Ile Maurice: Soeurs Marie-Ange Lim et Thérèse Yaw – «Maintenir le cap en cherchant et trouvant Dieu en toutes choses»

Le 8 septembre était un jour très spécial pour les soeurs de Lorette car il marque leur 180e année de présence et de mission en terre mauricienne, en particulier un engagement continu dans l’éducation d’enfants et de jeunes. Pour l’occasion, une messe sera célébrée demain, dimanche, à La Cathédrale St Louis par l’évêque de Port-Louis, Mgr Jean Michaël Durhône. L’express fait le point sur cette congrégation de religieuses avec ses deux co-leaders, Soeurs Marie-Ange Lim et Thérèse Yaw.

Comment a démarré l’histoire de la congrégation des soeurs de Lorette à Maurice ?

Dans les années 1840, Mgr Collier, évêque de Port-Louis, s’inquiète du climat de débauche dans l’île. Il pense qu’une formation du coeur et de l’esprit des jeunes filles les préparera à devenir de bonnes épouses et de bonnes mères et que cela aidera la société. Il se rend en Europe et c’est en Irlande qu’il frappe à la porte de la congrégation des soeurs de Lorette.


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Soeur Teresa Ball, fondatrice de cette congrégation à Dublin, encourage ses religieuses, à l’invitation de Mgr. Collier, à ouvrir une école à Maurice. C’est ainsi que soeur Austin Hearne et sept autres religieuses irlandaises acceptent de partir en terre inconnue. Après un voyage de trois mois sur le bateau «The Reaper», elles débarquent à Maurice le 8 septembre 1845.

Comment se passe leur adaptation?

Au-delà d’une adaptation au départ difficile en raison du climat chaud de Port-Louis et des habits des religieuses de l’époque, confectionnés dans des tissus lourds et de couleur noire, la vaillante équipe de missionnaires se met au travail. Le cours des études comprend alors l’écriture, la lecture, le calcul, le dessin, l’apprentissage des langues dont le français, la géographie, les ouvrages d’agrément et la musique.

L’éducation est payante et au tout début, seules les familles de colons en ont les moyens. Au départ, les soeurs de Lorette commencent l’école avec trois élèves à Port-Louis. Leur nombre augmente progressivement pour passer à 10 et au fur et à mesure que la nouvelle de l’existence d’une école pour filles se répand, le nombre d’élèves augmente.

En 1870, un Couvent de Lorette, comme on le disait autrefois, s’ouvre à Curepipe. En 1904, c’est à Quatre-Bornes. En 1917, une école démarre à St Pierre et en 1935, une s’ouvre à Vacoas. Les trois dernières écoles à s’implanter sont Rose-Hill en 1951, Mahébourg en 1971 et 2003 à Bambous-Virieux. Ce qui fait un total de neuf institutions, sept pour le cycle secondaire et deux pour le primaire.

Pendant plus de 30 ans, dans les centres de développement, des jeunes qui n’ont pas eu leur place dans l’éducation formelle, ont été encadrés par nos soeurs et des laïcs, valorisant leurs capacités. Nous avons aussi deux centres de spiritualité, le centre Mary Ward à Curepipe et Maris Stella à Souillac où régulièrement des retraites spirituelles et des formations sont offertes par des soeurs et des laics. Soeur Denise encadre une vingtaine de femmes à Bois Marchand.

Restons dans le domaine éducatif. Combien de temps les soeurs irlandaises sont-elles restées à Maurice ?

Lorsqu’elles ont quitté l’Irlande, elles savaient qu’elles partaient pour la vie. C’était des vies données à 100 % à l’éducation des filles. Plusieurs sont mortes ici et sont enterrées au cimetière de St Jean, d’autres à Curepipe. Quand nous avons intégré la congrégation, il y avait encore une quinzaine de soeurs irlandaises à Maurice.

Quand la congrégation a permis qu’à l’âge de la retraite, elles puissent choisir de rester en pays de mission ou de repartir dans leur pays natal, certaines ont exprimé le désir de revoir leurs proches encore vivants et sont reparties en Irlande, après de nombreuses années de généreux service auprès des enfants et des jeunes.

Quand sont arrivées les soeurs mauriciennes ?

Dès le début, plusieurs élèves des écoles sont devenues religieuses. La toute première a été Sr Philomène Joséphine Deville.

Qu’est-ce que l’éducation gratuite a apporté à la congrégation, que ce soit en termes positifs comme négatifs?

L’éducation gratuite a fait que nous avons pu accueillir davantage d’élèves de tous les milieux sociaux. Elle a aussi apporté des contraintes et des normes à respecter administrativement parlant et qui nous enlève une partie de notre liberté. Cela nous oblige aussi à offrir tous les sujets obligatoires du programme national.

Quelle est la place des pauvres dans l’éducation Lorette ?

