L’Afrique et la Salsa : une histoire de racines et de renaissance

Africando
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La salsa, célébrée aujourd’hui par Google pour le Mois du patrimoine hispanique américain, porte en elle une histoire profondément africaine qui mérite d’être racontée. Si cette musique est née dans les Caraïbes et s’est épanouie à New York, son cœur bat au rythme de l’Afrique.

Les racines africaines de la salsa

L’ADN musical de la salsa est intrinsèquement africain. Les esclaves déportés d’Afrique de l’Ouest et Centrale vers Cuba ont apporté avec eux des traditions musicales qui formeraient la colonne vertébrale de ce qui deviendrait la salsa. Les tambours yoruba du Nigeria et du Bénin, les rythmes bantous d’Angola et du Congo ont survécu à la traversée de l’Atlantique et se sont transformés à Cuba.

La clave, ce pattern rythmique qui structure toute la salsa, trouve ses origines dans les traditions d’Afrique de l’Ouest. Les congas, les bongos et les timbales – instruments essentiels de la salsa – sont des évolutions directes des tambours africains. Le concept même de l’appel et réponse (coro-pregón), fondamental dans la salsa, vient directement des traditions musicales africaines où le chanteur principal dialogue avec le chœur.

La rumba cubaine, ancêtre direct de la salsa, était pratiquée dans les solares (cours intérieures) de La Havane par les descendants d’esclaves africains. Les danses comme le guaguancó et le yambú conservent des mouvements et des expressions corporelles directement héritées des danses africaines, notamment dans les mouvements du bassin et l’isolation des différentes parties du corps.

La salsa retourne en Afrique

Dans un fascinant mouvement circulaire, la salsa a trouvé un terrain fertile en Afrique à partir des années 1960 et 1970. Les musiciens africains ont immédiatement reconnu dans la salsa quelque chose de familier, quelque chose qui leur appartenait.

Au Congo-Kinshasa, la rumba congolaise s’est développée en parallèle, influencée par la musique afro-cubaine diffusée par Radio Congo Belge. Des orchestres comme l’African Jazz de Joseph Kabasele et l’OK Jazz de Franco Luambo ont créé un style unique mélangeant les guitares électriques avec les rythmes de la rumba cubaine, créant ce qu’on appelle aujourd’hui le soukous.

En Afrique de l’Ouest, particulièrement au Sénégal, au Mali et au Bénin, des orchestres ont commencé à jouer de la salsa dès les années 1960. L’Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou au Bénin, le Rail Band de Bamako au Mali, et l’Orchestra Baobab de Dakar au Sénégal ont tous intégré la salsa dans leur répertoire, la fusionnant avec des rythmes locaux comme le mbalax, créant des hybrides uniques.

Des ambassadeurs de la salsa africaine à la salsa africaine contemporaine

Plusieurs figures emblématiques ont incarné cette fusion afro-salsera. Laba Sosseh, chanteur gambien basé au Sénégal, est devenu une légende en interprétant des classiques de la salsa en espagnol avec une sensibilité profondément africaine. Son interprétation de « El Carretero » reste un classique intemporel.

Au Congo, Papa Noel Nedule a brillamment fusionné la rumba congolaise avec la salsa cubaine. Ricardo Lemvo, né en RDC et basé aux États-Unis, continue aujourd’hui de créer une musique qui célèbre ces connexions transatlantiques avec son groupe Makina Loca.
Plus récemment, des artistes comme Africando – un supergroupe réunissant des chanteurs ouest-africains et des musiciens de salsa new-yorkais – ont créé des albums entiers célébrant cette connexion.

Aujourd’hui, la salsa continue de prospérer en Afrique avec une nouvelle génération d’artistes. À Dakar, Abidjan, Lagos, Kinshasa et Johannesburg, des clubs de salsa attirent des foules enthousiastes. Des festivals de salsa sont organisés régulièrement, et des écoles de danse enseignent la salsa alongside les danses traditionnelles africaines.

Les musiciens africains continuent d’innover. Ainsi, ils intègrent des instruments traditionnels comme la kora, le balafon ou le talking drum dans les arrangements de salsa. De même, les langues locales – wolof, lingala, yoruba – se mélangent à l’espagnol dans les paroles, créant une expression véritablement panafricaine.

La popularité de la salsa en Afrique révèle quelque chose de profond sur la nature de la musique et de la mémoire culturelle. Malgré les siècles de séparation forcée, malgré l’océan qui sépare l’Afrique des Amériques, les rythmes ont survécu, se sont transformés, et sont revenus enrichis. La salsa africaine est une réunion familiale musicale, où des cousins séparés depuis longtemps se retrouvent et découvrent tout ce qu’ils ont encore en commun.

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