Mali: des voyageurs racontent le blocus à Kayes, le gouvernement appelle à «vaquer librement»

Au Mali, les jihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim, liés à Al-Qaïda), poursuivent le blocus imposé depuis le 3 septembre aux villes de Kayes et de Nioro du Sahel, dans le sud-ouest du pays. Les habitants joints par RFI qui tentent de se déplacer décrivent leur calvaire. De son côté, le gouvernement de transition assure que l’armée « maîtrise la situation sur le terrain » et appelle les habitants à circuler « librement ». L’état-major revendique la « neutralisation » de « plusieurs dizaines de terroristes » dans la région.
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De notre journaliste au service Afrique, avec les rédactions en mandenkan et en fulfulde de RFI,
L’armée mène des opérations de ratissage, des frappes aériennes, et patrouille quotidiennement sur les routes nationales 1 et 3. Pourtant, depuis mercredi 3 septembre dernier, les populations des régions de Kayes et de Nioro du Sahel qui veulent se déplacer témoignent de leur calvaire et ne cachent pas leur peur.
Joints par RFI, plusieurs habitants racontent comment leur autocar a été stoppé par les jihadistes, les hommes forcés à descendre, le véhicule incendié.
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« Ils ont libéré les hommes et on a continué »
Une femme, qui s’est rendue dimanche en autocar de Kayes à Bamako et qui a eu la peur de sa vie, raconte : « Deux hommes ont traversé la route, ils avaient des fusils. Le chauffeur a ouvert la porte et les deux jeunes sont entrés pour dire aux hommes de descendre, raconte-t-elle anonymement à RFI, par sécurité. Alors les hommes sont descendus, ils sont tous partis à environ 15 mètres du véhicule. Je crois que c’était pour voir leur carte d’identité. Les femmes sont restées dans le bus. Ça n’a pas trop duré, peut-être 10-15 minutes. Après, ils ont libéré les hommes et on a continué. »
Des images de véhicules à l’arrêt ou incendiés circulent sur les réseaux sociaux. Si certaines images ont été tirées de leur contexte, d’autres sont bel et bien authentiques.
Saison des pluies et véhicules incendiés
L’armée malienne dément l’existence d’un blocus à Kayes. Elle estime que les blocages de route, les destructions de camions-citernes ou les enlèvements de passagers qui se sont multipliés ces derniers jours ne sont que les « derniers soubresauts d’un ennemi aux abois » et attribue en premier lieu les perturbations de circulation à « la saison des pluies ». C’est ce qu’a déclaré lundi le porte-parole de l’armée, le Colonel Souleymane Dembélé.
Cette autre femme, également jointe par RFI, a pourtant vu son autocar partir en fumée à quelques kilomètres de Nioro du Sahel. « Les terroristes nous ont intercepté vers la forêt de Lagamani, ils ont fait descendre les passagers et les marchandises. Ensuite, explique-t-elle, ils ont rendu à chacun ses bagages avant d’ordonner au chauffeur de conduire le bus plus loin dans la brousse. Là, ils ont incendié le véhicule. Nous avions payé 12 000 francs CFA [environ 18,29 euros, NDLR] pour le trajet Kayes-Bamako. Pour atteindre notre destination, il a fallu payer encore pour continuer avec un autre moyen de transport. Le chauffeur se sentait responsable, il en avait les larmes aux yeux. »
« Vaquer librement »
Ces témoins, toujours sous le choc, ont eu la chance de pouvoir repartir. Les jihadistes affirment cibler spécifiquement les ressortissants des villes de Kayes et du Nioro du Sahel, à qui ils reprochent de soutenir l’armée malienne.
Le gouvernement de transition assure, dans une publication sur les réseaux sociaux, que l’armée « maîtrise la situation sur le terrain » et appelle les habitants à « vaquer librement sur les axes routiers ».
Selon un communiqué de l’état-major, des frappes aériennes ont permis mardi 9 septembre de détruire un « refuge terroriste » dans la zone de Mousafa, à la lisière nord de la forêt de Baoulé, dans la région de Kayes, près des frontières sénégalaise et mauritanienne. L’armée revendique la neutralisation de « plusieurs dizaines de terroristes ».
Le président de Transition, le général Assimi Goita, a reçu mardi en audience deux policiers, ex-otages du Jnim. Ils avaient été enlevés le 6 août dernier dans la région de Tombouctou, puis libérés lundi 6 septembre grâce à l’implication des services de renseignement, selon les autorités de transition, qui n’ont pas donné plus de précisions.
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