L’attention aux pauvres demeure centrale. En cela, nous suivons notre fondatrice, Mary Ward, qui aimait les pauvres. Déjà, du temps des fees à payer, des filles dont les parents n’avaient pas les moyens de s’acquitter des frais de scolarité, ont été admises. C’était fait dans la discrétion.

Dans nos écoles existe un Solidarity Club, qui vient en aide à nos élèves dans le besoin. Par exemple, en préparant pour eux des pains fourrés discrètement offerts. Les enseignants aident aussi en offrant une paire de chaussures ou toute autre chose utile pour les études d’une élève. C’est fait avec générosité et discrétion.

Combien de filles ont été formées dans les écoles des soeurs de Lorette ?

Nous n’avons malheureusement pas tous les registres dans nos archives. Disons qu’approximativement, notre congrégation a formé, sur 100 ans, plus de 250 000 filles, à qui ont été partagées les valeurs de Mary Ward, transmises par nos soeurs et nos collaborateurs.

Les écoles des soeurs de Lorette sont-elles confrontées comme bon nombre d’écoles au problème de drogues synthétiques chez les élèves ?

Oui, cela touche nos élèves aussi mais pas beaucoup, fort heureusement. Nos équipes de direction, ainsi que nos éducateurs sont très vigilants à ce sujet. Lorsque nous sommes alertés, nous devons suivre le protocole mis en place par le ministère de l’Education, la Private Secondary Education Authority et référer les cas aux autorités concernées. Et puis, il nous faut tenir compte du bien-être de toute une communauté scolaire.

Les écoles de la congrégation des soeurs de Lorette semblent être entrées dans la course à la compétition comme les écoles dites d’élite. Votre commentaire ?

Une compétition saine a toujours existé dans nos écoles. Nos éducateurs visent l’excellence selon la capacité intellectuelle de chaque élève. Ils encouragent leurs élèves à toujours progresser. Dans nos écoles, c’est aussi veiller à leur développement humain et spirituel.

Certains parents, à la recherche d’une compétition, nous reprochent de ne pas ‘pousser’ suffisamment les élèves académiquement brillants. Alors, à l’obtention des résultats à la fin du grade 9, ils choisissent de retirer leur enfant de nos écoles et de les faire admettre dans une académie.

Quels sont les défis que vous rencontrez de nos jours ?

L’implication insuffisante de certains parents dans l’éducation de leur enfant est un obstacle. Un autre défi est la mauvaise utilisation des réseaux sociaux par les jeunes. La violence chez certains de nos élèves est très inquiétante.

Nous sommes conscientes que nos collaborateurs, soit nos 540 enseignants et nos 222 Support Staff, sont des fois confrontés à des situations difficiles. Les équipes de management, accompagnées par nos plus proches collaboratrices, maintiennent le cap en vivant la spiritualité ignacienne, qui est de chercher et trouver Dieu en toutes choses.

La dépendance au téléphone portable et aux écrans en est-il un autre ?

Nos règlements internes interdisent l’utilisation des téléphones portables, sauf bien sûr pour les besoins des études. La dépendance devient un défi lorsque nos jeunes ne savent plus distinguer le faux du vrai… Soyons honnêtes et réalistes, les adultes aussi et nous avons une certaine dépendance au téléphone portable, ce qui pose aussi un défi.

Votre plus grande fierté au cours de ces 180 ans d’engagement dans le domaine éducatif ?

Notre plus grande fierté c’est l’engagement humble et fidèle de chacune des membres, irlandaises comme mauriciennes, de notre congrégation et qui nous ont légué un riche héritage. Nous sommes aussi très reconnaissantes pour nos collaborateurs de toutes confessions religieuses, qui sont très impliqués et des laïcs qui vivent la mission avec nous.

Y-a-t-il un renouveau dans les vocations chez les soeurs de Lorette ?

Malheureusement, non. Nous ne sommes plus que 18 soeurs dont la plus âgée, Sr Luc, a 101 ans et est lucide. Notre grande joie pour l’avenir, c’est la fusion entre nous, soeurs de l’Institut de la Bienheureuse Vierge Marie, et les soeurs de la congrégation de Jésus, congrégation fondée également par Mary Ward. Une réflexion en ce sens a été engagée depuis quelques années déjà et cette fusion deviendra réalité le 4 novembre prochain. Cette fusion nous ouvrira certainement à davantage de dimensions internationales.

Hormis la messe à La Cathédrale St Louis demain, comment allez-vous marquer ce 180e anniversaire ?

Le 1er octobre, tous nos éducateurs seront réunis autour d’un symposium dont le thème sera «Qui suis-je quand j’éduque ?» Ce sera l’occasion de célébrer nos éducateurs, de réfléchir ensemble sur la belle vocation d’éduquer. Nous tenons à remercier les Mauriciens et Mauriciennes, qui nous ont soutenues dans notre mission et nous ont fait confiance pendant toutes ces années. Que l’aventure continue pour le bien de la société, des enfants et des jeunes.

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