Ile Maurice: Recrutements massifs – Solution ou mirage ?

Vent de recrutement dans la fonction publique. Actuellement des institutions comme la Beach Authority, la State Trading Corporation (STC), le sir Seewoosagur Ramgoolam Botanical Garden, le Sugar Industry Labour Welfare Fund ou encore la Public Service Commission (PSC) ont publié des appels à candidatures.

Ces recrutements sont comme un moyen de combler un manque criant de personnel dans les centres de santé, les écoles et d’autres institutions publiques. Ce déficit, le public comme les syndicats le dénoncent depuis des années : manque d’infirmiers, de médecins, de techniciens, d’enseignants, d’ouvriers.

Pourtant, une question s’impose : comment financer tout cela alors que la caisse de l’État est «vide» ? Les fonds pour ces postes existent dans le Budget 2025-2026, mais au-delà des chiffres, la machine de recrutement reste lente et ses critères souvent déconnectés de la réalité du marché du travail. Prenons l’exemple des avis publiés par la PSC pour y voir d’un plus près. n

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Les annonces publiées par la PSC se succèdent. Mais dans un contexte où les finances de l’État sont sous tension, la question se pose : quels secteurs absorbent le plus de nouveaux effectifs et ces postes sont-ils réellement financés ?

La santé, le mastodonte

Sans surprise, c’est le ministère de la Santé et du bien-être qui domine largement les recrutements. Près d’une quarantaine de postes ont été publiés depuis mai, allant des spécialistes en oncologie ou radiologie aux techniciens de laboratoire et assistants en imagerie médicale. La santé concentre à elle seule près de la moitié des avis recensés. Cette tendance illustre la pression constante sur les hôpitaux, entre manque de personnel, nouveaux services spécialisés et vieillissement de la population.

Infrastructures et énergie, deuxième pôle

En deuxième position, on retrouve les secteurs de l’infrastructure, de l’énergie et des travaux publics avec une dizaine de postes : architectes, ingénieurs, inspecteurs de travaux. Ces recrutements répondent à la volonté de maintenir le rythme des projets publics, alors même que les finances publiques sont étroitement surveillées.

Éducation et finance en renfort

Le ministère de l’Éducation a ouvert huit postes, allant des inspecteurs d’école aux éducateurs pour l’enseignement spécialisé. Le secteur financier et de la gouvernance publique suit avec une dizaine de postes de direction et d’analystes. Ces recrutements, bien que plus ciblés, reflètent la nécessité de renforcer la gestion des ressources publiques et l’encadrement des institutions.

Les «petits» recrutements qui s’additionnent

Au-delà de ces pôles, une mosaïque de ministères et de départements affiche des besoins ponctuels : aviation civile, agroindustrie, transports, régulation du travail, mais aussi justice, Assemblée nationale, police, prisons ou encore la Rodrigues Regional Assembly. Prises séparément, ces annonces paraissent modestes, mais ensemble, elles représentent une part significative de la demande en ressources humaines.

Un contraste avec les licenciements de mai

Ce regain d’embauches contraste avec les licenciements de contractuels dans les municipalités et conseils de district en mai. Des dizaines d’employés avaient vu leur contrat non renouvelé, suscitant la colère des syndicats et des travailleurs concernés. Cette situation alimente le paradoxe : alors que l’État dit manquer de moyens, il licencie d’un côté et recrute massivement de l’autre.

Postes qualifiés vs postes d’exécution

Si l’on analyse dans les détails, la majorité des postes actuellement publiés concerne des profils hautement qualifiés : médecins spécialistes, ingénieurs, cadres financiers. Les postes au bas de l’échelle, tels que general workers ou attendants, sont pour l’instant moins nombreux, mais apparaissent régulièrement dans les avis des corps parapublics comme la Beach Authority ou la STC.

Les inquiétudes syndicales

Cette hausse active dans les recrutements au sein de la fonction publique ne calme pas les mouvements syndicaux. Derrière les chiffres, c’est une crise structurelle qui se dessine, faite de postes vacants non pourvus, de jeunes exclus par des critères trop rigides, de retraités rappelés à la rescousse et d’un service public à bout de souffle.

Narendranath Gopee dénonce des conditions d’accès trop sévères : «On bloque nos jeunes avec des conditions irréalistes.» Pour lui, le noeud du problème se trouve dans le fameux scheme of service, ce cahier de critères imposé par la PSC. Le ministère de l’Éducation a permis à un étudiant de bénéficier d’une promotion avec seulement trois credits, alors que le scheme of service exige toujours cinq credits. Il pose aussi la question :«Comment un jeune sorti de l’université peut-il avoir de l’expérience sans même avoir eu la chance d’entrer dans le service ?»

Les diplômés de Polytechnics Mauritius sont particulièrement touchés. Faute d’avoir obtenu les cinq credits requis au School Certificate, ils sont écartés malgré leur formation technique. «Nou kapav gagn boukou par enn teknisien ki ena lexperians, mem si li pena bann sertifika ki PSC rode. Me zordi li bloke net.» Pour pallier certains ministères se tournent vers des «banques» de retraités prêts à reprendre du service, une solution que Narendranath Gopee qualifie de temporaire et non pérenne.

Deepak Benydin pointe de son côté la «fuite des cerveaux. Des jeunes qualifiés quittent le pays et faute de candidats, on se retrouve à employer des retraités à titre temporaire.» Pour lui, le problème dépasse le simple financement : c’est la capacité du système à attirer, former et retenir ses employés qui est en jeu. Le secteur de la santé illustre cette impasse, avec des postes d’infirmiers, de médecins et d’agents de soutien laissés vacants depuis plusieurs années.

«Ena ban dimounn depi 30-an pe travay, ankor pe gagn Rs 20 000 ek ena dimounn fek rantre gagn Rs 20 000… Be kot sa lapeyla pe ale?», dit Radhakrishna Sadien avec indignation. Il tire la sonnette d’alarme sur un malaise généralisé : «Ena enn kriz personel dan fonksion piblik. Dan preske tou minister ena mank: dokter, ners, teknisien, travayer zeneral… Mem lagrikiltir pe soufer.» Selon lui, l’absence de planification et d’audit sérieux accentue le problème.

Résultat : un personnel débordé, des burn-out et un service public qui peine à répondre aux attentes. «Depi plis ki 10 zan, nou pe koz lor problem-la. Me san azisteman lor saler ek san koriz bann anomali dan minimum wage, nou pou kontinie perdi dimounn.»

Les constats des syndicalistes convergent : les postes existent, les besoins sont connus, mais le système de recrutement reste trop lent, trop rigide et déconnecté de la réalité du marché du travail. Tant que ces réformes structurelles ne seront pas entreprises, le risque est grand de voir la fonction publique s’essouffler – au détriment de la population.

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