur concours à l’École Normale Supérieure de Porto-Novo en 2016. Avoir décroché mon diplôme en étant vice-major de promotion de près de 100 étudiants était bien sûr un autre atout que je voulais valoriser.

Vous avez décroché la prestigieuse bourse Eiffel. Qu’est-ce qui, selon vous, a fait la différence dans votre dossier ?

Le sérieux dans mon application. Je pense que c’est le premier facteur décisif. Je m’étais entièrement investi dans l’obtention de certaines pièces qui paraissent facultatives, mais dont je savais qu’elles ne pouvaient que renforcer mon dossier : attestations de rang et de stage, certificats de prix et autres lettres de recommandation. L’autre facteur était la connaissance presque exhaustive que j’avais du programme, pour avoir passé des heures à écumer Internet. J’ai également eu la chance de bénéficier de la bienveillance d’anciens lauréats qui avaient répondu aux questions précises que je leur avais adressées. Merci à Dieu-Donné, Chioma et Hervé. Bien sûr, mon profil avait une certaine alléchance. J’étais vice-major de promo, lauréat de plusieurs distinctions littéraires, nanti d’expériences en milieux professionnel et associatif.

Si vous n’aviez pas obtenu cette bourse, où seriez-vous aujourd’hui ?

Je l’ignore, en toute franchise. Et jamais, je ne le saurai. Sans doute serais-je toujours dans mon pays, le Bénin, travaillant toujours dans la meilleure agence de correction de la sous-région : Top Correcteurs, tout en continuant mes activités de rédacteur web.

D’où est venu ce déclic : « Je vais créer une plateforme pour aider les autres » ?

Par altruisme. J’avais découvert la bourse Eiffel par sérendipité, alors qu’elle existe depuis 1999 et que d’autres Béninois l’avaient déjà décrochée par le passé. Et pourtant, elle m’était inconnue, à moi qui suis pourtant plutôt bien informé de ces choses-là. J’ai alors pensé à toutes les personnes brillantes qui, par manque d’informations, passeront également à côté, comme j’ai pu passer à côté de la bourse CAEB-Fondation Vallet, dont j’aurais pourtant pu bénéficier pendant mes belles années au secondaire. Pour information, c’est une bourse qui offre une allocation et les frais d’études des meilleurs élèves (dès la quatrième) et étudiants (en particulier les meilleurs aux examens nationaux) au Bénin, en France et au Vietnam… J’avais également eu du mal, pendant mes recherches sur la Bourse, à trouver les informations qui m’auraient permis d’améliorer mon dossier. Il m’était, au vu de tout cela, apparu important de communiquer sur les opportunités de bourses, lever les préjugés autour, et offrir aux personnes intéressées, une plateforme centrale et un accompagnement fiable pour qu’elles puissent réaliser leurs projets d’études.

Maurice Godwin Koutchika - LeBoursier - Benin France

Certains disent que l’information sur les bourses est déjà disponible en ligne. Alors pourquoi LeBoursier ?

Il est vrai que beaucoup de sites aujourd’hui recensent les bourses : explication du programme, avantages, périodes de candidature, pièces à fournir, etc. Tout ce qu’il y a de plus factuel. C’est un travail que je salue. Mais vraiment très peu de ces sites offrent un parcours clair de candidature. Parce que les gens ont besoin de savoir s’ils doivent oser le pas, besoin de savoir comment améliorer leur dossier, comment faire face à la concurrence rude autour de ces programmes d’excellence. C’est ce travail que nous faisons : informer, guider dans la candidature, donner l’expérience d’anciens lauréats, montrer les astuces qui font la différence. LeBoursier offre pour ainsi dire une expérience de candidature complète.

Votre plateforme est-elle un guide, un tremplin, ou carrément une révolution ?

