
À l’occasion de son 65e anniversaire d’indépendance, le Bénin crée la surprise en conviant des troupes militaires du Sahel à son défilé national. Un geste fort et symbolique dans un contexte régional tendu.
À l’aube de son 65ᵉ anniversaire d’indépendance, le Bénin surprend par un geste diplomatique audacieux. Le gouvernement béninois a invité des troupes militaires de la Confédération des États du Sahel (AES), notamment du Niger, du Burkina Faso et du Mali, à défiler à Cotonou le 1er août prochain. Cette initiative, en pleine tension politique et sécuritaire avec certains de ces pays, apparaît comme une tentative de réchauffement des relations régionales et une affirmation de la solidarité africaine.
Un défilé sous le signe de l’ouverture
L’annonce a été faite par le porte-parole du gouvernement béninois, Wilfried Léandre Houngbédji, lors d’une interview sur Canal 3 Bénin. Quatre pays ont été conviés à participer au défilé militaire, dont deux appartenant à l’AES. Pour les autorités béninoises, il ne s’agit pas seulement d’un événement protocolaire, mais d’un symbole fort. « Nos populations sont les mêmes de part et d’autre des frontières », a rappelé Houngbédji, insistant sur la nécessité de dépasser les divergences politiques au nom de la fraternité régionale.
Cette initiative prend une dimension encore plus marquée alors que le Bénin entretient actuellement des relations crispées avec le Niger et le Burkina Faso, deux pays membres de l’AES. Depuis la création de cette alliance sahélienne, en rupture ouverte avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), les équilibres diplomatiques de la sous-région sont fragilisés. Le geste de Cotonou peut donc être interprété comme un appel à la désescalade et à la coopération transfrontalière.
Une main tendue après l’horreur d’avril
Mais ce message de paix intervient aussi dans un contexte douloureux pour le Bénin. Le 17 avril dernier, une attaque jihadiste d’une rare violence a frappé les localités de Banikoara et Koudou, dans le nord du pays, faisant des morts parmi les soldats béninois. L’assaut, revendiqué par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), a mis en lumière la vulnérabilité des frontières, en particulier avec le Niger et le Burkina Faso.
Le gouvernement béninois avait alors pointé du doigt l’insuffisance de la coordination sécuritaire avec certains voisins. Pourtant, trois mois plus tard, Cotonou fait le choix de dépasser le ressentiment et d’affirmer sa volonté de coopération. « Une vie perdue, c’est déjà trop », avait déclaré Houngbédji en avril, ajoutant que le manque d’action concertée favorisait l’ennemi commun qu’est le terrorisme.
Vers un tournant diplomatique ?
La participation des troupes de l’AES au défilé du 1er août pourrait devenir un marqueur important de l’évolution des relations régionales. Ce serait un signal d’apaisement dans une zone sahélienne de plus en plus fragmentée par les reconfigurations politiques, les coups d’État militaires et les ruptures institutionnelles.
Le Bénin, qui partage plus de 200 km de frontière avec chacun des deux principaux pays de l’AES, ne peut ignorer les risques de déstabilisation liés à l’isolement de ses voisins. En leur tendant la main, Cotonou cherche à relancer un dialogue stratégique, au-delà des clivages idéologiques. Un pari audacieux, mais peut-être nécessaire.
Une fête nationale comme « apothéose » de l’ère Talon ?
Alors que ce 1er août 2025 pourrait marquer la dernière célébration de l’indépendance sous la présidence de Patrice Talon, le gouvernement semble vouloir inscrire l’événement dans l’histoire. Selon son porte-parole, le chef de l’État souhaite une « apothéose », un moment fort de cohésion nationale et de rayonnement diplomatique. En mettant la coopération régionale au cœur de la fête, le Bénin envoie un message clair : l’avenir du Sahel ne se construira pas dans la division, mais dans la solidarité.