Ile Maurice: Jocelyn Kwok – «Il nous manque 5 000 personnes d'ici 2030…»

Le manque de personnel qualifié pèse sur les hôtels et restaurants, avec des horaires plus longs, une pression accrue sur la qualité du service et des difficultés à rester compétitifs. Jocelyn Kwok, directeur de l’Association des hôteliers et des restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM), nous explique les causes de cette pénurie, l’impact du recours aux travailleurs étrangers et les efforts pour développer la maind’oeuvre locale tout en maintenant un service centré sur le client.

Comment l’AHRIM évalue-telle l’impact de la pénurie de maind’oeuvre locale sur le secteur hôtelier et touristique actuellement ?

Il faut d’abord préciser que le problème du manque de main-d’oeuvre affecte tout le pays, non seulement certains secteurs reconnus, mais aussi le secteur informel, voire l’administration publique. Les causes sont connues : baisse démographique, émigration temporaire ou permanente, croissance des activités économiques, émergence de nouveaux secteurs tels que la santé et les services aux personnes âgées, ou encore une informalisation accélérée de l’économie qui rend nos indicateurs incomplets, pour ne pas dire peu fiables.


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La concurrence entre secteurs est donc devenue une réalité. Dans le cas du tourisme et de l’hôtellerie, non seulement les étudiants de notre école hôtelière bénéficient d’énormes opportunités à Maurice en dehors du secteur, mais le tourisme et l’hôtellerie connaissent aussi un essor partout dans le monde, avec d’excellentes perspectives en Europe et au Moyen-Orient.

De plus, l’emploi sur contrat à durée déterminée dans les bateaux de croisière a bouleversé la compétitivité des salaires proposés dans nos hôtels, notamment grâce à la force des devises étrangères et à la durée des contrats, variant de six à 12 mois pour la plupart. Les hôtels offrant des contrats à durée indéterminée peinent à rivaliser avec les bateaux de croisière à court terme.

Ce manque de main-d’oeuvre dans les hôtels entraîne énormément de stress. Les employés actuels disposent de moins de temps de repos, les heures supplémentaires s’allongent, la productivité est menacée, et la qualité du service peut en souffrir. Une étude de Maurice stratégie, d’une part, et une enquête menée auprès des membres de l’AHRIM, d’autre part, produisent les mêmes résultats convergents.

Le recours aux travailleurs étrangers est-il durable pour le secteur ou faudrait-il davantage développer la main-d’oeuvre locale ?

La préférence pour employer des Mauriciens est évidente ; il n’y a pas de discussion à ce sujet. Employer de la main-d’oeuvre étrangère est une solution de dernier recours. Le manque de main-d’oeuvre et l’attrait des bateaux de croisière étaient déjà évoqués il y a presque vingt ans. À cette époque, Maurice accueillait 760 000 touristes ; aujourd’hui, nous sommes autour de 1,3 million, avec une même école hôtelière qui forme moins d’étudiants. Tous nos efforts pour gérer ces écarts de manière progressive ont été vains, que ce soit au niveau de l’école ou des autorités du tourisme.

Il nous faut donc travailler sur les deux facettes de manière concomitante. Nos efforts pour recruter localement sont redoublés en ce moment: nous avons écumé toutes les listes, les bureaux d’emploi, les listes dites sociales, les écoles et collèges, les institutions d’éducation non formelle, et finalement, il n’y a pas de résultats spectaculaires.

De plus, nous devons absolument revoir nos lois et conventions. L’industrie privilégie le service centré sur le client, une approche qui demande de la flexibilité et un enrichissement des tâches, des aspects qui échappent à notre Remuneration Order. Nous dépendons aussi des emplois journaliers et saisonniers ; une redéfinition du travail à mi-temps est ainsi nécessaire. À ce jour, la politique de rémunération horaire est loin d’être flexible et ne permet pas d’optimiser l’emploi de personnes évoluant dans d’autres secteurs qui pourraient venir nous aider durant leurs moments libres.

Quelles seraient les conséquences économiques si le recrutement de travailleurs étrangers devenait plus restreint ?

Les besoins de l’industrie sont énormes en termes absolus, car il nous manque 5 000 personnes d’ici 2030. Mais si nous regardons les 50 000 personnes déjà employées, y compris environ 1 000 étrangers déjà sur place, nos besoins restent limités et très raisonnables – c’est 10 %. N’oublions pas que dans d’autres secteurs, nous atteignons presque 100 % de main-d’oeuvre étrangère.

Donc, nous restreindre serait injuste et inapproprié. Les Maldives et les Seychelles, par exemple, ont une politique affirmée de recrutement de travailleurs étrangers. Tout est clair et sans ambiguïté : quotas, durée des contrats et renouvellement, ouverture envers tous les pays et tous les métiers, procédures simplifiées et rapides.

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