Il serait trop orgueilleux de voir en LeBoursier quelque révolution. Nous n’y sommes pas encore. Mais là où réside notre signature, c’est qu’il n’est aucun aspect relatif aux bourses que nous n’ayons pas couvert. Être connecté ou abonné à LeBoursier, c’est avoir la garantie qu’on a toutes les ressources nécessaires pour décrocher n’importe quelle bourse d’excellence, pour peu que l’on soit éligible et que l’on s’applique dans sa candidature. Je vois donc LeBoursier comme un guide, un guide complet, un vademecum des bourses.

Vous êtes en contact avec de nombreux étudiants. Quelle est la plus grande erreur qu’ils commettent quand ils postulent à une bourse ?

Je suis tenté de dire qu’ils font montre d’une réelle inappétence pour la curiosité. Mais il y a pire : ils ont une trop faible estime de leurs capacités. Des étudiants avec des profils très intéressants m’ont déjà fait savoir qu’ils ne se pensaient pas capables de décrocher des bourses d’excellence internationales. C’est aussi cette idée que nous travaillons à déconstruire. Pour décrocher une bourse, il faut de tout. Les notes certes, mais aussi le rang, les expériences professionnelles et associatives, les distinctions, les stages, les recommandations et la capacité de convaincre, grâce à un projet professionnel ou une lettre de motivation solides.

Est-ce que vous pensez que la jeunesse africaine est vraiment préparée à affronter la compétition mondiale ?

Oh que oui ! A plusieurs reprises, mes yeux se sont illuminés face à des étudiants qui, j’en suis persuadé, compteront pour l’avenir de ce continent. Nous avons en Afrique un vivier intellectuel incroyablement riche. J’en ai pour preuve tous ceux d’entre eux qui décrochent la Bourse Eiffel, les Bourses IdEx, Smarts-Up, Sophie Germain, Ashinaga, MEXT, CSC, etc. Pour ne donner que l’exemple du Bénin, les étudiants de l’IMSP, de l’EPAC ou encore de l’ENEAM, font partie des meilleurs au monde, dans les maths et l’informatique. Je le vois chaque année. Et je n’en boude pas ma fierté.

Si vous deviez détruire un mythe autour des bourses d’études, lequel choisiriez-vous ?

Le mythe selon lequel il faut avoir une moyenne extraordinaire ou être major de promo pour décrocher une bourse d’excellence. Évidemment que ces atouts aident beaucoup. Mais ce n’est pas un standard. Un major de promo mal préparé peut échouer à une sélection, tandis qu’un autre étudiant qui s’illustre dans l’extra-académique et qui s’applique à composer un bon dossier peut être retenu. Et puis, dans beaucoup de pays africains ou tout simplement dans certaines filières, il est presque impossible d’avoir plus de 14 de moyenne. Dans ce cas, le rang et la taille de la promotion sont un atout incroyable à mettre en avant. Ainsi, un étudiant de l’ENA avec 17 de moyenne n’est pas forcément plus « fort » qu’un autre de la FADESP qui a 12 de moyenne, mais en étant 16e sur 7000 étudiants.

Avez-vous déjà dit à un étudiant : « Toi, tu ne pourras pas obtenir cette bourse » ?

Non ! Non, mais qui fait ça ? Nous ne sommes pas Dieu. Rires. Certains étudiants ont effectivement très peu de chances de décrocher des bourses. Ne nous voilons pas la face, ce sont des dispositifs d’excellence, et parfois très sélectifs, avec diverses exigences. Lorsqu’un étudiant ne remplit pas les critères minimaux de sélection, on lui fait savoir qu’il ne perd rien à tenter sa chance, les bourses étant gratuites, presque toujours, mais qu’il part quand même avec un grand handicap par rapport aux autres candidats.

Quelle a été la réussite la plus marquante grâce à LeBoursier ?

