Mali: le Jnim mène un «jihad économique» à Kayes, selon le Timbuktu Institute

Au Mali, le Jnim, lié à al-Qaïda, impose depuis le 3 septembre dernier un blocus aux villes de Kayes et Nioro du Sahel, dans le sud-ouest du pays. Les jihadistes arrêtent et incendient des véhicules de transport et de marchandises, des passagers ont été enlevés. L’armée malienne réfute tout blocus, mais multiplie les opérations et les patrouilles pour tenter de sécuriser les routes. Le Timbuktu Institute, centre de réflexion basé à Dakar, publie ce 12 septembre une étude analysant la nouvelle stratégie du Jnim, qualifiée de « jihad économique ».
Publié le : Modifié le :
3 min Temps de lecture
La région de Kayes au sud-ouest du Mali est devenue « une cible stratégique majeure » pour le Jnim « qui la considère comme un espace vital. » Selon le Timbuktu Institute, les jihadistes entendent perturber l’approvisionnement du pays « pour déstabiliser, voire asphyxier l’économie malienne », « isoler la capitale Bamako » et « accentuer la pression économique sur le régime malien » de Transition.
L’étude rappelle que près de 80% de l’or du Mali, sa principale ressource, est produit dans la région de Kayes et que 30% des importations terrestres maliennes, carburant et céréales notamment, passent par la route nationale 1, qui relie le port de Dakar à Bamako, en passant par Kayes.
Région stratégique pour l’économie
Les attaques coordonnées de début juillet contre des positions militaires, le long des frontières sénégalaise et mauritanienne, celle de la fin août contre un chantier de rénovation de la RN1, puis l’instauration d’un blocus, traduisent, selon le centre de recherche, « une volonté de paralyser les flux commerciaux. »
À lire aussiMali: précisions et interrogations sur les sept attaques menées par le Jnim de Kayes à Niono
Dans le même temps, « le Jnim renforce son emprise sur le centre du pays et prépare constamment de nouvelles actions pour mieux cibler les axes commerciaux stratégiques », écrivent encore les chercheurs.
« Contrôle économique parallèle »
Sur les attaques de camions-citernes en divers endroits du pays, le Timbuktu Institute rappelle que le carburant est « essentiel aux opérations militaires » et prévoit que, pour ce qui concerne les civils, elles vont augmenter les coûts de transports et « pousser les acteurs économiques vers des réseaux informels, souvent taxés par le Jnim. » Un coup double pour les jihadistes, qui fragilisent ainsi l’économie du pays tout en dégageant des financements : « le Jnim cherche à établir un contrôle économique parallèle. »
« En imposant des règles sur le carburant et le transport, analysent également les chercheurs, le Jnim se positionne comme une autorité de facto, érodant la légitimité du gouvernement malien. » Dans un communiqué, l’armée malienne indique avoir mené des frappes aériennes « dans la nuit du 10 septembre », « dans les localités » de Kayes, Yélimané et Nioro du Sahel, frappant « avec succès » « plusieurs postes stratégiques de chefs terroristes ». Aucun bilan n’est précisé.
À lire aussiSud-ouest du Mali: l’armée réfute tout blocus à Kayes et Nioro mais précise son action
Dissuader les investisseurs étrangers
Le Timbuktu Institute rappelle que le Jnim avait déjà multiplié par sept ses attaques dans la région de Kayes entre 2021 et 2024, avant l’intensification constatée depuis début juillet. Ces derniers mois, ces attaques n’ont plus seulement visé des positions militaires ou étatiques. Elles ont également ciblé plusieurs sites industriels ou miniers opérés par des entreprises étrangères, notamment chinoises, comme à Bafoulabé. Au moins trois Indiens ont été pris en otage. Des actions qui pourraient avoir un effet dissuasif sur les investisseurs étrangers.
Disperser les forces maliennes
Sur le plan militaire, le Jnim a intensifié ses opérations dans la région de Kayes sans relâcher la pression dans le reste du pays, particulièrement dans le centre. Une stratégie qui vise, selon l’étude, à « disperser les Forces armées maliennes, affaiblissant leur capacité à protéger Bamako. »
Le Timbuktu Institute s’inquiète enfin des conséquences sur la Mauritanie et le Sénégal voisins : « perturbation du commerce transfrontalier » et « risque de déstabilisation sécuritaire ».
À lire aussiMali: des voyageurs racontent le blocus à Kayes, le gouvernement appelle à «vaquer librement»