Tunisie: Sécurité routière – Des routes plus sûres, des citoyens plus responsables

Chaque année, des centaines de vies sont fauchées sur les routes, malgré une légère baisse du nombre d’accidents. La Tunisie se retrouve face à une urgence humanitaire et sociale ; sauver des vies, réhabiliter ses infrastructures et changer les comportements des conducteurs. La stratégie nationale de sécurité routière, bientôt finalisée, ambitionne de réduire de moitié la mortalité d’ici à 2034, mais le défi reste colossal et requiert l’implication de tous, de l’État jusqu’aux citoyens.

Depuis janvier 2025, 663 personnes ont perdu la vie sur les routes tunisiennes. Un paradoxe inquiétant se dessine. En effet, si le nombre total d’accidents et de blessés est en recul d’environ 18 à 20%, la mortalité reste élevée, révélant que les collisions sont souvent plus graves et que la prise en charge post-accident n’est pas toujours assez rapide ni efficace.

Derrière ces chiffres, on retrouve des causes récurrentes : l’inattention et la distraction, responsables de plus de 40 % des accidents, mais aussi l’excès de vitesse et le non-respect des priorités. Certaines régions paient un tribut particulièrement lourd, avec les gouvernorats de Tunis, Sfax, et Kairouan en tête du triste classement.

Un classement international préoccupant


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Cette situation place notre pays dans une position préoccupante sur le plan international. Avec un taux de mortalité routière oscillant entre 16 et 24 décès pour 100.000 habitants, le pays figure parmi les plus meurtriers du Bassin méditerranéen. Selon le dernier rapport de l’Organisation mondiale de la santé, la Tunisie occupe le 138e rang mondial sur 180 en matière de sécurité routière, loin derrière des États aux ressources et infrastructures comparables.

La qualité des routes, évaluée à 3,6 sur 7 par le Forum économique mondial, reste en deçà de la moyenne internationale, et l’état du revêtement, l’absence d’un éclairage suffisant ou la signalisation défaillante exacerbent la vulnérabilité des usagers.

Une stratégie nationale en cours de finalisation

Face à ce constat alarmant, l’Observatoire national de la sécurité routière (Onsr) travaille à la finalisation d’une stratégie nationale ambitieuse qui s’articule autour d’une approche multisectorielle. Son objectif est clair ; réduire de moitié le nombre de décès d’ici à 2034, en combinant réformes législatives, amélioration des infrastructures, changements de comportements et modernisation des secours.

Cette stratégie repose sur des priorités complémentaires. La première concerne la réhabilitation des infrastructures et la maîtrise des vitesses, avec des aménagements adaptés et un éclairage renforcé, notamment dans les zones à haut risque. Mais au-delà des routes, le facteur humain reste central. L’Onsr mise sur un changement profond des comportements des conducteurs et des piétons, grâce à des campagnes de sensibilisation ciblées et à une formation plus exigeante, visant à instaurer durablement une culture de la sécurité routière.

Pour limiter la pression sur les routes et réduire les risques, la stratégie encourage également l’usage de transports publics sûrs et fiables. Dans le même temps, un contrôle renforcé des véhicules sera mis en place pour garantir leur conformité aux normes de sécurité, un point crucial dans un parc roulant souvent vieillissant ou mal entretenu.

Enfin, un des piliers de cette démarche concerne la prise en charge post-accident, avec des secours plus rapides, mieux équipés et mieux formés, afin d’augmenter les chances de survie et de réduire la gravité des blessures. En réunissant ces différents axes, l’Onsr espère non seulement faire reculer la mortalité, mais également installer durablement une véritable culture de la sécurité routière en Tunisie.

Réformes législatives et sanctions dissuasives

La stratégie s’accompagne également d’un volet législatif ambitieux. Le code de la route et le régime des amendes sont en cours de révision. Les petites amendes inefficaces, de 6 à 10 dinars, seront supprimées et remplacées par des barèmes plus élevés, de 20, 40 ou 60 dinars, afin de renforcer l’effet dissuasif.