Les premières choses ont toujours une saveur particulière. J’ai été très fier des premiers candidats que nous avons aidés à être sélectionnés. Une cinquantaine la première année. À ce jour, nous avons aidé plus de 300 étudiants à décrocher des bourses d’excellence un peu partout dans le monde. Par exemple, grâce à nos efforts, le nombre de lauréats béninois de la Bourse Eiffel est passé de 6 à une vingtaine, dès la première année d’existence de LeBoursier. Et depuis, il n’a cessé d’accroître. Des gens découvrent les bourses et les obtiennent grâce à notre aide. Nous avons été sollicités par plusieurs institutions prestigieuses comme Campus France Bénin, Sciences Po Paris, Paris Saclay (la première université de France). Il y a tant de belles histoires avec LeBoursier. Mais si je devais choisir une seule réussite, c’est certainement celle d’avoir fait, l’année dernière, plus de 200 lauréats, dont une Américaine, des Brésiliens, des Chinois… Avoir touché des étudiants non Africains et non Francophones. C’est beau. Et c’est la force d’internet.

Où voyez-vous LeBoursier dans 10 ans : une simple plateforme, une institution, ou un mouvement ?

Nous sommes déjà une association, légalement enregistrée au Journal officiel en France. Les démarches sont également en cours pour un enregistrement au Bénin. Dans dix ans, je nous vois avec une communauté de plus de 5000 lauréats, d’Afrique et d’ailleurs. 5000 personnes qui formeront l’élite de demain, grâce à la formation de très grande qualité qu’elles auront reçue via ces bourses et par la richesse culturelle, intellectuelle et professionnelle que cette expérience leur aura rapportée.

Si LeBoursier était une personne, quel caractère aurait-il ?

Altruiste. Il faut être animé par une volonté profonde d’aider pour conduire, de façon totalement bénévole, qui plus est, une œuvre aussi dispendieuse que LeBoursier. Cela demande un investissement conséquent en temps et en argent. Déjà que le temps, c’est de l’argent. (Rires) Il me plaît d’ailleurs de remercier toutes les personnes qui portent ce projet avec moi, en particulier la cofondatrice de LeBoursier, Marthe HOUNKPONOU, ancienne boursière d’excellence de l’État béninois, alumna de la Bourse Eiffel, Doctorante contractuelle en Histoire littéraire et écrivaine.

Quelle est la question que personne ne vous pose jamais, mais que vous rêvez qu’on vous pose ?

Combien ça te coûte, LeBoursier ? (Rires) Et pour y répondre, je dirais qu’en dehors des milliers d’euros engagés depuis sa création, cela me coûte une bonne centaine d’euros tous les mois.

Vous parlez aux jeunes Africains qui vous lisent sur Afrik.com. Quelle est la phrase choc que vous aimeriez qu’ils retiennent de vous ?

L’excellence n’emprunte jamais la voie du moindre effort.

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Beaucoup de jeunes rêvent de bourses à l’étranger, mais très peu osent se lancer. Qu’est-ce qui a fait que vous, vous avez osé ?Vous avez décroché la prestigieuse bourse Eiffel. Qu’est-ce qui, selon vous, a fait la différence dans votre dossier ?Si vous n’aviez pas obtenu cette bourse, où seriez-vous aujourd’hui ?D’où est venu ce déclic : « Je vais créer une plateforme pour aider les autres » ?Certains disent que l’information sur les bourses est déjà disponible en ligne. Alors pourquoi LeBoursier ?Votre plateforme est-elle un guide, un tremplin, ou carrément une révolution ?Vous êtes en contact avec de nombreux étudiants. Quelle est la plus grande erreur qu’ils commettent quand ils postulent à une bourse ?Est-ce que vous pensez que la jeunesse africaine est vraiment préparée à affronter la compétition mondiale ?Si vous deviez détruire un mythe autour des bourses d’études, lequel choisiriez-vous ?Avez-vous déjà dit à un étudiant : « Toi, tu ne pourras pas obtenir cette bourse » ?Quelle a été la réussite la plus marquante grâce à LeBoursier ?Où voyez-vous LeBoursier dans 10 ans : une simple plateforme, une institution, ou un mouvement ?Si LeBoursier était une personne, quel caractère aurait-il ?Quelle est la question que personne ne vous pose jamais, mais que vous rêvez qu’on vous pose ?Vous parlez aux jeunes Africains qui vous lisent sur Afrik.com. Quelle est la phrase choc que vous aimeriez qu’ils retiennent de vous ?

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