Afrique: L'intelligence artificielle pour faciliter l'orientation scolaire des élèves

Douala — Orientation scolaire via l’intelligence artificielle (OSIA) est une intelligence artificielle générative 100% camerounaise créée par Frédéric Ngaba, docteur en mathématiques analytiques de l’Université de Yaoundé I et chercheur en Intelligence artificielle (IA).

« Étant pédagogue et mathématicien de formation, j’ai constaté que de nombreux élèves étaient victimes de mauvaise orientation scolaire. J’ai donc pensé à mettre sur pied, avec l’aide d’une équipe de professionnels, des technologies innovantes, cette solution efficace et adaptée à nos réalités locales », déclare-t-il à SciDev.Net.

Dans sa forme actuelle, cette IA propose trois services. Notamment un répétiteur virtuel dénommé « Chatbot tropicalisé », une banque numérique d’épreuves et un verdict d’orientation prévisionnelle (VPO), qui est très sollicité par les élèves.

« Cette solution digitale a et aura un impact qualitatif sur le processus d’orientation scolaire des jeunes du secondaire dans notre ordre d’enseignement en particulier, mais surtout pour le système éducatif camerounais en général »Lazare Tsimi, SEDUC laïc pour le Centre, Cameroun


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Concernant le VPO, il consiste dans un premier temps pour l’apprenant, à introduire sur la plateforme ses notes annuelles, ses aspirations intrinsèques et extrinsèques et à se soumettre à un test psychotechnique personnalisé.

Par la suite, l’IA procède à l’analyse du profil littéraire, technique, scientifique et psychologique de l’élève. Cette étape est très importante parce qu’il permet, selon Frédéric Ngaba, « de déceler le talent inouï de l’enfant et de lui conseiller des attitudes pratiques à adopter à l’école et à la maison pour amplifier ce talent-là ».

C’est au terme de cette démarche qu’un verdit d’orientation prévisionnelle (VPO), est prononcé avec deux ou trois tunnels d’orientation qui collent aux aptitudes psycho-intellectuelles de l’apprenant.

Quant au « Chatbot tropicalisé », ce répétiteur virtuel a la particularité « d’avoir été suffisamment entraîné avec les différents programmes pédagogiques en vigueur au Cameroun. Grâce à ses méthodes plaisantes et sa pluralité linguistique (vingt langues), il peut s’adapter autant en contexte camerounais qu’africain », indique le mathématicien.

Est également disponible sur la plateforme, une banque numérique de plus de 400 épreuves de type examen issues des meilleurs établissements scolaires des 10 derniers années selon l’Office du baccalauréat du Cameroun et le General Certificate of Education.

Pour avoir accès à toutes ces fonctionnalités, l’utilisateur doit débourser 3 000 FCFA l’an s’il est au Cameroun et 10 euros s’il est à l’étranger. En 2025, OSIA compte 13 500 souscripteurs « actifs et satisfaits », selon son promoteur. Ces utilisateurs dit-il, sont repartis dans 23 écoles de quatre régions du pays dont, à savoir le Centre, le Littoral, l’Ouest et l’Adamaoua.

Prix

Fort des prix reçus de la Banque mondiale, de la société de téléphonie mobile Orange Cameroun ou encore d’Awiti au Maroc, OSIA compte multiplier par dix le nombre de souscripteurs sur sa plateforme afin de continuer à « impacter positivement et progressivement le niveau scolaire des apprenants ».

Selon un rapport de l’institut national de la statistique (INS), le Cameroun comptait en 2022 un peu plus de huit millions d’élèves, apprenants et étudiants. Soit environ 27% sur une population estimée à environ 30 millions d’habitants.

Pourtant depuis deux ans, le taux de réussite au Baccalauréat n’a pas atteint les 50%. En 2025, il était de 47,45% alors que la session 2024 affichait 37,26%.

Un score qui contribue à nourrir les ambitions d’OSIA malgré les difficultés liées au financement, au climat des affaires, aux lourdeurs administratives et au manque de personnel qualifié sur le plan local.

« L’une de nos difficultés lors de la conception de cette IA a été de trouver sur le plan local du personnel bien formé en intelligence artificielle. On a aussi dû faire face à l’instabilité de la connexion internet », avoue Frédéric Ngaba.

Conseillers d’orientation

Le travail ne s’arrête pourtant pas. Son équipe et lui, continuent de le perfectionner. Cependant, le chercheur précise que cette IA n’a pas vocation à remplacer les conseillers d’orientation en poste, mais plutôt de « perfectionner et surtout personnaliser le système d’orientation scolaire qui est littéralement obsolète au Cameroun ».

Maïmouna Moussa est conseillère d’orientation en service depuis 7 ans au Lycée d’Oyack de Douala. Elle décrit d’abord le contexte de son travail. « Les collègues enseignants pensent qu’ils peuvent faire notre travail. Et pire, dans les emplois du temps, aucune plage horaire n’est aménagée pour nous », déplore-t-elle.

Pour elle, Osia est dès lors une très bonne initiative parce qu’elle facilite l’exécution des tâches et permet de rentabiliser en temps et en argent. Elle pense pour autant que cette IA peut avoir des limites dans ce sens qu’un robot ne peut se substituer à un humain.

Dans la pratique, dit-elle, le conseiller d’orientation ne prend pas seulement en compte les notes de l’enfant mais aussi, sa personnalité, la conjoncture familiale et les tendances du marché de l’emploi.

« L’IA ne peut pas créer une relation émotionnelle profonde avec l’élève. Elle ne peut pas non plus maitriser l’anamnèse d’un patient et effectuer des relances adéquates lors d’un entretien psychotechnique », soutient la conseillère d’orientation dans un entretien avec SciDev.Net.

Alain Mbongo, enseignant au collège Alfred Saker de Douala, abonde dans le même sens. Pour cet enseignant, l’éducation tout comme l’orientation scolaire, « est un long processus qui prend en compte, l’avis des enseignants, des parents et des interactions sociales ; ce que l’IA ne fait pas forcément ».

Accord d’exercice

En l’absence pour l’instant de texte encadrant l’utilisation et le développement de l’IA au Cameroun, OSIA a été autorisé à exercer par le Secrétariat à l’éducation privée laïque du centre (SEDUC).

« Le projet OSIA bénéficie de l’accord d’exercice de la part du SEDUC au sein des 446 collèges privés laïcs d’enseignement général, général et technique et technique que compte la région du Centre », confirme Lazare Tsimi, responsable du SEDUC laïc pour le Centre.

« Au regard de l’exercice d’expérimentation des fonctionnalités de cet outil et de la qualité des résultats observés par nous, cette solution digitale a et aura un impact qualitatif sur le processus d’orientation scolaire des jeunes du secondaire dans notre ordre d’enseignement en particulier, mais surtout pour le système éducatif camerounais en général », ajoute l’intéressé.

Frédéric Ngaba et son équipe, espèrent que d’ici trois ans, l’IA ne soit plus perçue comme une simple tendance au Cameroun mais davantage comme une technologie susceptible de booster la croissance du pays.

C’est dans cette optique qu’un document de stratégie nationale de l’IA a été rédigé lors des récentes concertations nationales sur l’IA (CONIA) tenues à Yaoundé, la capitale politique du pays. OSIA qui a participé à ces assises, attend comme tous les autres participants, que ce document soit légiféré par le parlement camerounais.

Initiée en 2024 par le ministère des postes et télécommunications du Cameroun, les CONIA ont pour but d’établir, des bases claires et solides de l’utilisation et le développement de l’IA dans le pays.

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