Le retrait immédiat du permis est prévu pour les infractions les plus graves, comme le franchissement d’un feu rouge, les dépassements interdits ou l’excès de vitesse supérieur de 20 km/h aux limites autorisées. Les nouvelles technologies, telles que les radars automatiques et les caméras de surveillance, viendront renforcer le dispositif et assurer une application plus homogène de la loi sur l’ensemble du territoire.

Les défis à relever

Malgré cette volonté politique, les défis restent considérables. La réhabilitation des routes est une priorité, en particulier dans les zones rurales où le manque d’infrastructures adaptées et d’éclairage transforme la conduite nocturne en véritable parcours du combattant. L’application rigoureuse de la loi demeure également inégale, avec des contrôles parfois stricts dans certaines régions et quasi inexistants dans d’autres, ce qui réduit l’efficacité des mesures prévues.

Parallèlement, la sensibilisation des usagers constitue un autre enjeu majeur. Si les campagnes se multiplient, elles peinent encore à ancrer une véritable culture de la sécurité routière, tant chez les conducteurs que chez les piétons. Enfin, la prise en charge post-accident reste le maillon faible : les retards d’intervention, le manque de moyens logistiques et la formation insuffisante des intervenants réduisent considérablement les chances de survie des blessés graves et aggravent le bilan humain.

La lutte contre l’hécatombe routière exige donc non seulement des infrastructures modernisées et une loi appliquée avec équité, mais également un changement profond des comportements et une amélioration des capacités de secours.

Un enjeu humain, social et économique

Les accidents de la route ne se réduisent pas à des statistiques, nous le savons. Derrière chaque chiffre se cache une vie brisée, une famille marquée à jamais par la perte d’un proche, des blessures laissant des séquelles physiques et psychologiques durables. Mais le drame humain s’accompagne aussi d’un lourd coût économique.

Les soins médicaux, souvent coûteux et prolongés, la perte de productivité, l’impact sur les revenus familiaux et le stress social représentent autant de conséquences qui pèsent sur l’ensemble de la société. Dans de nombreux cas, c’est parfois le principal soutien économique de la famille qui disparaît, laissant les proches sans revenu et accentuant encore la vulnérabilité des foyers touchés.

C’est pourquoi chaque vie sauvée n’est pas seulement un chiffre en moins sur le bilan national, elle symbolise un pas vers une mobilité plus sûre, plus responsable et plus digne pour tous les Tunisiens. En fixant l’horizon de 2034 et en visant une réduction de 50 % le taux de mortalité routière, la Tunisie se dote d’une feuille de route claire et ambitieuse.

Mais cette ambition ne pourra se réaliser que par un engagement collectif. L’État doit assumer son rôle de garant de la sécurité, les collectivités locales doivent investir dans des infrastructures adaptées, la société civile doit renforcer l’éducation et la sensibilisation, et chaque citoyen doit adopter des comportements responsables au quotidien.

Être un citoyen responsable ne se limite pas à respecter le code de la route et à s’arrêter aux feux rouges. C’est également le même citoyen qui ne jette pas sa bouteille vide par la fenêtre de sa voiture, ni ses ordures depuis son balcon, et qui respecte les règles de la vie en communauté, qu’il s’agisse de s’acquitter de son quota de syndic pour assurer l’entretien et la maintenance de son immeuble, d’attendre son tour dans une file ou encore de reconnaître la liberté des autres.

La sécurité routière n’est qu’une partie de ce que signifie être un citoyen complet. Il est illusoire et réducteur de vouloir faire de quelqu’un qui respecte seulement la route un citoyen responsable, si ce dernier ignore les autres règles de vie commune, ne considère pas autrui, manque de politesse envers les inconnus et néglige l’environnement. On ne peut s’attendre à ce qu’une personne qui méprise toutes ces obligations citoyennes se mette soudainement, par un sens sélectif de la rigueur, à respecter méticuleusement le code de la route.

Nous devons donc tous oeuvrer à construire une personnalité tunisienne responsable, qui allie respect du code de la route, conscience citoyenne à toutes épreuves et sens des responsabilités sociales, ainsi que le respect de l’environnement. C’est cette responsabilité globale qui permettra de transformer la stratégie nationale de sécurité routière en résultats concrets, et de bâtir une société où chacun peut circuler, vivre et interagir dans le respect de la vie et de la liberté des autres.

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