Ile Maurice: Me Luchmun explique le principe d'«autrefois convict» et d'«autrefois acquit»

Le footballeur Andy Patate, libéré de prison à La Réunion et arrêté à Maurice, continue de défrayer la chronique. L’attention se porte désormais sur le principe juridique d’autrefois convict et d’autrefois acquit. Le joueur, provisoirement accusé de complot en vue d’importer de la drogue, a vu sa motion en vue de remise en liberté examinée hier en cour intermédiaire, et sa libération actée contre une caution de Rs 100 000.
Arrêté à sa sortie de l’aéroport, Andy Patate avait déjà comparu en cour de Port-Louis Sud le lundi 1eᣴ septembre, accompagné de ses deux avocats, Me Lovena Sowkhee et Me Rishi Hurdoyal, pour une motion similaire visant sa libération sous caution. C’est dans ce contexte que Me Arvin Luchmun a fourni un aperçu clair sur ce qu’est un «autrefois convict», et comment ce statut se distingue d’un «autrefois acquit».
L’avocat explique que ces deux notions permettent à un accusé d’opposer une défense juridique contre une nouvelle accusation portant sur les mêmes faits. «L’autrefois acquit s’applique lorsque l’accusé a déjà été acquitté pour une infraction donnée. L’autrefois convict s’applique lorsque l’accusé a déjà été condamné.»
Me Arvin Luchmun.
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Ce principe, fondé en droit anglais, a pour objectif de protéger les droits de l’accusé contre toute forme de préjudice ou de double poursuite. Comme le souligne Me Luchmun, le terme se traduit littéralement par «déjà acquitté» ou «déjà trouvé coupable».
Conditions d’application selon l’avocat
Pour que ce principe soit invoqué, Me Luchmun rappelle que plusieurs conditions doivent être réunies : l’accusé doit avoir fait face à un procès complet sur la même infraction. La procédure antérieure doit avoir abouti à un acquittement ou à une condamnation.
Le nouveau procès doit porter sur les mêmes faits, même si l’infraction est requalifiée à la hausse ou à la baisse. L’accusé doit démontrer que ce nouveau procès lui cause préjudice et menace le précédent ou l’actuel. Le principe s’applique à toute infraction criminelle, y compris les délits fiscaux, et est suivi dans les pays basés sur la Common Law.
Le cadre constitutionnel
Me Luchmun souligne également que l’article 10(5) de la Constitution protège expressément l’accusé : «Nul ne peut être jugé à nouveau pour une infraction pénale ou pour toute autre infraction de nature pénale dont il aurait pu être reconnu coupable ou acquitté lors du procès relatif à cette infraction, sauf par ordre d’une procédure d’appel ou de révision relative à la condamnation ou à l’acquittement.» Ainsi, le droit constitutionnel interdit la double incrimination, sauf exceptions strictes prévues par la loi.
La charge de la preuve
Selon Me Luchmun, c’est à l’accusé de déclencher la défense et de fournir la preuve : qu’il a été traduit en justice pour une infraction comportant les mêmes faits, qu’il a fait face au procès précédent, et qu’il a été acquitté ou condamné.
Au-delà, il doit montrer que ce nouveau procès est préjudiciable, constitue une violation des principes de justice naturelle et équivaut à un abus de procédure. L’avocat précise que la jurisprudence anglaise et française, dont s’inspirent nos textes, encadre strictement cette défense.
Elle ne s’applique pas : si la charge initiale a été retirée avant que le tribunal ne se prononce, ou si l’affaire précédente a été rejetée pour défaut de procédure. De plus, le Directeur des poursuites publiques peut, avant délibération, discontinuer un procès sous l’article 72 de la Constitution et en ouvrir un autre.
Me Luchmun attire aussi l’attention pour assurer la justice et l’équité, et éviter tout abus dans la répétition des poursuites pénales. Un délit criminel peut donner lieu à une action civile ou disciplinaire, par exemple dans le cas d’un accident de la route où il y a eu des dommages matériels ou un décès, l’accusé peut faire l’objet d’une action en civile pour dommages. Mais il ne faut pas s’y tromper car la cause de l’action est différente et il n’y aura pas de double incrimination.
Si la défense d’«autrefois acquit» n’est pas invoquée, le tribunal n’est pas tenu de l’examiner et l’accusé s’expose à de lourdes conséquences.